Quelques jours se sont écoulés et les cours ont recommencé, pour le plus grand malheur d’Angel qui semble vraiment déprimé.
« Alors Angel, qu’est-ce qu’il y a ? demande Lydia qui a l’air toute guillerette.
— Les cours ça me déprime, répond Angel en soupirant.
— Mais faut pas ! On est au mois de mai, il fait beau et les arbres sont en fleur !
— Ouais… aaaatchoum ! Résultat, je me tape un rhume des foins, continue-t-il. Heureusement que je suis pas allergique. »
Il se mouche sous le regard amusé de Lydia.
« Eh, je sais quelque chose qui va te remettre d’aplomb, dit-elle.
— Qu’est-ce que c’est ? demande Angel en relevant la tête de son mouchoir.
— Cet après-midi on a pas cours d’histoire. À la place, on a une réunion sur la prévention routière.
— Hein ? Je croyais que ça s’arrêtait au collège ces trucs-là ?
— C’est pas pareil. Là va y avoir une personne qui a été victime d’un accident de la route qui va venir nous parler de son expérience.
— Et comment ça se fait que j’étais pas au courant ?
— J’en sais rien, normalement tout le monde devrait le savoir. T’es peut-être un peu tête en l’air », dit Lydia en rigolant.
Angel ne relève pas et dit :
« Bon, en tout cas on a pas histoire aujourd’hui, c’est toujours ça de gagné. Et puis qui sait, ça va peut-être être intéressant. Merci Lydia, ça va mieux maintenant… aaa… aaa… AAATCHOUM ! »
Angel éternue si fort qu’il en tombe par terre, ce qui fait éclater Lydia de rire. Angel se relève en grommelant :
« C’est toujours à moi que ça arrive ces trucs… Pfff… »
Nous nous retrouvons dans ce lieu d’ombres et d’obscurité au milieu duquel flottent les douze Sages Noirs. Au centre de leur cercle, deux yeux rouges apparaissent, suivis par le corps de Lotarh.
« Sages Noirs, vous m’avez convoqué, dit-il.
— En effet ! dit un Sage Noir à la gauche de Lotarh, ce qui l’oblige à se tourner vers lui (NdlA : vous connaissez le petit jeu des Sages Noirs maintenant, non ? Alors pas la peine que je réexplique tout).
— Tes deux premiers soldats se sont déjà fait battre. Tu sais pourtant que le maître n’aime pas ça.
— Je le sais. Ne vous inquiétez pas, cela ne se reproduira plus.
— Il y a intérêt, car le maître veut plus d’énergie ! crie un autre Sage Noir. Dépêche-toi d’en ramener ! Il n’y a que quand le maître sera de retour que nous pourrons avoir une victoire totale !
— Je le sais, dit Lotarh. Mais il y a eu un imprévu. Les Combattants de l’Arc-en-Ciel sont apparus de nulle part. Cette planète ne possède pourtant pas la technologie de la transposition. Et ces enfants ne semblent pas avoir de pouvoirs de ce genre. Sages Noirs, savez-vous qui sont ces Combattants ? D’où tiennent-ils leurs pouvoirs ? »
Soudain, deux yeux rouges gigantesques apparaissent loin au-dessus des Sages Noirs et de Lotarh, et une voix grave et forte se fait entendre :
« Ne te pose pas de questions ! Tu n’es pas là pour ça ! Ton destin est de m’obéir et tu le sais ! Va, et ramène-moi des énergies humaines ! J’en ai besoin pour ressusciter complètement !
— Oui, maître Esmeros, dit Lotarh en tremblant, il en sera fait comme vous l’avez ordonné. »
Les grands yeux disparaissent, suivis par Lotarh. Dans l’obscurité, l’entité que Lotarh a appelé « maître Esmeros » pense pour elle-même :
« La technologie de la transposition… cette planète minable n’est pas assez évoluée pour la posséder. Serait-il possible que la Confrérie de l’Arc-en-Ciel existe encore ? Je l’avais pourtant complètement détruite ! Non, cette fois, elle ne viendra pas interférer dans mes projets ! »
Il est maintenant 1 heure moins le quart. Lydia et Angel ont terminé de manger et avancent vers la salle où doit se faire la réunion sur la prévention routière. Quand ils arrivent à la porte, il n’y a encore quasiment personne à part deux personnes qu’ils connaissent bien.
