Friday 26 August 2011

Kibou Niji Rengou Rainbow Fighters. Épisode 26 : un casting d’enfer

Dans le Q.G., Niko s’affaire devant un des ordinateurs.
« Comment se fait-il que je n’arrive pas à localiser Lotarh et Aniva lors de leurs transpositions ? ! Leur matière doit bien passer quelque part ! À moins que… Mais oui ! C’est évident ! Je me suis trompé depuis le début ! Il faut que je modifie le programme de détection immédiatement, il n’y a pas de temps à perdre ! »
Niko se met à taper sur son clavier d’ordinateur à toute vitesse, et nous le laissons à son travail par un fondu au noir.

Un matin de semaine. Maintenant que le mois de juin est bien entamé, le soleil brille et les oiseaux chantent dès le matin. Aurélien, qui prend son petit déjeuner dans la grande salle à manger, les regarde voler de branche en branche dans le grand arbre du jardin de son hôtel particulier. Alphonse apparaît par l’une des portes. Il tient un journal dans les mains.
« Alphonse ? C’était pas la peine de te déranger, je t’avais dit que je ramènerais le plateau moi-même (NdlA : depuis qu’Alphonse a été attaqué par Lotarh, Aurélien semble avoir pris conscience de son travail et de ses sentiments à son égard, et à sa manière essaie de se comporter moins en enfant gâté).
— Ce n’est pas pour cela que je viens voir monsieur, monsieur Aurélien, réplique Alphonse avec sa voix pleine de distinction, et la troisième personne de rigueur. J’ai trouvé dans le journal quelque chose qui devrait intéresser monsieur. »
Il place le journal ouvert à la page des petites annonces devant Aurélien, qui comprend tout de suite de quoi son majordome parlait. Et pour cause, c’est un encart qui fait la moitié d’une page : une annonce de casting !

Grand Casting National !
Vous avez entre 13 et 16 ans, fille ou garçon, et vous rêvez de faire du cinéma. Vous aimez l’action et le cinéma fantastique. Vous rêvez d’être un super-héros ou une super-héroïne. Tentez donc votre chance au grand casting pour le film Les Combattants de l’Arc-en-Ciel !
Présentez-vous le vendredi 18 juin, entre 13 heures et 17 heures.
Adresse: ...

(NdlA : plutôt qu’inventer une adresse quelconque, j’ai préféré la laisser en blanc. Disons qu’à l’image une ombre nous cache l’adresse…)
« Waouh ! C’est génial ! Merci de me l’avoir montré, Alphonse !
— J’étais sûr que cela intéresserait monsieur. Si je comprends bien l’enthousiasme de monsieur, monsieur désire participer au casting.
— Bien sûr ! Surtout pour un tel rôle, j’suis fait pour ça !
— Très bien, monsieur. Je conduirai donc monsieur au casting vendredi prochain. Monsieur a de la chance de ne pas avoir cours cet après-midi-là. Maintenant, si monsieur veut bien terminer son petit-déjeuner, il est bientôt temps de conduire monsieur au lycée.
— D’accord ! » s’écrie Aurélien, très enthousiaste, qui déchire la page de l’annonce et rend le reste du journal à Alphonse.
Le majordome quitte la salle tandis qu’Aurélien met les bouchées doubles dans son petit-déjeuner à l’anglaise.

Nous voici maintenant au lycée d’Angel. Il est midi, et nous retrouvons ce dernier sortant de la cantine avec Martin.
« Au fait, pourquoi est-ce que Lydia est pas avec toi ? lui demande ce dernier.
— Elle m’a dit qu’elle rentrait directement chez elle. Ses parents ont besoin d’elle au magasin. Elle profite qu’on n’a pas cours cet après-midi.
— Au magasin ?
— Les parents de Lydia tiennent un magasin de vêtements. Tu savais pas ?
— Pas du tout ! Remarque, j’ai jamais demandé non plus. Tiens ? Clémence ? »
Angel se retourne. En effet, Clémence s’approche d’eux.
« Bonjour, ça va ? demande-t-elle.
— Bien, dit Angel. Mais pourquoi t’es là ? T’as plus cours pourtant ?
— C’est vrai, mais je voulais vous voir car quelque chose m’inquiète.
— Qu’est-ce qui se passe ? demande Martin.
— Pas ici, dit Clémence. Allons parler ailleurs. »
Ils suivent cette dernière et s’arrêtent dans le parc en face du lycée.
« Voilà ce qui m’inquiète, dit-elle en sortant un journal.
Elle l’ouvre devant les deux garçons, et ils voient tout de suite l’annonce de casting qu’a lue Aurélien le matin même.
« Un casting pour un film sur nous ? ! s’écrie Angel. C’est génial ! Ça veut dire qu’on est célèbre !
— Chut ! fait Martin tandis que Clémence baisse la tête de dépit. Tu veux nous faire repérer ?
— Désolé, réplique Angel en souriant. Mais c’est génial, non ?
— Pas sûr, dit Clémence. Ça pourrait être un autre piège pour te voler ton énergie.
— Tu crois ?
— C’est bizarre, ils devraient bien se douter qu’on va comprendre. C’est un peu trop facile, fait Martin en croisant les bras.
— Bien sûr, acquiesce Clémence. Mais je pense qu’ils en font exprès, pour être sûrs de nous attirer dans leur piège.
— Alors qu’est-ce qu’on fait, on n’y va pas ? demande Angel.
— Malheureusement si, continue-t-elle. On n’a pas le choix. Il y a des innocents qui vont passer ce casting et on doit les protéger. Il faudra simplement rester sur nos gardes.
— Moi je peux pas venir, dit Martin. J’ai un entraînement que je veux pas manquer.
— C’est pas grave, dit Clémence. Je vais y aller avec Angel. Et connaissant Alexandra et Aurélien, ils doivent déjà se préparer à y participer. Je les préviendrai.
— D’accord, répond Martin. Mais s’il y a vraiment un gros problème, n’hésitez pas à m’appeler : je garderai mon communicateur sur moi. »
Clémence et Angel hochent la tête, puis Angel se met à danser sur place.
« On va faire un casting ! On va faire un casting ! »
Martin et son amie soupirent de désappointement.

Dans une pièce sombre, éclairée par une seule lampe au plafond, un homme s’affaire à compter, trier et pendre des vêtements méconnaissables, car protégés par des housses de plastique, sur des portiques à roulettes. Derrière lui, deux yeux rouges apparaissent en luisant, suivis du corps de Lotarh.
« Alors, comment avance notre projet ? demande-t-il.
— Bien, maître, dit l’homme d’une trentaine d’années en se tournant vers lui. Les costumes sont finis. Je ne fais que les vérifier et les trier. Tout sera prêt à temps pour le casting.
— Parfait. Cette fois-ci, je ne veux plus voir d’erreur. Esmeros devient de plus en plus impatient et ne nous pardonnera pas facilement un nouvel échec. »
« Encore que, continue-t-il en pensée, un nouvel échec serait attribué à Aniva, l’instigatrice de ce piège, et me permettrait sûrement de remonter dans l’estime du maître. » Cette pensée le fait sourire d’un sourire mauvais que l’homme, visiblement converti par le Miroir de l’Ombre, prend pour de la satisfaction de voir que le projet avance bien.
« Ne vous inquiétez pas, dit l’homme. Avec ce casting, nous sommes sûrs d’attirer les Combattants de l’Arc-en-Ciel. L’invitation ne sera que trop tentante pour eux. Et étant les véritables Combattants, il est certain qu’ils seront les meilleurs pour jouer leur propre rôle. Je les démasquerai sans problème !
— Ne présume pas de tes forces ! s’écrie Lotarh. Tu n’es qu’un subalterne !
— Pardonnez-moi, maître, réplique l’homme en baissant la tête. Ce n’était pas mon intention de vous manquer de respect.
— Il vaut mieux. Tu sais ce qui arrive à ceux qui osent m’insulter ! Maintenant retourne à ton travail, je veux que ce casting soit parfait.
— Bien maître. »
L’homme s’incline, se retourne vers les vêtements et reprend son travail de tri. Lotarh le regarde un instant, puis ses yeux brillent et il disparaît.

Après quelques jours sans histoire, nous voilà arrivés au jour du casting. Nous retrouvons Angel et Clémence dans la rue, devant une grande double porte précédée de quelques marches d’escalier.
« C’est la bonne adresse, dit Angel.
— D’après la pancarte, c’est une école d’art dramatique, remarque Clémence. Ils ont bien camouflé leur piège.
— Brrr… tu me fais peur quand t’es comme ça, frissonne Angel. Et si c’était un vrai casting ?
— J’y crois pas, mais c’est toujours une possibilité. Tâchons de paraître aussi naturels que possible.
— Pas de problème ! Allons-y, j’ai hâte de passer le casting ! »
Clémence appuie sur le bouton sous la pancarte. Un déclic la prévient que la porte est ouverte. Angel pousse la porte et ils entrent dans l’école. Ils se présentent au gardien qui leur indique l’endroit où le casting est organisé. Ils traversent l’école, montent et descendent plusieurs escaliers à la suite, et parviennent enfin à une porte où est affiché « Casting ». Angel est essoufflé par le trajet.
« Attends… un peu… avant d’entrer… Il faut… que je… retrouve mon souffle.
— Alors Angel, il faudrait que tu fasses un peu de sport, se moque gentiment Clémence. Pourquoi tu demandes pas à Martin de te faire un programme de remise en forme ?
— Pour finir à l’hôpital ? ! Pas question ! Bon, on peut y aller Clémence.
— O.K. »
Ils passent la porte, pour se retrouver dans un bureau. Une femme habillé en tailleur est assise au bureau, et il y a une autre porte derrière elle.
« Bonjour, dit la femme d’un air jovial. Vous venez pour participer au casting je suppose.
— Oui, dit Clémence.
— Approchez-vous, je vais prendre vos nom et prénom et vos rôles désirés.
— Nos rôles désirés ? demande Angel.
— Oui, explique la femme. Il y a cinq rôles à pourvoir dans cette session de casting : trois rôles masculins et deux rôles féminins. Pour les garçons, il y a le rôle de Rain Bow, le chef des Combattants de l’Arc-en-Ciel, celui de Red Bow et celui de Yellow Bow. Pour les filles, vous avez le rôle de Green Bow et celui de Blue Bow. Vous pouvez postuler pour plusieurs rôles mais vous devez donner un ordre de préférence. Allez, honneur aux dames, votre nom mademoiselle ?
— Delamer, Clémence Delamer. Je souhaite postuler pour les deux rôles féminins, avec Blue Bow en premier choix.
— Delamer… Clémence… répète la femme en inscrivant les informations sur un petit carton. Blue Bow… et Green Bow ! Voilà ! Prenez cette carte et gardez-la soigneusement. Elle indique le numéro de passage pour l’audition.
— Merci mademoiselle, dit Clémence en prenant sa carte.
— À moi ! s’écrie Angel, enthousiaste. Mon nom c’est Angel Descouleurs, et je postule pour Rain Bow !
— Descouleurs… Angel, fait la femme. Rain Bow… Vous êtes sûr de ne pas vouloir postuler pour un autre rôle, cela augmentera vos chances d’apparaître dans le film.
— Pas besoin ! J’vais avoir le rôle sans problème ! Après tout… »
Il est interrompu par un coup de coude de Clémence.
« Euh… après tout… euh… j’suis un bon acteur, sûr ! »
La femme le regarde d’un air interrogateur, mais finalement lui tend la carte.
« Voici votre carte. La salle d’attente est derrière cette porte. Vous y serez appelés par votre numéro.
— Merci mademoiselle, dit Angel avec un grand sourire.
— Merci pour tout », dit Clémence beaucoup plus calmement.
Ils prennent la porte et se retrouvent dans un autre couloir, terminé par une autre porte.
« Pourquoi tu m’as frappé ? geint Angel.
— Sois plus prudent ! le gronde Clémence. Il ne faut pas leur donner le moindre indice de ton identité secrète.
— Tu crois que la fille était un monstre ? Elle était trop gentille pour ça.
— On sait jamais ! Aniva est devenu le spécialiste du Mensonge. Cette fille est peut-être une illusion !
— Ah bon ? J’y avais pas pensé.
— Alors penses-y maintenant. Et reste sur tes gardes, n’oublie pas que ce piège t’est explicitement destiné. »
Ils ouvrent la deuxième porte, et entrent dans une grande salle d’attente dans laquelle une vingtaine de jeunes gens attendent leur tour. Dans un coin, un garçon fait des grands signes et crie :
« Angel, Clémence, on est là ! »
En effet, Ce sont Alexandra et Aurélien. Clémence baisse la tête en marmonnant :
« Bravo, question discrétion, c’est réussi ! »
Angel rejoint ses amis en courant, suivi par Clémence.
« Salut ! Comment ça va ?
— Très bien, dit Alex. J’adore cette idée de casting. Je postule pour le rôle de Green Bow, évidemment.
— Et moi pour Yellow Bow, mais j’ai aussi mis Rain Bow comme second choix, dit Aurélien.
— Quoi ! s’écrie Angel. Mais t’as pas le droit ! C’est mon rôle !
— Chhhh… vous voulez vraiment vous faire remarquer ou quoi ? ! s’insurge Clémence.
— Désolé, dit Aurélien, penaud. Vous vous rendez compte quand même, continue-t-il un peu moins bruyamment. Un film ! On va être célèbre !
— Le César de la révélation féminine de l’année, ça me déplairait pas, dit Alex.
— Arrêtez de construire des châteaux en Espagne, proteste Clémence. Vous savez bien qu’il y a de grandes chances que ce soit un piège.
— Rabat-joie ! On peut toujours rêver, non ? »
Ils continuent à parler. Pendant ce temps, une voix, provenant d’un haut-parleur, appelle les numéros les uns à la suite des autres. Quand une personne passe la porte, une autre en sort, faisant une tête parfois déconfite, souvent interrogatrice. Certains s’en vont, d’autres restent dans la salle d’attente. Au bout d’un moment, le haut-parleur appelle un certain numéro et Aurélien se lève.
« C’est à mon tour, dit ce dernier. Attendez-moi !
— Évidemment ! grogne Clémence en levant les yeux au ciel, nous aussi on passe le casting. »

Aurélien quitte la salle d’attente, et entre dans une salle encore plus grande, où un homme est assis derrière une petite table. Une chaise est installée devant cette table. Bien sûr, l’homme est celui qui parlait à Lotarh l’autre fois. Mais ça, Aurélien ne peut pas le savoir.
« Entrez, jeune homme, dit l’homme d’un ton jovial. Donnez-moi votre carte et asseyez-vous devant moi. »
Aurélien s’exécute tandis que l’homme étudie la carte.
« Aurélien Lebrillant… Bon, Aurélien, je m’appelle Christian Sermat et je suis le responsable du casting. Avec le producteur et le metteur en scène qui nous regardent par le circuit vidéo, dit-il en montrant une caméra du doigt, je vais décider qui participera à ce film. Racontez-moi donc pourquoi vous participez à ce casting.
— J’ai vraiment envie de devenir acteur professionnel ! répond Aurélien. J’ai déjà joué dans beaucoup de pièces de théâtre, et on dit que je suis très doué !
— Racontez-moi ça en détail. »
Aurélien lui résume son parcours théâtral.
« Impressionnant, remarque l’homme. Maintenant, nous allons voir un peu la pratique.
— La pratique ?
— Derrière vous, il y a un vestiaire rempli de costumes. Ce sont des essais qui préfigurent les costumes que porteront les acteurs dans le film. Comme vous postulez d’abord pour le rôle de Yellow Bow, je vais vous demander d’y aller et d’y mettre un costume à votre taille. Laissez-y vos vêtements, vous vous y rechangerez après.
— D’accord ! s’écrie Aurélien en sautant de sa chaise.
— Et n’oubliez pas la perruque qui va avec le costume ! »
Une minute plus tard, Aurélien revient avec un costume un peu ridicule. Il ressemble au vrai costume de Yellow Bow, mais il est trop grand pour lui, les rubans ne tombent pas correctement, les bottes et les gants sont loin d’être satisfaisants et la perruque jaune le fait ressembler à un rasta décoloré.
« Bien, dit Christian. Prenez cette feuille. Vous allez m’improviser des mouvements sur ce texte. »
Aurélien lit le texte, et découvre avec stupeur que c’est sa phrase de présentation ! Il pose la feuille, prend une bonne inspiration, et tente de faire les mêmes gestes que ceux qu’il accomplit habituellement lorsqu’il est transformé.
« Je suis Yellow Bow, la lumière de l’espoir, et je ne supporte pas que tu apportes ici tes effroyables ténèbres. Alors va-t’en, ou prépare-toi à affronter mon courroux ! »
Le costume le gêne dans ses mouvements, mais sa prestation ne lui déplaît pas trop. L’homme se contente de hocher la tête et de prendre des notes sur un papier.
« Bien, dit-il. Vous pouvez aller vous changer. Je vais vous demander de rester dans la salle d’attente jusqu’à la fin du casting. À ce moment-là seront appelés ceux qui sont sélectionnés.
— O.K. ! »
Aurélien court dans le vestiaire, se change en quatrième vitesse et récupère sa carte en remerciant joyeusement l’homme. Il finit par retrouver ses amis.
« Alors, comment ça s’est passé ? demande Angel.
— Très bien ! Il m’a demandé de rester jusqu’à la fin du casting, vous vous rendez compte ? !
— Félicitations, dit Alex.
— Raconte-nous ça plus en détail, demande Clémence, soupçonneuse.
— J’ai pas le temps d’écouter, ajoute Alex, c’est à mon tour. »
Et elle quitte la salle d’attente.

Ce que nous voyons maintenant est une condensé des auditions de nos amis. Nous voyons d’abord Alex en Green Bow, avec une perruque verte horrible (elle est trois fois trop épaisse) de laquelle dépassent ses vrais cheveux. Elle essaie de faire les mouvements de son attaque, mais la jupe qu’elle porte est tellement courte qu’en se soulevant, elle dévoile quelques centimètres carrés de sa petite culotte. Alex rougit comme une tomate et rabaisse sa jupe en prenant une pause ridicule. Vient ensuite Clémence dans une pâle imitation de Blue Bow, avec une perruque bleue faisant trois fois la taille de sa tête, et de vulgaires sandalettes en plastique bleu comme chaussures. D’ailleurs, en levant un pied, sa sandalette se détache et tombe. Enfin, nous voyons Angel dans une pâle imitation du costume de Rain Bow, et portant une perruque de clown. Il tente de prendre sa pose, mais la fausse amulette se détache et tombe par terre, emportant les rubans avec elle. Et quand il essaie de la récupérer, sa perruque glisse et lui tombe sur les yeux. L’homme secoue la tête et barre d’un grand trait son nom dans ses notes. Finalement, nos quatre amis se retrouvent dans la salle d’attente, où une quinzaine d’autres personnes attendent aussi le résultat des délibérations. Finalement une voix se fait entendre par le haut-parleur.
« Les candidats retenus pour le rôle de Red Bow sont : le numéro 15 et le numéro 22. »
À ces mots, deux garçons bien bâtis se mettent à sauter de joie.
« Les candidates retenues pour le rôle de Green Bow sont : le numéro 26 et le numéro 45.
— J’suis retenue ! s’écrie Alex. C’est génial ! »
Aurélien et Angel la félicitent, mais Clémence reste silencieuse, comme préoccupée.
« Les candidates retenues pour le rôle de Blue Bow sont : le numéro 31 et le numéro 39. »
Nouveaux cris de joie de deux filles aux cheveux courts qui ne ressemblent pas du tout à Clémence.
« Les candidats retenus pour le rôle de Yellow Bow sont : le numéro 44 et le numéro 61.
— J’vais être célèbre ! crie Aurélien.
— C’est super, on va être ensemble pour le tournage ! ajoute Alexandra.
— Enfin, les candidats retenus pour le rôle de Rain Bow sont : ...
— C’est à mon tour, dit Angel.
— ... le numéro 13 et le numéro 36.
— Hein ? ! J’y suis pas ? ! Mais c’est d’la triche ! »
Angel rougit de colère. Ses amis essaient de le calmer tandis que deux garçons dans la salle hurlent de bonheur.
« Vous allez maintenant passer une deuxième audition, qui désignera les cinq personnes qui obtiendront les différents rôles. Ceux qui seront éliminés lors de cette audition n’auront pas tout perdu : ils seront appelés à jouer le rôle qu’ils avaient choisis en cas de défection. Que ceux qui ont été appelés se rendent de nouveau dans la salle d’audition. »
C’est rapidement la bousculade. Les nominés se culbutent pour entrer dans la salle, mais la porte est un peu trop étroite.
« On y va ? demande Aurélien.
— D’accord, répond Alex.
— Soyez prudent, dit Clémence. C’est maintenant que le piège va se refermer, et il semble que ça va être encore sur une victime innocente. Nous on reste dans la salle d’attente.
— T’inquiète pas, assure Alex, on a nos émetteurs.
— Je suis furax ! fait Angel. Ils sont même pas capables de reconnaître le vrai talent !
— Sois content qu’ils t’aient pas démasqué », remarque Clémence.
Aurélien soupire.
« Qu’est-ce qu’y a ? demande Alex.
— C’est dommage que t’as pas été retenue, Clémence. Ça aurait été super de jouer ensemble.
— Euh… sans commentaires », soupire Clémence, effrayée par l’idée de se coltiner « pot de colle » huit heures par jour ou plus.