« Eh, salut Martin, salut Clémence, vous venez assister à la réunion aussi ?
— J’ai pas le choix, dit Martin, elle est obligatoire pour tous les secondes. Ça m’énerve quand même de rater un entraînement pour ça.
— Il est très important d’avoir de bonnes connaissances du code de la route aussi tôt que possible, surtout maintenant qu’on peut conduire à 16 ans, dit Clémence. Non seulement ça évite les accidents, mais en plus c’est la loi, et nul n’est censé ignorer la loi.
— Clémence… soupire Martin. De toute façon, mes parents veulent pas que je commence mes leçons de conduite accompagnée avant les grandes vacances. J’ai du temps devant moi.
— C’est quand même ton devoir civique.
— Tu y vas aussi alors, Clémence ? demande Angel pour désamorcer la situation.
— J’aimerais bien, mais la réunion est seulement pour les secondes, et j’ai cours. Enfin, tant pis, vous me raconterez. J’y vais, salut !
— Salut Clémence. »
Clémence s’en va rejoindre sa salle de cours. Les trois autres se demandent :
« Alors, on entre maintenant ou on attend ?
— On n’a qu’à entrer, on moins on aura une bonne place, dit Lydia.
— En espérant que la porte soit ouverte », dit Martin en s’approchant.
La porte s’ouvre. Nos trois amis entrent donc dans la salle encore vide.
« On se met devant ? propose Lydia. Comme ça on entendra mieux.
— Avec le monde qu’il va y avoir, c’est une bonne idée, acquiesce Martin.
— Toutes les secondes vont rentrer dans la salle vous croyez ? s’interroge Angel.
— Ils ont dû prévoir que y’en aura qui viendront pas malgré l’obligation, dit Lydia.
— Mouais, d’ailleurs je me demande si je vais pas m’éclipser avant que ça commence », dit Martin.
Malheureusement pour lui, un professeur entre justement dans la salle.
« Ah, vous êtes déjà arrivés. Installez-vous, ça commencera dans dix minutes comme prévu.
— Désolé Martin, chuchote Angel à son attention. Il semble que tu sois bloqué ici avec nous.
— Je sais », dit Martin en baissant la tête de dépit.
Les minutes passent, et les élèves entrent au fur et à mesure dans la salle de réunion. À 13h05, les deux professeurs qui ont organisé cette réunion considèrent que les absents ne viendront plus, et de toute façon la salle est presque pleine. Ils prennent la parole :
« Bon, un peu de silence s’il vous plaît. Comme vous le savez peut-être, cette réunion fait partie d’un programme de sensibilisation à la sécurité routière auquel notre lycée participe. Une personne va venir vous parler des dangers de la route et des moyens d’éviter les accidents. Cette personne a été elle-même victime d’un accident de la route, alors je vous demanderai d’être gentils avec elle et de ne pas faire de remarques désobligeantes. Ayez un peu de décence. La réunion durera au moins une heure ou plus, tout dépendra de votre participation. Vous avez tous bien compris ?
— Oui, répondent les élèves, collectivement mais mal synchronisés.
— Très bien. Vous pouvez entrer mademoiselle. »
Une autre porte s’ouvre, et une jeune femme entre. Elle marche avec difficulté et s’aide d’une canne. Elle arrive entre les deux professeurs et se tourne vers les élèves. Tout le monde a un choc. Son profil est complètement brûlé. Ça n’empêche pas la jeune femme de sourire et de dire :
« Bonjour, merci d’être venus aussi nombreux à cette réunion. Je m’appelle Valérie Colbert et je suis chargée de vous parler de la sécurité routière. Je vais commencer par ma propre histoire… Comme vous le voyez, je porte sur mon corps les traces d’un accident qui a coûté la vie d’une autre personne, mon ami de l’époque… »
Angel sent sa gorge se serrer.