À force de bavarder ainsi, Aurélien et Alex sont les derniers à entrer dans la salle de casting et se retrouvent derrière le groupe de candidats. Christian s’adresse à eux :
« Que ceux qui ont été appelés pour jouer le rôle de Rain Bow avancent vers moi. »
Les deux garçons s’avancent devant le groupe.
« La productrice et le metteur en scène vont venir vous faire passer l’audition finale.
— En effet, “finale” est le mot juste ! » crie soudain une voix que les Combattants présents reconnaissent immédiatement.
Devant les jeunes gens médusés, une tornade noire apparaît d’un côté de l’homme. Elle se dissipe, révélant Aniva portant sa robe noire. De l’autre côté de l’homme apparaissent deux yeux rouges, rapidement suivis par le corps de Lotarh. C’est la panique ! Alex et Aurélien en profitent pour se cacher dans le vestiaire. Bien leur en fait, car Lotarh vient de lancer une vague d’énergie noire qui envoie tout les candidats au tapis. Seuls les deux garçons choisis pour jouer Rain Bow n’ont pas été touchés, mais ils sont paralysés de peur. Aniva s’avance vers eux :
« Vous avez chacun le cœur pur, empoisonné par un gros mensonge. Vous vouliez jouer le rôle de Rain Bow et vous nous avez convaincus ! L’un d’entre vous est le vrai Rain Bow ! »
Aniva tend le Miroir de l’Ombre dans lequel les deux jeunes gens plongent leur regard. Leur énergie est aspirée, et ils sont paralysés au milieu d’un cercle blanc.
« Merde ! Encore raté ! Tu es vraiment incapable Aniva ! se plaint Lotarh. Et tes créatures sont aussi incapables que toi ! ajoute-t-il à l’attention de l’homme.
— Silence ! rétorque Aniva. Je sais pourquoi nous avons raté : c’est à cause de la nature de leurs mensonges… »
Dans la pièce aux vêtements, Alex ouvre son communicateur :
« Clémence, t’avais raison ! Lotarh et Aniva sont là !
— On arrive tout de suite, répond la voix de Clémence. Transformez-vous !
— D’accord ! Amulette Verte, métamorphose !
— Amulette Jaune, métamorphose ! »
Les deux Combattants sortent de leur cachette, et rejoignent Rain Bow et Blue Bow qui viennent d’arriver. Le sang de Rain Bow ne fait qu’un tour.
« Oser s’attaquer à des innocents dont le seul souhait était de ressembler à leurs héros préférés, vous êtes décidément odieux ! En plus vous savez même pas reconnaître le vrai talent ! »
BLOINK ! (vacarme de trois Combattants de l’Arc-en-Ciel tombant à terre de surprise)
« Pour ces deux raisons prenez garde ! Car je suis le messager de l’espoir, Rain Bow !
— Et moi le défenseur de l’espoir, Green Bow !
— Je suis l’arbitre de l’espoir, Blue Bow !
— Et moi la lumière de l’espoir, Yellow Bow ! Et vous allez payer pour avoir organisé un casting bidon !
— Ils sont tous les deux pareils, soupire Blue Bow en secouant la tête de dépit.
— C’est bien ce que je pensais, dit Aniva, vous étiez bien là. Seul le caractère spécial des mensonges de ces deux-là m’a fait rater ma cible. Ils vont quand même me servir. Révélez-vous, Créatures du Mensonge ! »
Trois tornades noires enveloppent les deux victimes d’Aniva ainsi que Christian Sermat. Quand elles se dissipent, elles révèlent un spectacle qui laisse les Combattants muets de stupeur. Christian s’est transformé en un monstre à la peau verte, vêtu d’une chemise et d’un pantalon sales, et portant une casquette bleue laissant dépasser des cheveux hirsutes rouges. Il n’a pas de bouche, et à la place des mains, il a un haut-parleur et un clap identique à ceux utilisés sur les plateaux de tournage. Mais la transformation des deux garçons est la plus stupéfiante. Ils sont devenus deux monstres identiques, à part leurs couleurs dominantes, le rouge pour l’un et le bleu pour l’autre. Et ils ressemblent à une version démoniaque de Rain Bow ! Malgré leur amulette hérissée de pointes, leurs épaulettes, leurs protège-coude et leurs protège-genou, la ressemblance est frappante.
« Ah ah ah ! Leur mensonge à tous les deux, c’est de s’être fait mousser auprès de leurs copains en prétendant être Rain Bow ! Voici donc Metteurentrex, ainsi que ses deux acteurs principaux, les Twinrainbowtrex ! »
Metteurentrex lève les bras, et sa voix sort du haut-parleur !
« Ready ? aaaaaaaaaaand… action ! »
Son clap se referme avec un bruit de tonnerre, les Twinrainbowtrex se tournent immédiatement et se ruent sur les Combattants. Ces derniers sautent hors de portée.
« Aïe ! »
Évidemment, avec son habileté coutumière, Rain Bow est tombé sur les fesses. Metteurentrex referme son clap de nouveau, et l’un des Twinrainbowtrex se retourne vers le véritable Rain Bow, et lui envoie ce qui ressemble à des Rubans Arc-en-Ciel noirs.
« Non ! hurle Rain Bow qui n’a pas le temps de les éviter.
— Barrière de Vent ! »
Les rubans noirs rebondissent sur la protection qu’a crée Green Bow, laissant Rain Bow indemne.
« Merci, souffle-t-il.
— Y’a pas de quoi », réplique cette dernière avec un grand sourire.
Metteurentrex ferme son clap encore une fois, et l’autre Twinrainbowtrex court vers les autres Combattants. Il s’arrête devant eux, et leur lance une sorte de toile d’araignée noire ! Blue Bow et Green Bow y sont piégés, tandis que Yellow Bow a pu l’éviter à temps. Un nouveau clap, et les ongles des copies de Rain Bow s’allongent. Encore un autre, et ils se précipitent vers les Combattantes immobilisées.
« Pas question de ça ! Action Lumineuse ! »
La boule de lumière explose devant les Twinrainbowtrex. Ils sont aveuglés et le choc les fait tomber à terre.
« Rain Bow ! Attaque Metteurentrex ! crie Blue Bow. Sans lui, les deux autres ne bougeront plus !
— D’accord ! dit-il en se relevant. Rubans Arc-en-Ciel ! »
Metteurentrex ne réagit pas. Les Rubans le frappent et il se retrouve par terre.
« Et le final, que seul le vrai Rain Bow peut faire ! Toile Arc-en-Ciel, action !
— Je suis liiiiiiiiibre ! crie le monstre en redevenant Christian Sermat.
— Et les deux autres maintenant ! Toile Arc-en-Ciel, action ! »
Les deux garçons sont aussi libérés rapidement :
— Nous sommes liiiiiibres ! »
Aniva est mauvaise perdante :
« Non… C’est pas vrai ? ! Vous avez encore gagné ? ! Cette fois, vous m’avez réellement mise en colère, et vous allez le regretter ! Vous m’obligez à utiliser l’atout que je gardais dans mon jeu, et vous allez en mourir !
— Attends Aniva ! intervient Yellow Bow. Pourquoi est-ce que tu te mets en colère contre nous ? On est tes amis, souviens-toi ! On te veut pas de mal, alors pourquoi est-ce que t’essaies de nous tuer ? »
Les paroles d’Aurélien ne semblent qu’irriter Aniva encore plus. Elle tend son bras et lui envoie une tornade noire. Il est projeté au sol.
« Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! »
Blue Bow a accouru auprès de Yellow Bow, qui heureusement n’est que sonné. Elle regarde Aniva, les yeux noirs de colère.
« Nous te sauverons, dit-elle. Quel qu’en soit le prix, nous te libérerons du démon qui a pris contrôle de ton corps !
— Ah ah ah ! Vous allez mourir dans peu de temps, rit Aniva. Vous devriez plutôt vous préoccuper de ça ! »
Une tornade noire l’entoure, et elle disparaît en riant. Lotarh la regarde partir, puis se tourne vers les Combattants en souriant.
« Votre obstination est vraiment stupide ! Vous n’avez donc pas compris que c’est le maître Esmeros lui-même qui l’a envoûtée ? ! Il lui a insufflé une part de son esprit démoniaque. Il n’existe qu’un moyen de lui rendre la mémoire, mais vous n’oserez jamais en arriver là. »
Il croise le regard de Blue Bow et son ton change soudain :
« Mais je vois que tu as déjà compris de quoi je parle, Blue Bow. »
Murmure de stupéfaction parmi les Combattants, qui regardent Blue Bow d’un air étonné.
« En auras-tu le courage ? » lui demande Lotarh de manière énigmatique.
Ses yeux brillent, et il finit par disparaître. Les Combattants continuent de regarder Blue Bow sans comprendre.
« De quoi est-ce qu’il parle Clémence ? demande doucement Aurélien.
— Ne parle pas, répond-elle après quelques moments d’hésitation. T’as été rudement touché. Les amis, venez m’aider à relever Aurélien ! Il faut partir d’ici avant que tout le monde se réveille.
— Euh… d’accord ! » répliquent Angel et Alex ensemble, en sortant de leur immobilité.
Ils aident Clémence à relever Yellow Bow, et quittent rapidement la salle d’audition.

Le soir venu, nous retrouvons Aurélien dans sa chambre remplie de matériel électronique et informatique dernier cri. Mais l’esprit d’Aurélien est ailleurs. Il regarde par la fenêtre le coucher de soleil, le visage sombre.
« Clémence, qu’est-ce que Lotarh a voulu dire ? T’as refusé de répondre à nos questions et t’es partie pratiquement sans nous dire au revoir. Je suis inquiet, j’ai un mauvais pressentiment… Clémence, j’espère que tu nous expliqueras bientôt de quoi il s’agit. »

Friday 19 August 2011

Kibou Niji Rengou Rainbow Fighters. Épisode 25 : et un tour de manège, un !

Nous sommes dans une rue de Paris, où Alexandra sautille gaiement sur le chemin de chez elle. C’est une belle journée de juin, et c’est un samedi, mais même ces deux circonstances ne suffisent pas à expliquer l’extrême gaieté de cette dernière. Non, il y a autre chose qui rend Alexandra joyeuse : c’est son anniversaire ! Elle revient d’un déjeuner dans un restaurant indien qu’elle a adoré, une surprise que lui ont concoctée ses copines de classe. Alex arrive devant son immeuble, tape le code d’entrée et entre dans le couloir. Trois étages montés à pied et la voilà devant chez elle. Elle ouvre la porte avec sa clef et se retrouve dans l’appartement où elle vit avec sa mère.
« Salut M’man ! J’suis rentrée ! »
Pas de réponse. Alex ne s’en formalise pas. On est samedi après-midi, sa mère a dû sortir. Elle ouvre la porte du salon mais le trouve plongé dans le noir. Bizarre, pourquoi sa mère y aurait-elle fermé les volets ? Soudain, la lumière se fait et Alex entend un cri :
« Surprise ! »
Elle est ébahie de voir son frère Thomas, Angel, Martin, Clémence, Aurélien et Lydia, qui se mettent à chanter « Joyeux Anniversaire » plus ou moins faux, tandis que sa mère lui apporte un gâteau surmonté de seize bougies allumées. Alex est complètement prise au dépourvu, et après un instant de silence elle éclate de rire. Elle se reprend et souffle les bougies à la fin de la chanson, sous les applaudissements nourris de ses amis.
« Merci les amis, dit-elle avec un léger tremblement dans la voix, vous m’avez fait une surprise géniale !
— C’est Angel qu’il faut remercier en premier, dit Martin, c’est lui qui en a eu l’idée.
— Ça va, réplique ce dernier en rougissant, sans vous tous j’aurais rien pu organiser.
— Et la surprise n’est pas finie ! ajoute Thomas.
— T’es là aussi ? ! s’écrie Alex en sautant dans les bras de son frère.
— Bien sûr, répond-il en rougissant légèrement, t’es quand même ma petite sœur préférée. Allez, viens voir. »
Il prend sa sœur par la main et la conduit dans le couloir. Les autres suivent. Ils s’arrêtent devant la porte du plus grand placard de l’appartement. Alex regarde son frère d’un air interrogateur quand celui-ci ouvre la porte et allume la lumière. Les yeux d’Alex s’arrondissent de surprise, puis se mouillent de larmes.
« Allons… dit son frère en la prenant dans ses bras, c’est pas la peine de t’mettre dans un état comme ça…
— C’est… snif… c’est le plus beau cadeau qu’on m’ait jamais fait… »
En effet, le placard a été transformé en studio de développement photo ! Tout y est : la lampe rouge, les bacs pour le développement et les bouteilles de produits chimiques, un fil pour accrocher les photos à sécher et l’appareil qui permet de transférer les photos de la pellicule au papier photo.
« Là, il faut remercier Clémence, dit Angel. C’est elle qui en a eu l’idée et qui a réussi à tout organiser à la dernière minute. »
À ces mots, Alex saute dans les bras de Clémence qui ne sait plus où se mettre.
« Merci Clémence, c’est le plus beau cadeau qu’on pouvait me faire. T’es une vraie amie.
— Euh… bah… merci… balbutie Clémence.
— Dites les jeunes, si vous voulez manger le gâteau, il faut revenir dans le salon, prévient la mère d’Alex.
— Oh oui, le gâteau ! s’écrie Aurélien qui court vers le salon.
— Attends-moi ! » s’écrie Angel, tandis que les autres lèvent les yeux au ciel.

Cinq minutes plus tard, chacun a sa part de gâteau et mange plus ou moins proprement. En effet, Angel et Aurélien semblent se livrer à un concours de goinfrerie, ce qui rend embarrasse Lydia et Clémence.
« Y’en a pas un pour rattraper l’autre, soupire Lydia.
— Et encore, t’as de la chance, dit Clémence, Angel est quand même plus supportable qu’Aurélien.
— Ça va, dit Alexandra en haussant les épaules, ils me dérangent pas moi.
— C’est vrai que pour parvenir à t’enlever ta bonne humeur, il faut y mettre le paquet ! dit Thomas en rigolant.
— Ça veut dire quoi ça ? lui demande Alex d’un ton suspicieux.
— Tiens, Thomas. Tu tombes bien, intervient Lydia. Il y a quelques jours, on se disait justement qu’on te connaissait pas assez.
— C’est vrai ça, dit Clémence, ça fait bientôt trois mois que je connais Alexandra et c’est la première fois que je te rencontre.
— Eh bah… euh… balbutie Thomas, gêné par l’intérêt que lui portent ces deux jeunes filles. C’est vrai que comme j’habite pas avec ma sœur… euh… ses copines me voient pas souvent.
— C’est vrai, et c’est bien dommage, dit Alex. Tu devrais venir plus souvent, que je puisse te présenter à toutes mes copines. Je suis sûre que tu leur plairais !
— Euh… bah… tu sais… réplique-t-il en rougissant.
— Allons, fais pas ton timide, se moque Alex en le prenant par le bras. Je suis fière de mon grand frère. Vous devinerez jamais ce qu’il fait dans la vie, ajoute-t-elle à l’attention de Lydia et Clémence.
— Non, répondent ces dernières en secouant la tête.
— Il entre en deuxième année de médecine ! annonce-t-elle fièrement.
— Ouah ! fait Clémence, sincèrement impressionnée. Le concours d’entrée en deuxième année de médecine est un des plus durs qui soient. Toutes mes félicitations !
— Ça alors ! Tu as mes félicitations aussi, ajoute Lydia.
— Merci, dit Thomas qui devient rouge comme une tomate.
— En plus, il est arrivé deuxième au concours dans son université, dit Alex.
— Ça va, fait Thomas qui ne sait plus où se mettre. N’en fais pas trop, ça devient gênant. En plus, je suis pas encore médecin, loin de là. Pour l’instant, mon seul vrai boulot c’est de vendre des hot-dogs et des gaufres.
— Hot-dogs ? ! s’écrie Aurélien.
— Gaufres ? ! » s’écrie Angel.
Ils courent se joindre à la conversation. Clémence, Lydia et Martin, qui venait de rejoindre ses amis, secouent la tête, tandis qu’Alex et Thomas ont un sourire gêné.
« Oui, continue Thomas. Je fais ça dans une petite fête foraine qui est là pour deux mois. Ça me fait un peu d’argent de poche. Normalement je devais travailler aujourd’hui mais pour l’anniversaire de ma sœur ils ont fait un effort. Tiens, ça me rappelle… »
Il sort du salon précipitamment, laissant nos amis se regarder sans comprendre, puis revient avec six tickets à la main. Il s’explique :
« Le gérant de la foire m’a donné ça. Ce sont des tickets spéciaux réservés aux enfants de moins de seize ans. Ils donnent droit à un tour de manège gratuit pour chaque manège de la foire. Ils donnent aussi droit à un ticket gratuit pour chaque loterie.
— C’est génial ! hurle Angel.
— Ça vous intéresse ? demande Thomas.
— Et comment ! dit Alex qui s’empare des tickets et les distribue à ses amis.
— Comment est-ce qu’ils peuvent se permettre ça dans cette fête foraine ? demande Clémence.
— Le gérant nous a expliqué qu’un « bienfaiteur anonyme » a payé pour tous ces tickets. Probablement un riche amoureux des fêtes foraines qui veut en faire profiter les enfants.
— J’espère que ce « bienfaiteur anonyme » a aussi l’intention d’aider d’autres causes, dit Lydia. Si il peut se permettre une lubie pareille, il pourrait faire beaucoup de bien aux associations caritatives.
— Est-ce que les tickets donnent aussi droit à des friandises gratuites ? demande Aurélien en contemplant le sien comme un talisman protecteur.
— Non mais c’est pas vrai ! râle Clémence. T’es pas capable de penser à autre chose qu’à ton estomac ? !
— C’est juste pour savoir, dit Aurélien d’un air penaud.
— Euh… non, répond Thomas, décidément troublé par le comportement des copains de sa sœur. Mais si vous venez à ma roulotte, je vous ferai un truc spécial.
— C’est super gentil ! Merci ! Merci ! dit Angel avec beaucoup d’empressement.
— Ah, juste une chose, ces tickets sont valables que la semaine prochaine, jusqu’au dimanche.
— Oh ! Je vais pas pouvoir y aller alors, dit Clémence. J’ai le bac la semaine prochaine.
— Pourquoi on irait pas tous ensemble samedi prochain, ou même dimanche ? demande Martin. T’as quand même pas d’épreuves la semaine d’après ?
— Si, les options, explique Clémence. Mais t’as raison, je peux bien me reposer le samedi après-midi. Je viens avec vous !
— Super ! s’écrie Alex. On va aller à la foire ! »
Elle se met à danser de joie, suivie rapidement par Angel et Aurélien. Les autres les regardent et soupirent de dépit.