« Nous étions partis en vacances dans le Sud. C’était les premières vacances que nous prenions ensemble et nous ne connaissions pas bien la route. Aussi mon ami roulait prudemment mais peut-être pas de façon très sûre. Il faisait très beau et nous avions les fenêtres grand ouvertes. Nous roulions à flanc de colline quand mon ami m’a demandé un peu d’eau pour se rafraîchir. J’ai défait ma ceinture de sécurité pour aller chercher une bouteille d’eau dans la glacière que nous avions disposée à l’arrière de la voiture. La route était vide et nous étions insouciants. Soudain, au moment où j’attrapais la bouteille d’eau, j’ai entendu un crissement de pneu. Je n’ai pas le temps de me retourner, j’entends mon ami crier, puis je sens un choc énorme qui me soulève… Je ne me souviens pas du reste. Je me suis réveillée à l’hôpital, les deux jambes dans le plâtre, un bras fracturé et la moitié du visage cachée sous des bandelettes. Ma mère était près de moi et pleurait, mais je ne comprenais pas encore bien ce qui se passait. Là, le médecin est venu me voir et m’a appris que j’étais restée dans le coma pendant près de deux semaines. Il m’a raconté comment un automobiliste a découvert l’accident, comment il a appelé les secours. Une homme roulant à contresens avait percuté notre voiture. Mes premières pensées ont été vers mon ami. C’est là qu’il m’a appris l’horrible nouvelle. En fait, avoir défait ma ceinture de sécurité m’a presque sauvé la vie : au moment du choc, j’ai été éjectée de la voiture. Mon visage s’est cogné contre le moteur fumant de l’autre voiture, puis je suis tombée à terre. Mon ami n’a pas eu cette chance : notre voiture est tombée dans le ravin. Il ne s’en est pas sorti. »
Les yeux d’Angel se mouillent. Cette histoire ressemble à celle de ses parents. Lydia s’en rend compte et lui demande :
« Ça va Angel ? Ça va aller ?
— T’inquiète pas, dit-il en sortant son mouchoir. Je tiendrai le coup. »
Il se mouche bruyamment, ce qui attire l’attention de la jeune femme. Quand il s’en rend compte, il se met à rougir comme une tomate et essaie de se faire tout petit sur son siège.
« La voiture qui nous a percutés s’est encastrée contre la colline, continue Valérie. Le chauffeur a eu de la chance : il s’est simplement évanoui, plus par la quantité d’alcool qu’il avait dans le sang que par le choc d’ailleurs. Quant à moi, le docteur m’a dit que je pourrais remarcher si je suivais une longue rééducation, mais que je n’aurais jamais plus l’aisance que j’avais autrefois. Au bout de deux ans, je suis encore obligée de me servir d’une canne. Quant à mon visage, il restera ainsi pour toujours. »
La jeune femme s’arrête de parler pendant un moment. Le public est complètement silencieux, ce qui est rare pour des élèves de seconde. Elle reprend la parole :
« Voilà, c’est mon histoire, et je voulais vous la raconter, afin que vous vous rendiez compte que ces choses n’arrivent pas qu’aux autres. Si cet homme n’avait pas pris le volant alors qu’il était ivre, si mon ami n’avait pas été distrait par moi cherchant une bouteille d’eau, ce drame ne serait pas arrivé, et deux vies n’auraient pas été brisées. Mon ami venait de finir ses études de médecine, et moi je devais devenir première danseuse dans une troupe de ballet. Inutile de dire que pour moi la danse c’est fini. »
Angel se sent proche de cette femme. L’accident de ses parents a eu le même effet sur lui, même s’il n’était pas présent physiquement et que ses blessures n’ont été que psychiques.
« Mais assez parlé de moi. Je vais maintenant vous parler de la sécurité routière en général. Essayez de retenir le plus important : peut-être que vous éviterez un jour qu’une histoire comme la mienne se reproduise. »
La jeune femme commence à parler de choses plus générales. Elle arrive même à sourire. Inutile de dire que l’attention de tous est tourné vers elle. Seul Angel a l’esprit vagabond. Il repense à ses parents, à cette histoire qui a failli détruire sa vie.