Nous nous retrouvons dans ce lieu obscur, dont les ombres glaciales forment une silhouette humanoïde déformée mais gigantesque. Au centre de cette silhouette se trouve le cercle des douze Sages Noirs, ces horreurs qui parodient les douze grands prêtres de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel. Au milieu de ce cercle, une petite tornade noire se forme, et se dissipe en laissant apparaître Aniva, vêtue de sa robe noire. Ses cheveux rouge métallique tombent en longues boucles sur ses épaules. L’un des Sages Noirs (naturellement pas celui qui est en face d’elle, ils n’ont pas changé leurs habitudes) s’adresse à elle, l’obligeant à se tourner vers lui.
« Cela fait deux échecs, dit-il. Qu’as-tu à dire pour ta défense ?
— Je ne cherche pas à me justifier, répond Aniva. Il semble que la tactique que j’avais choisie ne porte pas ses fruits. Je me rends compte de mon erreur. Ces Combattants de l’Arc-en-Ciel ont des ressources insoupçonnées et semblent se tirer de toutes les situations.
— Je croyais que tu ne cherchais pas à te justifier ! s’écrie un autre Sage Noir.
— Excusez-moi, dit Aniva en se tournant vers lui. Je vais réparer mon erreur.
— Et comment comptes-tu faire ? demande un troisième Sage.
— Les trois autres spécialistes ont commis l’erreur de garder la même approche alors même que celle-ci s’était avérée inefficace. Je ne ferai pas l’erreur de m’entêter. Je vais changer de stratégie.
— Explique-nous cela, dit un quatrième… pff, ça devient lassant à force !
— Malgré les critères restrictifs que j’avais choisis, il semble qu’un trop grand nombre de jeunes gens y correspondent. Les tester un à un est lent et contre-productif. Aussi, j’ai décidé qu’au lieu de venir à eux, ce sont eux qui viendront à moi, et en nombre ! Ainsi, je pourrai faire ma sélection beaucoup plus rapidement.
— Et comment comptes-tu les attirer ?
— Rain Bow a la réputation d’avoir un caractère puéril. J’ai donc utilisé le Miroir de l’Ombre pour convertir le gérant d’une fête foraine, et lui ai fait distribuer des tickets gratuits réservés aux enfants de moins de seize ans. Je n’ai aucun doute que cela va attirer Rain Bow comme un aimant ! Lotarh supervise l’opération en faisant une présélection. Il a beaucoup combattu Rain Bow et je veux utiliser son expérience en plus de mes pouvoirs. Je suis ainsi pratiquement certaine d’atteindre mon but !
— Alors va ! Le maître Esmeros a faim !
— Je vous apporterai l’énergie de Rain Bow », assure Aniva en s’inclinant.
Une tornade noire entoure Aniva, puis disparaît en l’emportant avec elle. Après un fondu enchaîné, elle réapparaît dans une grande salle, où Lotarh est assis devant une console et une dizaine d’écrans de télé. Par les écrans, on peut voir différentes vues sur une fête foraine. Lotarh se retourne vers Aniva.
« Alors, comment cela se présente-t-il ? lui demande-t-elle.
— Très bien, répond Lotarh avec un sourire mauvais. J’ai déjà trouvé plusieurs candidats parmi les jeunes garçons qui sont venus dans cette foire.
— Parfait. Samedi prochain, Rain Bow sera à nous ! Ah ah ah ah ah ! »
Pendant qu’Aniva rit de bon cœur, Lotarh pense :
« Ris tant que tu le peux, profite de ta position. Quand tu auras enfin pris l’énergie de Rain Bow, je te supprimerai et je reprendrai le Miroir de l’Ombre. Tu n’aurais jamais dû devenir la favorite du maître. »

« Et un toast au succès de Clémence ! »
Assis à la terrasse d’un café, Angel et ses amis sont en train de fêter (aux jus de fruits et autres sodas !) la réussite certaine de Clémence au baccalauréat. La semaine a passé rapidement, et ils sont tous prêts à aller à la fête foraine.
« Attendez un peu, dit Clémence en rougissant légèrement. Il faut attendre les résultats, et j’ai même pas encore passé les épreuves d’options.
— Sois pas modeste, dit Martin, tu es la meilleure élève de tout le lycée, et même sûrement de tout Paris ! Me dis pas que tu doutes de tes résultats ? !
— Je préfère attendre les résultats, on ne sait jamais… »
Martin s’assied en soupirant.
« Bon, alors si on finissait de boire et qu’on allait tout de suite à la foire ? demande Alexandra sur un ton impatient.
— Oh oui ! Oh oui ! » s’écrie Aurélien.
Les autres en manquent de tomber par terre de surprise.
« Eh, qu’est-ce qu’y a ? demande Alex qui ne comprend pas leur réaction.
— Ils sont aussi impossibles l’un que l’autre, grommelle Martin. Bon, OK, on va y aller, ajoute-t-il tout haut. Mais on a tout le temps, il est que trois heures de l’après-midi.
— OK, OK… » soupirent Alex et Aurélien en baissant la tête.

Nous retrouvons tout le monde à l’entrée de la fête foraine. Ils se regardent, étonnés. En effet, la foire est noire de monde, et surtout de jeunes de leur âge.
« J’l’avais dit qu’il fallait y aller tôt, reproche Alex. Si on m’avait écoutée…
— Quel monde ! Ils ont inondé Paris de leurs tickets gratuits ou quoi ? se demande Lydia.
— Ça va, on a toute la journée pour s’amuser, dit Angel. Et puis, il y a pas l’air d’y avoir tant de queue que ça aux manèges.
— Bon, on y va ? » fait Aurélien.
Tous acquiescent et entrent dans la foire. Ils sont immédiatement émerveillés par les attractions.
« Waouh ! s’exclame Angel. Eh, Lydia ! Tu veux faire la maison hantée avec moi ?
— Bien sûr ! réplique-t-elle avec un grand sourire.
— Clémence, tu veux faire le grand huit ? demande Aurélien.
— Euh… c’est pas mon truc, répond-elle. Martin, tu veux faire un tour de grande roue avec moi ?
— Avec plaisir !
— T’inquiète pas Aurélien, j’vais l’faire avec toi ton tour de grand huit, dit Alexandra en riant. Eh ! Et si on se retrouvait tous dans une heure devant la roulotte de mon frère ?
— Bonne idée, dit Clémence.
— OK, à tout de suite ! » dit Angel en tirant Lydia par la main.
Ils se séparent. Nous voyons Angel et Lydia monter dans l’un des wagons de la maison hantée, qui les emporte dans cette attraction bizarre d’où sortent toutes sortes de bruits étranges. Une petite minute plus tard, leur wagon réapparaît. Lydia rit de bon cœur, mais Angel est tétanisé à côté d’elle, les cheveux dressés sur la tête.
« Ils sont vraiment mal foutus leurs automates, hein Angel ?
— ... C’est fini ? » demande ce dernier avec un tremblement dans la voix.
Lydia éclate de rire. Nous retrouvons ensuite Alex et Aurélien qui font un tour de grand huit, puis de montagnes russes. Ils prennent toujours le premier wagon, mettent les mains en l’air, et jouent à celui qui criera le plus fort. Ils aiment les sensations fortes !
« C’est génial ! crie Alex entre deux éclats de rire.
— Et c’est pas fini ! ajoute Aurélien. Regarde le manège là-bas !
— Waouh ! Vite, allons-y ! »
Enfin, nous retrouvons Martin et Clémence, loin au-dessus du tumulte ambiant. Ils sont seuls dans l’une des nacelles de la grande roue. Cette dernière s’arrête de tourner alors qu’ils sont au sommet. Clémence soupire bruyamment.
« Fatiguée ? demande Martin.
— Pas trop, répond Clémence. Je suis un peu tendue, c’est tout.
— C’est le bac qui te fait ça ? Voyons, t’as pas de soucis à te faire !
— C’est pas le bac qui m’inquiète, réplique-t-elle évasivement.
— Quoi alors ? demande Martin qui s’arrête de sourire.
— Je trouve cette histoire de tickets gratuits bizarre.
— Comment ça ?
— Est-ce que tu as remarqué que tous les jeunes ont à peu près notre âge ?
— Oui, et alors ?
— Esmeros veut l’énergie de Rain Bow. Et Aniva s’est déjà attaquée deux fois à des garçons du même âge qu’Angel…
— Tu crois que c’est un piège pour attirer Rain Bow ?
— Je ne sais pas. J’espère que non. Mais ouvrons toujours l’œil. Après tout, c’est notre mission de protéger Angel.
— D’accord, mais j’espère que tu te fais du souci pour rien.
— Moi aussi… »

L’heure est passée, et nous retrouvons nos six amis devant la roulotte où Thomas travaille. Ce dernier est en train de leur préparer le « truc spécial » qu’il leur avait promis.
« Et voilà ! C’est prêt ! dit Thomas d’une voix triomphante. Cadeau d’la maison ! »
Il leur apporte six gaufres recouvertes de chantilly, mais aussi d’une poudre noire, marron et rouge.
« Qu’est-ce que c’est ? demande Angel.
— Goûtez et je vous le dirai. »
Ils prennent chacun leur gaufre, se regardent d’un air interrogateur, puis y mordent en même temps. Mais alors qu’Alexandra et Aurélien semblent apprécier le goût de leur gaufre, Angel, Martin, Clémence et Lydia sont comme paralysés. Ils écarquillent les yeux et le rouge leur monte aux joues. Ils avalent avec difficulté, et se mettent à souffler bruyamment, comme s’ils recrachaient du feu !
« Vous aimez ? demande Thomas avec un grand sourire. Ce sont mes gaufres spéciales à la Thomas : chantilly, chocolat en poudre et cannelle.
— Et… la poudre rouge ? demande Angel qui a les larmes aux yeux.
— Ah ça ? Juste un peu de paprika pour la couleur et pour relever le goût.
— Super bon ! » s’écrie Alex avant de mordre un grand coup dans sa gaufre.
Aurélien acquiesce, tandis que les quatre autres tombent par terre.
« OK, j’ai peut-être un peu forcé sur le paprika cette fois-ci, avoue Thomas.
— Un peu ? » demande Martin en se relevant.
Soudain, l’attention de nos amis est attirée par des cris de joie.
« Qu’est-ce que c’est ? demande Aurélien.
— Ça, c’est le stand tenu par le gérant : le tir à l’arc, explique Thomas. Ceux qui parviennent à mettre trois flèches au centre de la cible gagnent un ticket pour la grande tombola de ce soir. Y’a plein de cadeaux à gagner, dont un voyage. On a déjà eu quelques gagnants cette semaine. Celui-là c’est le premier de la journée.
— Hé ! Si on essayait ? ! demande Angel.
— C’est vrai qu’on a droit à un essai gratuit. On a rien à perdre, dit Martin. Dommage que le tir à l’arc soit pas le sport où je suis le meilleur…
— Parce que c’est un sport dans lequel le calme et la concentration jouent un plus grand rôle que les muscles ? » demande Clémence.
Martin a un sourire gêné.
« On y va ! s’écrie Alexandra. Merci pour la gaufre, Thomas, c’était super bon ! »
Aurélien le remercie aussi chaleureusement, les autres un peu plus froidement. Ils se rendent au stand du gérant. Celui-ci est un quinquagénaire bedonnant qui harangue la foule.
« Tiens, les p’tits jeunes, vous voulez essayer le tir à l’arc ?
— On vient pour ça, dit Alexandra.
— Ah, c’est la tombola qui vous intéresse, n’est-ce pas ? Et je suppose que vous avez des tickets gratuits.
— Oui ! répondent-ils tous en cœur en montrant leurs tickets.
— D’accord. Qui veut commencer alors ? demande le gérant.
— Moi, dit Martin.
— Viens donc ici, grand jeune homme. »
Il le conduit devant une des cibles et lui prépare un arc et des flèches. Sans transition, on voit que la scène est filmée, et Lotarh l’examine par l’intermédiaire d’un moniteur de télévision.
« Tiens, ils ont tous à peu près l’âge de Rain Bow, se dit-il. Surveillons cela de près… Bon, j’élimine d’emblée les trois filles, donc il ne reste plus que les trois garçons.
— Tu as cinq flèches, dit le gérant. Si tu parviens à en mettre au moins trois au centre, tu gagnes un ticket de participation à la grande tombola de ce soir.
— C’est parti alors », dit Martin, sûr de lui.
Il prend sa première flèche, vise, se concentre, et lâche la corde après quelques secondes. La flèche vient se ficher en plein milieu de la cible.
« Bravo mon garçon, plus que deux, dit le gérant.
— Il est doué, ajoute Lotarh de son côté. Mais il est bien trop grand pour être Rain Bow. À éliminer. »
Sur un écran voisin, on voit la cible, ainsi qu’une croix en surimpression représentant l’endroit visé par l’archer.
« Pratiques ces flèches spéciales », dit Lotarh en mettant la main sur un joystick.
Au moment où Martin tire, Lotarh voit que sa flèche va se planter en plein dans le mille. Il actionne le joystick qui déplace légèrement la cible, trop peu pour que quiconque s’en aperçoive, mais suffisamment pour que la flèche n’atteigne pas le centre.
« Dommage, commente le gérant, mais tu as encore trois chances. Concentre-toi. »
Pour la troisième flèche, Lotarh doit de nouveau déplacer la cible. Mais pour les deux dernières, Martin perd son sang froid, grogne et ne parvient plus à se concentrer. Ses flèches ratent le noir de la cible sans intervention de Lotarh.
« Dommage, dit le gérant, une sur cinq. Mais comme tu as été plutôt doué, voici un lot de consolation. »
Il lui donne un Tigrou en peluche. Lydia éclate de rire devant le spectacle d’un si grand gaillard qui ne sait pas quoi faire d’une peluche. Son rire est contagieux, et Angel ne peut s’empêcher de pouffer.
« Euh… merci, fait Martin, embarrassé.
— À qui le tour ? demande le gérant.
— À moi, répond Clémence. Ça a l’air pas mal ce jeu. »
Elle prend l’arc et les flèches, tandis que le gérant prépare la cible. Elle se concentre, mais Lotarh n’a pas à intervenir. Ses flèches sont toutes proches du centre, mais aucune ne l’atteint.
« Tant pis, soupire-t-elle. On peut pas être doué en tout. »
C’est au tour d’Aurélien. « Ça pourrait être lui », se dit Lotarh. Mais il se ravise en voyant son manque de précision. Les flèches d’Aurélien se plantent toutes dans la circonférence de la cible.
« Non, je ne peux quand même pas déplacer la cible autant que ça. »
Puis c’est au tour de Lydia, mais elle est à peine meilleure qu’Aurélien. Vient ensuite Angel.
« Vous avez un arc pour gaucher ? demande-t-il.
— Bien sûr, voilà mon garçon. »
Angel saisit une flèche, mais ne parvient même pas à la faire tenir sur l’arc ! Il la fait tomber, et Lydia est obligée de l’aider à se tenir correctement pour tirer. « Non, je sais que Rain Bow peut être maladroit, mais à ce point ça dépasse l’entendement. Éliminé », se dit Lotarh. D’ailleurs, il n’a rien à faire, seule une des cinq flèches d’Angel a atteint la cible. Ce dernier s’écarte, les épaules basses.
« C’est pas grave, dit Martin, t’es pas doué au tir à l’arc, c’est tout.
— J’suis doué dans aucun sport », soupire Angel.
C’est enfin au tour d’Alexandra de jouer. Elle prend l’arc d’un air nonchalant, tire une première flèche loin du centre de la cible, puis une deuxième de la même façon. Lotarh s’écarte un peu de la console et met les mains derrière la tête.
« Aucun problème, se dit-il. Elle va s’éliminer toute seule. »
Alex se retourne vers ses amis avec un grand sourire.
« Qu’est-ce qu’y a ? demande Martin.
— J’vous ai bien eus ! » réplique-t-elle en riant.
Aussitôt, elle prend un air sérieux, fronce les sourcils, attrape une flèche, vise et tire, puis recommence avec ses deux dernières flèches. Elle est si rapide que Lotarh a juste le temps de se redresser sur son siège. Les trois flèches ont atteint le centre de la cible en quelques secondes ! Les amis d’Alex et le gérant en restent bouche bée.
« Je fais du tir à l’arc depuis que j’ai cinq ans, leur explique Alex. J’ai été championne régionale d’Île-de-France il y a deux ans, mais j’ai arrêté la compétition parce que ça me prenait trop de temps sur la photographie. En tout cas j’suis contente, j’vais participer à la tombola ce soir ! »
Elle se tourne vers le gérant qui ne sait pas trop quoi faire. Après tout, seuls des garçons étaient censés gagner. Il reçoit finalement une transmission télépathique de Lotarh : « donne-lui un ticket de tombola. Il faut éviter de se faire remarquer. »
« Alors, et mon prix ? J’ai gagné pourtant ! s’impatiente Alex.
— Euh… oui… voilà », balbutie le gérant en fouillant derrière son comptoir.
Il lui tend un billet qu’elle lui arrache presque des mains.
« Le tirage est à huit heures sous le chapiteau. Seuls les gagnants y sont invités, pour des raisons de sécurité.
— D’accord. Merci beaucoup ! »
Elle se retourne vers ses amis qui applaudissent de bon cœur. Même Lydia se joint à eux, étonnée par celle qu’elle considérait être une simple « tête de linotte ».
« Bon, on continue ? demande Lydia après avoir cessé d’applaudir. Je dois être rentrée pour sept heures ce soir.
— Tu restes pas pour la tombola ? demande Angel.
— J’peux pas, mes parents ont des invités ce soir. Il faut que je sois là avant qu’ils arrivent.
— Ah ! Dommage…
— C’est pas grave, vous me raconterez », dit-elle avec un grand sourire.
Ils repartent, et Lotarh les suit sur son écran de contrôle.
« Je n’aime pas qu’on me prenne par surprise, dit-il.
— Ce n’est pas grave, dit Aniva qui apparaît derrière lui. Sa présence évitera les soupçons.
— Si tu le dis », réplique-t-il, les lèvres pincées.