Dans son antre moyenâgeux, Lotarh est assis sur son trône et réfléchit :
« Qu’est-ce que le maître veut cacher ? Sa vraie nature ? Pourquoi ne pas me révéler notre passé ? J’y trouverais peut-être le moyen de détruire ces gamins irritants. Mais cette peur qui m’étreint à chaque fois que le maître se manifeste, je ne peux rien contre elle, je sens que je n’ai d’autre choix que de lui obéir… Oublions ça pour l’instant, dit-il en se levant. Il me faut trouver ma prochaine victime. »
Lotarh marche dans son antre, contourne sa Fontaine de Haine et s’arrête dans un coin, devant son Miroir de la Haine. Celui-ci ne fait pour l’instant que refléter l’image de Lotarh.
« Miroir de la Haine, trouve-moi ma prochaine victime. Quelle est la personne qui possède en elle la puissance de la Haine, couplée à l’énergie de l’Amour ? »
Le Miroir s’embrume, puis devient complètement noir. La brume se dissipe et le miroir montre une scène différente, le plan américain (NdlA : pour ceux qui ne connaissent pas ce terme de cinéma, le plan américain désigne un type de prise de vue où l’on ne voit que le buste et la tête de la personne filmée) d’une jeune femme appuyée sur une canne, debout devant un public dans une grande salle. Elle se tourne légèrement, et on entrevoit son profil brûlé.
« Parfait, dit Lotarh avec un grand sourire, celle-ci est une victime idéale ! Allons-y ! »
Et nous quittons Lotarh par un fondu au noir.
La réunion est terminée, et a eu un franc succès. Les élèves ont posé énormément de questions et les profs ont été obligés d’interrompre la réunion qui commençait à déborder sur le temps prévu. Les élèves commencent à sortir.
« Tu viens Angel ? demande Martin.
— Pars devant avec Lydia, je vous rejoins tout à l’heure. Je voudrais lui parler un peu.
— Ah bon ? OK, mais ne sois pas trop long ou on t’attend pas.
— Ça prendra que cinq minutes. »
Martin et Lydia sortent de la salle. Martin demande :
« Dis-moi Lydia, tu sais ce qu’il a Angel ?
— Ses parents sont morts dans un accident de voiture similaire à celui de cette femme, explique Lydia.
— Ah bon ? Je savais que ses parents étaient décédés mais je savais pas dans quelles circonstances. Maintenant je comprends pourquoi il était comme ça. Le pauvre, il a dû souffrir. »
Angel descend et rejoint les profs et la jeune femme. Il attend un peu car plusieurs élèves ont eu la même idée que lui. Ceux-ci finissent par partir et il se retrouve près de la jeune femme.
« Euh… Bonjour, tente-t-il timidement.
— Bonjour jeune homme, dit la jeune femme jovialement. À qui ai-je l’honneur ?
— Je m’appelle Angel.
— Angel ? C’est un prénom sympa ça. Je peux t’appeler Angel, en contrepartie tu m’appelles Valérie et tu me tutoies, d’accord ?
— Euh… OK, made… Valérie.
— Parfait ! Alors Angel, qu’est-ce que tu veux me demander ?
— Euh… Rien… C’était juste pour vous dire… euh pour te dire que ton histoire m’a beaucoup touché. J’ai vécu une histoire similaire. J’ai perdu mes parents dans un accident de voiture quasiment pareil au tien. »
Valérie prend un air désolé.
« Oh, je vois. Je suis désolée si mon histoire a ravivé de mauvais souvenirs.
— Non, ça va. J’ai appris à vivre avec. C’est arrivé il y a longtemps. C’est simplement que je me suis senti longtemps coupable.
— Je sais ce que c’est, dit Valérie. Je me suis longtemps senti coupable d’être en vie. Pourquoi est-ce que j’ai survécu et pas Henri ? Henri c’est… c’était le nom de mon ami.
— Moi c’est différent. J’étais pas dans la voiture. J’avais seulement pas vu mes parents depuis longtemps et ils voulaient me faire une surprise. Ils ont eu leur accident pendant le voyage qui devait les conduire vers moi.
— Mais ils sont avec toi maintenant, dit Valérie.
— Hein ?
— Tu le sens pas parfois ? Tes parents t’ont jamais quitté. Leur amour est resté dans ton cœur, et cela fait qu’ils ne te quitteront jamais.
— C’est vrai, dit Angel avec un grand sourire. Je m’étais pas vraiment rendu compte mais tu as raison.
— Pour moi c’est pareil, je sais qu’Henri veille sur moi là où il est… Mais parlons d’autre chose, je t’aime bien. Tu n’as pas de cours cet après-midi ?
— Non, ils ont tous été suspendus à cause de la réunion.
— Très bien, alors voilà ce que je te propose : ça te dirait de passer chez moi un moment ? J’habite près d’ici. On pourrait discuter un peu plus longtemps. Et puis j’aurais besoin d’un peu d’aide à la maison. Il y a des choses qu’il faut faire mais que je peux pas faire toute seule. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression que je peux te faire confiance. Alors, ça te dit ?
— Oui, bien sûr, il faut juste que je prévienne mes amis qu’ils ne m’attendent pas.
— Alors vas-y, je t’attends ici, j’ai quelques trucs à régler avec vos profs.
— OK. »
Angel sort rapidement de la salle et retrouve Lydia et Martin.
« Alors, sympa ? demande Martin.
— Très, elle m’a invité à passer un moment chez elle.
— Et tu vas y aller ? demande Martin, étonné.
— Oui, pourquoi pas ? Je suis juste passé vous dire de ne pas m’attendre.
— Attends, t’es dingue là ! s’écrie Martin. Tu vas aller chez une parfaite inconnue ?
— Martin a raison, dit Lydia, c’est pas prudent.
— Ça va, je sais me défendre. Et puis elle me paraît pas vraiment dangereuse, pas vrai ?
— C’est pas une raison, t’es mineur et elle est majeure !
— Ça va Martin, y’a pas de danger, dit Angel. Allez, salut ! »
Angel les laisse et rejoint Valérie. Lydia et Martin se regardent sans comprendre.
« Incroyable ! dit Martin.
— Il a vraiment pas froid aux yeux, dit Lydia. C’est cette histoire qui a dû le toucher. Il doit se sentir proche de cette Valérie parce qu’ils ont vécu une expérience similaire.
— Tu crois ? demande Martin.
— C’est possible. Il a peut-être besoin de parler à quelqu’un qui comprend vraiment ce qu’il a vécu.
— Et toi ? Je croyais que t’étais sa meilleure amie ?
— J’ai jamais perdu quelqu’un dans un accident de voiture. Peut-être que je peux pas comprendre tous ses sentiments. »
Pendant qu’elle dit cela, elle pense : « Angel, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu es bien mystérieux depuis quelques mois… »
Une dizaine de minutes plus tard, Angel et Valérie arrivent chez cette dernière, un appartement situé au dernier étage d’un vieil immeuble parisien.
« Entre, dit-elle en ouvrant la porte, tu es le bienvenu. »
Il entre, et voit tout de suite que l’appartement est gigantesque ! Le hall d’entrée est déjà aussi grand que sa chambre.
« Waah ! C’est gigantesque chez toi !
— C’était l’appartement que je partageais avec Henri. J’ai pas eu le cœur de m’en séparer, et j’ai une petite fortune personnelle qui me permet de payer le loyer. Je suis aidée aussi par ma pension d’invalidité. Enfin, j’aurais aimé qu’il en soit autrement… Mais bon, on va pas rester dans le couloir, viens avec moi. »
Il la suit dans le couloir et ils arrivent dans une grande salle de séjour. Celle-ci est orientée plein sud et la grande baie vitrée laisse passer la lumière de cet après-midi bien entamé.
« Assieds-toi, dit Valérie. Tu veux quelque chose à boire ? Un jus de fruit ?
— Avec plaisir, dit Angel, mais c’est pas la peine si tu dois faire trois kilomètres pour le trouver. Tu dois être fatiguée d’avoir tant marché.