Il est bientôt huit heures. Lydia est rentrée chez elle, et seuls Alexandra et les autres Combattants (ainsi qu’un gardien) sont présents devant l’entrée du chapiteau monté à l’occasion de la tombola. Ils ont déjà croisé quelques gagnants (uniquement des garçons), mais Alex ne s’est pas encore décidée à entrer.
« Tu devrais y aller, dit Martin, il est bientôt l’heure. On t’attend dehors.
— D’accord, dit Alex. J’espère que ça durera pas trop longtemps. Mais quand je reviendrai, ce sera avec le voyage !
— Euh… c’est une loterie, explique Angel. Tu peux compter que sur la chance pour gagner.
— Et alors ? J’suis tellement mignonne que je vais gagner sans problème ! »
BLOINK ! (bruit de quatre personnes tombant à terre de surprise)
« Euh… je ne crois pas qu’une étude scientifique ait été faite sur ce sujet, mais à mon avis il n’y a aucune corrélation entre la beauté physique et les chances de gagner à une tombola, remarque Clémence en se relevant.
— C’est juste une question de confiance ! s’écrie Alex en se dirigeant vers l’entrée du chapiteau. À tout de suite ! »
Elle montre son ticket gagnant au gardien qui la laisse passer en lui faisant un signe de tête. Les autres Combattants la regardent partir sans trop savoir comment réagir. Le gardien fait une croix sur son carnet de notes, referme le rideau, et s’éclipse. Alexandra passe un deuxième rideau à l’intérieur du chapiteau, et se retrouve dans une salle où une dizaine de garçons sont déjà assis.
« Ah ! Notre dernière gagnante, dit le gérant en s’approchant d’elle. Assieds-toi, le tirage ne va pas tarder.
— Merci », réplique-t-elle avec un grand sourire.
Une machine contenant des boules numérotées est installée devant les gagnants. Derrière cette machine, le reste de la salle est fermé par un rideau. Et derrière ce rideau, regardant à travers de petits trous, Aniva et Lotarh examinent les garçons choisis par ce dernier.
« Je suis sûr que l’un d’entre eux est Rain Bow. Qu’en dis-tu ?
— Je le sens, dit Aniva. Je sens que l’un d’entre eux possède un grand cœur et cache un mensonge. Je l’ai trouvé ! »
Dans la salle, le gérant se met à parler :
« Puisque tout le monde est là, nous allons commencer. Et pour donner le plus de chances à chacun d’entre vous, nous allons directement commencer par le premier prix, qui je vous le rappelle est un voyage de quinze jours pour deux personnes aux îles Canaries ! »
Murmures d’émerveillement dans la salle.
« Et c’est parti ! »
Le gérant appuie sur un bouton, et la sphère contenant les boules numérotées commence à tourner, mélangeant ces dernières. Il maintient le suspense en lançant sur une chaîne hi-fi l’enregistrement d’un roulement de tambour.
« Alors, qui va gagner le voyage pour deux personnes dans les superbes îles Canaries ? »
Il appuie sur un autre bouton, déclenchant l’ouverture du trou par lequel passera la boule gagnante. Une boule s’y engage. Derrière le rideau, Aniva fait un geste rapide et le numéro sur la boule gagnante change ! Alexandra fronce les sourcils. Elle a cru voir quelque chose sur la boule. Mais elle hausse les épaules en se disant que ce n’était peut-être qu’un reflet. Finalement, la boule gagnante tombe au fond d’un tube, tandis que l’enregistrement s’arrête avec un bruit de cymbales. Le gérant annonce :
« Et le gagnant du voyage pour deux personnes est le numéro… six ! »
Un garçon aux cheveux blonds coiffé un peu comme Angel se lève avec une expression de surprise.
« Mais… mais… c’est le numéro de mon ticket ! »
Les autres garçons applaudissent. Alexandra a une moue de désappointement, mais elle se remet vite à sourire et applaudit aussi. Le gagnant s’approche du gérant qui lui serre la main et lui remet une enveloppe.
« Bravo mon garçon, voilà ton prix. Cette enveloppe contient les deux billets d’avion ainsi que le guide pour ton séjour. »
Sous les applaudissements nourris des autres participants qui ne sont pas mauvais joueurs, le jeune homme s’apprête à ouvrir l’enveloppe. Mais soudain un tourbillon noir l’entoure et la cache à la vue. Les applaudissements cessent immédiatement, c’est la surprise dans la salle. Quand le tourbillon disparaît, l’enveloppe a été remplacée par un autre objet : le Miroir de l’Ombre ! Le garçon n’a pas le temps de bouger. Son regard plonge dans le Miroir et il est paralysé. Un cercle se forme à ses pieds, et son énergie est absorbée sous la forme d’une fumée blanche. C’est la panique ! Seule Alexandra, qui a compris ce qui se passait, garde son calme. Elle regarde autour d’elle pour trouver un moyen de s’échapper, quand un des participants la bouscule et la fait tomber à terre près de l’entrée. Après avoir retrouvé ses esprits, elle en profite pour se glisser hors de la salle sans qu’on la remarque. Elle se relève et traverse le rideau d’entrée, se retrouvant devant ses amis qui l’attendaient à l’extérieur. En la voyant, Clémence comprend tout de suite que quelque chose cloche.
« Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-elle.
— Le prix ! Le voyage ! balbutie Alex en lui tombant dans les bras. C’était un piège !
— Trouvons un endroit pour nous transformer, dit Clémence. Ça va aller ?
— Oui, dit Alex, ils vont me le payer !
— Par ici ! » s’écrie Martin.
Il les conduit dans un coin sombre derrière le chapiteau. Là, ils décrochent leurs amulettes et les lèvent au ciel :
« Amulette Rouge, ...
— Amulette Verte, ...
— Amulette Bleue, ...
— Amulette Jaune, ...
— Amulette Arc-en-Ciel, ...
— métamorphose ! »

Dans le chapiteau, c’est la désolation. Tous les participants sont à terre, évanouis, sauf le gagnant qui est toujours paralysé au milieu du cercle de lumière. Le rideau derrière la machine est tombé, et Aniva s’est avancée pour récupérer le Miroir de l’Ombre.
« Encore raté, dit-elle. Mais quelle récolte ! Ce jeune garçon contenait une quantité d’énergie gigantesque !
— Mais ce n’est pas Rain Bow ! reproche Lotarh. Tu as encore échoué !
— C’est toi qui a échoué ! réplique Aniva. Je t’avais confié la sélection des candidats, et c’est le seul que tu as choisi qui avait et un grand cœur et un grand mensonge en lui ! C’est ton échec !
— Arrêtez tout de suite !
— Qui est là ? ! » demandent Lotarh et Aniva en même temps, en se tournant vers l’entrée.
Les Combattants de l’Arc-en-Ciel se tiennent devant eux.
« Utiliser la féerie de la fête foraine et l’espoir des gens pour les attirer dans un piège est tout simplement dégoûtant ! Prenez garde ! Car je suis le messager de l’espoir, Rain Bow !
— Et moi le guerrier de l’espoir, Red Bow !
— Le défenseur de l’espoir, Green Bow !
— L’arbitre de l’espoir, Blue Bow !
— Et la lumière de l’espoir, Yellow Bow, à la rescousse !
— Ah, vous voilà ! dit Aniva. Je vous attendais. Vous allez pouvoir faire joujou avec mes Créatures du Mensonge ! »
À ces mots, le gérant et le garçon paralysé disparaissent dans une tornade noire. Quand celle-ci se dissipe, le gérant est devenu un monstre corpulent, aux membres faits de poutres entrecroisées. Sa tête est une tête de marionnette, dont seule la bouche peut bouger. Le garçon, lui, est devenu une sorte de squelette. Mais ses articulations sont visiblement mécaniques, avec des écrous visibles, un peu comme les automates des maisons hantées.
« Ah ah ah ! D’un côté nous avons Foiratrex, un homme qui n’avait pas de mensonge en lui, mais que j’ai utilisé pour organiser ce piège. De l’autre nous avons Squelettrex, un garçon dont le mensonge qui alourdissait son cœur est un amour immodéré des fêtes foraines, qui l’oblige à mentir à ses parents à propos de ses dépenses et de ses sorties. Stupide ! Enfin, ce n’est pas grave, ils seront plus utiles en soldats de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir. Foiratrex, Squelettrex, occupez-vous d’eux, je veux pouvoir m’emparer de l’énergie de Rain Bow !
— Arrête Aniva ! s’écrie Green Bow. Rappelle-toi, Rain Bow est ton ami, nous sommes tous tes amis ! Tu veux quand même pas nous attaquer ?
— Vous avez bientôt fini avec vos sornettes ? ! hurle Aniva. Foiratrex, Squelettrex, qu’est-ce que vous attendez ? ! »
Foiratrex réagit et prend une inspiration énorme. Puis il souffle une énergie qui prend la forme d’un wagon de montagnes russes ! Les Combattants sautent hors de portée du wagon. Ils ont bien fait, car ce dernier explose quand il arrive là où ils se tenaient. C’est au tour de Squelettrex, qui fait apparaître une dizaine d’os tournoyants et les envoie vers les Combattants.
« Barrière de Vent ! »
Un mur de vent se forme devant les Combattants. Les os tournoyants le frappent et explosent. Mais leur puissance a été telle que le mur de vent se dissipe. Green Bow met un genou à terre, essoufflée.
« Ça va ? ! demande Blue Bow.
— Ils sont forts, explique Green Bow. Non, pas encore ! Barrière de Vent ! »
Foiratrex vient de lancer un autre de ses wagons d’énergie, qui explose en touchant le mur de vent. Mais l’explosion est si forte qu’elle se répercute sur Green Bow qui tombe à terre, sonnée.
« Green Bow ! s’écrie Clémence qui s’agenouille et la prend dans les bras. Green Bow, ça va ? Réponds !
— Ça… va, répond-elle faiblement en ouvrant les yeux. Tant que vous êtes pas blessés, tout va bien…
— Pfff… quelle idiote ! rit Aniva. Protéger d’autres gens au péril de sa propre vie, quelle sottise !
— Ça n’a rien de sot ! lui crie Blue Bow dont les yeux sont noirs de colère. C’est la force de notre amitié ! N’importe lequel d’entre nous serait prêt à se sacrifier pour protéger les autres ! C’est au nom de l’amitié que toi-même, tu t’es sacrifiée pour sauver Rain Bow. Ne me dis pas que tu as oublié ça ? ! »
Le visage d’Aniva a changé d’expression. Son sourire méchant a fait place à l’étonnement, suivi d’une expression de compréhension. Lotarh s’en est aperçu et intervient :
« Tais-toi ! N’essaie pas de nous embrouiller avec tes histoires ! »
Le visage d’Aniva reprend son expression dure.
« Il a raison ! Je suis le spécialiste du Mensonge de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir, vous n’allez pas m’avoir avec vos fables ! Foiratrex, Squelettrex, terminez votre travail !
— Pas question ! s’écrie Red Bow. Boule de Feu ! »
La boule de feu atteint Foiratrex avant qu’il ait pu prendre son inspiration. Elle le frappe de plein fouet et il tombe à terre, sérieusement amoché. Squelettrex fait apparaître ses os tournoyants, mais Blue Bow ne l’entend pas de cette manière.
« Ruisseau Scintillant ! »
Le jet d’eau frappe les os qui explosent et projettent Squelettrex contre Foiratrex.
« À toi de jouer, Rain Bow ! crie Clémence.
— Tout de suite ! Toile Arc-en-Ciel, action ! »
Les deux monstres sont emprisonnés dans la Toile Arc-en-Ciel et les boules d’énergie leur rendent leur forme humaine :
« Nous sommes… liiiiiibres ! »
Le gérant et le garçon tombent à terre, évanouis.
« Merde ! Vous avez encore gagné, mais on se retrouvera ! Viens, Lotarh, on s’en va ! »
Aniva disparaît dans une tornade noire. Les yeux de Lotarh s’illuminent, et il disparaît à son tour. Tout est silencieux, jusqu’au moment où Green Bow se relève, la main à la tête.
« Ouille ouille ouille ! fait-elle.
— Ça va Alex ? ! demandent les autres Combattants en chœur.
— Oui, répond-elle, enfin debout. Mais si vous avez une aspirine, je vous en serai très reconnaissante.
— On va te trouver ça, dit Clémence, soulagée. En attendant, sortons d’ici. »
Ils acquiescent, et quittent le chapiteau, alors que tout le monde commence à se réveiller.