— Ça se voit tant que ça ? demande la jeune femme en s’asseyant. Je suis toujours en rééducation. C’est très long et très difficile, mais je n’aurai de cesse que quand j’aurai retrouvé tous mes moyens. Tiens, viens voir. »
Elle se relève et conduit Angel vers une autre porte. Elle l’ouvre et y fait entrer ce dernier.
« Waaah ! »
C’est une grande salle de danse, avec un parquet de bois et un grand miroir.
« Je m’y entraînais tous les jours, autrefois, dit Valérie avec une pointe de regret dans la voix. C’était mon rêve de devenir danseuse étoile. Mon rêve est maintenant réduit à néant, mais j’espère bien un jour reprendre la danse, en amateur en tout cas. Et puis en attendant, cette salle me permet de faire mes exercices quotidiens de rééducation.
— J’aurais bien aimé connaître quelqu’un comme toi auparavant, dit Angel sur un ton énigmatique.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Quand mes parents sont morts, j’ai perdu tout courage de vivre et je me suis éloigné de tout. Y’a que ma meilleure amie et ma tante qui sont restées à mes côtés. Peut-être que si je t’avais rencontrée plus tôt, tu aurais pu m’insuffler ton courage et j’aurais pu me reprendre.
— Mais tu as des amis maintenant.
— Maintenant oui », dit Angel en pensant aux événements qui lui ont fait rencontrer ses nouveaux amis.
Il y a un silence lourd, qu’Angel finit par briser de façon un peu bête :
« Euh… Tu pourrais m’indiquer les toilettes s’il te plaît ?
— Bien sûr ! dit Valérie en riant, c’est au fond du couloir à gauche.
— Merci, je reviens tout de suite. »
Il la laisse pour aller soulager un besoin pressant. Seule, Valérie s’approche du miroir et pose la main sur la barre d’entraînement. Elle pose sa canne contre le miroir et essaie de monter sa jambe sur la barre. Elle grimace de douleur et finit par abandonner à la moitié du parcours.
« Quant on pense que vous auriez pu être danseuse étoile », dit soudain une voix derrière elle.
Elle se retourne si brutalement qu’elle manque de perdre l’équilibre. Devant elle se tient un homme assez grand, vêtu de ce qui ressemble à un uniforme étrange barré d’une écharpe bleu clair. Ses yeux sont cachés par des lunettes noires au dessus desquelles tombe une longue mèche de cheveux blancs.
« Qui êtes-vous ? ! Comment êtes-vous entré ici ? ! » s’écrie Valérie.
Elle essaie d’attraper sa canne, mais la manque et tombe à terre. Lotarh ne semble pas en avoir cure et continue de parler :
« Et vous auriez pu épouser celui que vous aimiez plus que tout au monde. Tous ces rêves détruits par un seul ivrogne. Vous devez tellement le haïr.
— Comment est-ce que vous savez tout ça ? Et qui est-ce qui vous permet de parler ainsi de mes sentiments ? ! Sachez que je ne hais personne, même pas celui qui a causé l’accident ! La haine est un sentiment inutile et même nuisible, il ne fait qu’affaiblir les gens !
— Au contraire, dit Lotarh en enlevant ses lunettes, je sais mieux que quiconque que la haine est la vraie source du pouvoir, comme la haine que tu essaies de refouler vainement. Laisse donc éclater ta colère, et viens à moi, viens t’offrir à mon maître ! »
Lotarh tend le Miroir de l’Ombre vers une Valérie paralysée. Son regard croise son reflet et un cercle lumineux se dessine sur le parquet autour de ses pieds, tandis que l’énergie quitte son corps. Elle n’a que le temps d’émettre un faible cri avant de perdre connaissance.
Pendant ce temps, Angel sort des toilettes et se rend dans la salle de bains juste à côté pour se laver les mains.
« Ouf, ça va mieux comme ça », dit-il en se regardant dans le miroir.
À ce moment il entend Valérie crier ! Il lâche la serviette et court dans le couloir. Il repasse par la salle de séjour et parvient à la porte de la salle de danse. Par l’embrasure, il voit Lotarh voler l’énergie de Valérie et sent la colère l’envahir. Il s’éloigne un peu et crie :
« Amulette Arc-en-Ciel, métamorphose ! »
Une fois transformé, il court dans la salle de danse et interpelle Lotarh :
« Toi ! Arrête ça tout de suite !
— Qui… ? ! s’écrie Lotarh.
— Cette jeune femme a déjà vécu l’horreur. Elle a perdu l’être qui lui était le plus cher ainsi que ses rêves, et tu oses t’attaquer à elle ? ! Mais quel monstre es-tu ? Prends garde ! Car je suis le messager de l’espoir, Rain Bow !
— Tiens, un Combattant de l’Arc-en-Ciel… répond Lotarh d’un ton négligent. Tu te trompes sur mes intentions. Je souhaite simplement lui faire découvrir les pouvoirs de la Haine qui sont enfouis en elle.
— Pour en faire ton esclave ! Jamais je ne permettrai cela ! Rubans Arc-en-Ciel ! »
Rain Bow lance ses rubans contre Lotarh, mais les yeux de ce dernier se mettent à briller et les Rubans Arc-en-Ciel disparaissent en brûlant à un mètre du spécialiste.
« Je n’ai pas le temps de m’occuper de toi, dit Lotarh, mais je vais te laisser un petit cadeau, un Soldat de la Haine ! »
À ces mots, le cercle de lumière se transforme en une colonne lumineuse qui cache Valérie. Une ombre démoniaque se forme et se solidifie, tandis que la colonne disparaît. À la place de Valérie se tient maintenant un monstre de forme féminine, vêtue d’un tutu rose. Mais sa peau est bleu métallique et ses yeux rouges sang. Ses cheveux jaunes sont tirés en arrière en une natte-chignon. Le monstre sourit, montrant des crocs aiguisés.
« Voici Ballerinak, explique Lotarh. Je te laisse avec elle, elle va te donner une leçon de danse très spéciale. »
Ses yeux s’illuminent et il disparaît. Ballerinak se tourne alors vers Rain Bow et lui dit d’une voix éraillée :
« Tu veux apprendre quelques pas de danse ? Ça te dirait de pouvoir faire ça ? »
Le monstre se met sur la pointe des pieds, les bras au-dessus de la tête, et commence à tourner sur elle-même.
« Waaah… » fait Rain Bow, impressionné.
Soudain, tout en continuant sa pirouette, le démon se met à bouger et se dirige vers Rain Bow à toute vitesse, en laissant un nuage de poussière. Rain Bow saute sur le côté pour l’éviter. Il se relève et lui lance son attaque :
« Rubans Arc-en-Ciel ! »
Malheureusement, les rubans rebondissent sur le corps tournoyant de Ballerinak. Celle-ci repart à toute vitesse et il l’évite de peu, mais se retrouve bloqué dans un coin de la salle.
« Non ! s’écrie Rain Bow quand il se rend compte de sa situation. J’peux rien faire ! Sans les autres j’suis nul ! »
Ballerinak cesse de tourner et s’adresse à lui :
« On va ajouter un petit quelque chose, ça sera plus amusant. »
Elle défait son chignon, qui se déroule en une natte terminée par une lame aiguisée ! Elle recommence à tourner sur elle-même, et par la force centrifuge la natte se tend à l’horizontale, formant une sorte de scie circulaire. Elle tournoie à toute vitesse vers Rain Bow qui se presse contre le mur, les bras devant le visage.
« Barrière de Vent ! »
Un mur de vent se dresse entre Rain Bow et Ballerinak. Cette dernière s’y cogne et tombe à terre. Rain Bow se tourne et voit tous ses amis Combattants.
« Ça va Rain Bow ? demande Yellow Bow.
— Ça va, répond ce dernier. Comment vous avez fait ? !
— Niko était dans le Q.G., explique Blue Bow. Il a détecté la présence d’une énergie maléfique, ainsi que ta présence, au même endroit. Il nous a prévenus et transposés ici.
— Tu aurais pu nous appeler avant de t’attaquer à ce monstre, dit Red Bow. Tu aurais pu te faire tuer !
— Hé ! Les gamins, vous oubliez pas quelqu’un ici ? ! » dit une voix de vieille femme.
Les Combattants se tournent vers Ballerinak qui est en train de se relever.
« Ah non ! Tu vas pas recommencer ton tourniquet ! s’écrie Red Bow. Boule de Feu !
— Je suis avec toi, dit Yellow Bow. Action Lumineuse ! »
La boule lumineuse se fond dans la boule de feu et la fait gonfler en une sorte de boule d’énergie qui explose en atteignant Ballerinak. Celle-ci est projetée à terre et visiblement sonnée.
« À toi Rain Bow ! crie Red Bow.
— Toile Arc-en-Ciel, action ! »
La monstresse se retrouve au centre de la Toile Arc-en-Ciel. Elle disparaît en libérant Valérie qui crie : « Je suis liiiiiiiiiibre ! » avant de tomber à terre, épuisée.
« Ouf ! On a encore repoussé une des attaques de Lotarh, dit Green Bow, soulagée.
— Ouaips, dit Red Bow. Finalement t’a eu raison de vouloir aller chez elle. Mais t’aurais quand même pu nous appeler avant de te jeter dans la gueule du loup ! »
À ces mots, Rain Bow prend une mine sombre.
« Euh… Mais… C’est bon, c’est pas grave, essaie de se rattraper Red Bow, qui se rend compte qu’il a peut-être vexé Angel.
— Bon, il faudrait peut-être repartir avant qu’elle se réveille, dit Blue Bow. Angel, tu restes avec elle et tu inventes une histoire plausible, OK ?
— Bien sûr », dit ce dernier dont la mine s’éclaire.
Il se tourne vers Valérie et n’en croit pas ses yeux :
« Regardez ! »
Il montre son visage du doigt. Personne ne semble comprendre, quand Martin se rend compte :
« Son visage… Il a été guéri !
— Guéri ? demande Green Bow.
— Elle avait le visage brûlé, dit Red Bow, et maintenant plus une trace ! »
Valérie commence à bouger.
« Vite, allez-vous-en ! dit Rain Bow.
— Oui. Niko, transpose-nous ! »
Une bulle de lumière entoure les Combattants qui finissent par disparaître, pendant que Rain Bow redevient Angel.
Dans le Q.G., les Combattants de l’Arc-en-Ciel, sans Angel, discutent à propos de ce dernier :
« Son pouvoir, il aurait guéri les blessures de cette femme ? se demande Clémence.
— Ça voudrait dire que son pouvoir est bien plus grand que le nôtre, dit Martin.
— C’est bien ce que je vous avais dit, dit Niko, perché sur l’épaule de Clémence. Angel possède le pouvoir sacré de l’Arc-en-Ciel, l’un des plus grands pouvoirs qui soient. Mais c’est le plus immature d’entre vous. C’est pour ça que votre rôle est de le protéger, afin qu’il puisse révéler toute sa puissance.
— On le protégera, dit Alexandra, même au péril de notre vie. »
Les autres sont étonnés par des paroles si graves venant d’Alex.
« De quoi vous parlez ? » demande une voix au fond du Q.G.
Ils sursautent tous. C’est Angel qui vient d’arriver.
« Rien de spécial, dit Martin, qui tente de cacher sa gêne. Alors, comment ça s’est passé avec cette femme ?
— Je lui ai juste raconté que les Combattants de l’Arc-en-Ciel étaient apparus pour l’aider et que j’avais assisté à un spectacle incroyable. Elle a pas trop posé de questions. Voir son visage intact l’a chamboulée. Elle a toujours autant de problèmes pour marcher par contre… Bon, je faisais que passer. Je rentre chez moi. Tu viens Niko ?
— D’accord, répond l’oiseau multicolore. Vous refermerez quand vous partirez ?
— Bien sûr, dit Clémence avec un grand sourire. Salut.
— Salut les copains ! » dit Angel en repassant l’hologramme.
Les autres Combattants le regardent partir avec le visage grave.
No comments:
Post a Comment