Nous retrouvons nos amis en civil, à la sortie de la foire.
« Aniva a réagi à tes paroles, dit Martin à Clémence. Si Lotarh était pas intervenu, elle aurait peut-être retrouvé la mémoire.
— Est-ce que ça veut dire qu’il y a un espoir de la sauver ? demande Angel.
— Oui, maintenant j’en suis sûre, répond Clémence. Il faut juste trouver un moyen de lui donner un choc, une émotion suffisamment forte pour vaincre le sortilège dont elle est victime.
— Tu as une idée de la sorte de choc qu’il faudrait ? demande Martin.
— ... Non, répond Clémence après une petite hésitation.
— En tous cas, moi, je regrette qu’une chose, intervient Alex.
— Qu’est-ce que c’est ?
— C’est dommage que la tombola ait été qu’un piège. Même si j’avais pas gagné le voyage, j’aurais pu avoir un beau prix quand même ! »
Les quatre autres jeunes gens tombent à terre de surprise. Alex les regarde sans comprendre, avec un grand sourire.
« Elle est folle », grommelle Martin en se relevant.
La conversation repart sur des sujets moins sérieux, mais Clémence reste pensive : « un choc suffisamment fort… Non, j’espère qu’il ne faudra pas en arriver là... »

Thursday 18 August 2011

Post Mortem: My 4th Language Creation Conference Presentation

As I've written before, besides organising the LCC4 itself I was also a speaker there (thanks again David for giving me this opportunity to flex my presenting muscles!). While it's probably fair to say that it went well, nothing is ever perfect and I felt it deserved some kind of review.

My presentation's full title was: When Morphology Kicks Syntax Out of the Way, When English Just Seems to Lack the Words, When a Boy Plays with the One That Is Wearing the Beret, and When Over-Long and Obscure Titles Seem Like the Way to Go: an Introduction to Surdéclinaison. As its title indicates, the whole thing was supposed to be tongue-in-cheek in style (although the contents were serious), and I didn't feel I could achieve the necessary lightness using traditional slides. So I went out on a limb and tried for the first time to create a prezi. One of the advantages of prezis is the ability to embed them in webpages, so here it is for your perusal (you'll need Flash for this to work):

Given that it was my first time ever using Prezi, I think I did a pretty good job. Using the ability to zoom in for details and to zoom out for generalities came to me quite naturally. The transitions felt right, as far as I can tell. To prevent my audience from getting motion sickness I added only very few rotations, but that made them all the more effective. Probably my only big mistake was to use a purple colour for the subtitles. I basically had this "brilliant" idea to use the colours of the Conlang Flag in the presentation itself. It felt very right, especially since the prezi itself starts with it. The problem came when I hid small text inside bigger text (a usual effect in Prezi, to create surprise and hide details that only become visible by zooming). I had to use subtitle text for that (the only coloured text style that was available to me), but while it looked fine on my computer screen, I should have realised that purple text on a dark grey background would lack contrast when presented via a beamer. And that it would be colour-blind-unfriendly in any case! Oh well, it's a mistake I'll make sure not to make again.

Apart from this issue, I think I did well to abandon traditional slides and to adopt Prezi as my presentation tool. But I'll let you be the judge of that. Don't hesitate to give me feedback in the comments!
Of course, my presentation was recorded. So if you want to see me make a fool of myself, just watch the video below! (the presentation itself starts at the 05:44 mark)

Seriously, besides my accent (I didn't know it was so bad!), and my propensity to say "eh..." all the time, I think it went quite well. Quite surprising given how nervous I was before the presentation. I guess all that involvement in theatre did pay off! I'm especially glad that people actually laughed, and mostly at the places I was expecting them to! I guess I don't suck as much at humour as I originally thought! Still, some things could have gone better:

  • As soon as I started the presentation it felt like I had lost half my vocabulary. I mean it! I just couldn't find my words (hence the many "eh..."). I blame this issue on stress, lack of preparation, and lack of sleep. I never managed to find time for a dry run. Next time, I really need to get my presentation ready at least a week before presenting, rather than two days like this time. And of course, I need to get enough sleep (says he, while typing this at 2 o'clock in the morning!).
  • I'm not sure I got the message through that I intended. While the presentation was ostensibly about the morphological phenomenon of surdéclinaison, the main thing I wanted people to get out of it was the wonderful variety of linguistic strategies used by speakers all over the world. I wanted to tell naturalistic conlangers: "Beware of the limits you don't even know you're building into your own conlanging. Break the mould, and don't hesitate to question even the most basic assumptions you have about human languages." Oh well, I'm hoping the presentation itself will have rekindled people's conlang bug, and that my Moten won't be the only existing conlang with surdéclinaison for much longer.
  • I made a stupid mistake, when I translated the Basque word galdegaia into English as "topic", when it really means "focus". How could I make that mistake at all?!

Anything else you want to say about my performance? Don't hesitate to give me feedback in the comments.

That's about all I have to say about the form of my presentation. So what about the contents? I personally think I managed to strike the right balance between theory and examples, between jokes and serious matters. However, I'm probably not the right person to critique that part of my work, so I could do with everyone's feedback here.

My presentation resulted in a few questions, and I noticed a few comments on the IRC chat log worth answering to. So let's use the remainder of this blog post to answer people's questions, remarks and concerns. If you didn't attend the LCC4, you should really go through my prezi and watch the presentation or what I'm going to write below won't make much sense to you.

After the presentation, Tam Blaxter came to me to ask whether group marking case suffixes wouldn't be better described as clitics rather than true suffixes, in which case their behaviour is described as syntax rather than morphology, and recursion phenomena like surdéclinaison become less exceptional. This is actually a very good question, in that it describes well the currently accepted truth among the English speaking linguistic community, and the main reason there's hardly any talk of surdéclinaison in English linguistic literature: English speaking linguists generally don't believe it's an actual morphological phenomenon, but just a case of clitic stacking, which is hardly exceptional. To this question, I actually have two answers:

  1. I often feel that this is a cop-out: every time someone uncovers a morphological phenomenon that doesn't fit people's expectations of what morphology should be like, they just shout "clitics!" and somehow feel they have solved the issue. I call that hand waving (not that I believe Tam was guilty of that. I know he meant the question as an actual request for information).
  2. However, there is such a thing as clitics, and indeed declension paradigms often do originate from grammaticalised clitics. And since hand waving away a hand wave is still hand waving (following me so far?), it's actually worth answering that question, at least for Basque. To do so, just take a look at the table below. It's a full paradigm of the word etxe: house. The exact meaning of each form is irrelevant here, just focus on how they look like. The Basque noun paradigm is based on two elements: the definite article (-a in the singular, -e in the plural, the indefinite, without article, being undefined for number) and the case suffix, which follows the article when it's present. However, when you look at the actual paradigm, you see that the combination of the article and the case suffix is not always that straightforward. We've got here examples of:
    • Suppletion: the absolutive plural is formed with the unanalysable suffix -ak, rather than -e.
    • Conditional epenthesis and elision: the dative -i and the cases starting with -e- both take an epenthetic -r- when added after a vowel, including the singular article -a, but not after the plural article -e. Moreover, the plural article actually disappears before the case suffixes in -e-, so that the only distinction between the indefinite and the plural is the presence or absence of the epenthetic -r-.
    • Other weird behaviours: the local cases are a weird bunch. Unlike the other cases, adding them to the stem directly doesn't form the indefinite but the singular (except the inessive -n which does take the singular article). To form the indefinite, one has to add -ta- between the stem and the ending. And even more strangely, this -ta- element must also appear between the plural article and the local case ending!
IndefiniteSingularPlural
ABSetxeetxeaetxeak
ERGetxeketxeaketxeek
DATetxerietxearietxeei
GEN.POSetxerenetxearenetxeen
COMetxerekinetxearekinetxeekin
BENetxerentzatetxearentzatetxeentzat
CAUSetxerengatiketxearengatiketxeengatik
INSetxezetxeazetxeez
GEN.LOCetxetakoetxekoetxeetako
INEetxetanetxeanetxeetan
ALLetxetaraetxeraetxeetara
TERMetxetarainoetxerainoetxeetaraino
DIRetxetarantzetxerantzetxeetarantz
DESTetxetarakoetxerakoetxeetarako
ABLetxetatiketxetiketxeetatik
PARTetxerik
PROLetxetzat

So, does that mean that the case endings and articles are actual suffixes rather than clitics? I contend that it does. I wouldn't expect a clitic-based paradigm to be that complicated. Also, I would expect a clitic-based paradigm to have purely phonological alternations, whereas there is something here occurring at a morphological level. And in any case, I would never expect suppletion to appear in a clitic-based paradigm! All in all, this makes me conclude that the Basque case endings are true suffixes. You may disagree. In that case, I'll just point out that Moten is definitely group marking and has surdéclinaison, while its core cases are marked by infixes!

On IRC, Philip Newton gave me probably the best compliment one could have given me about my presentation. I'll just quote what he wrote:

11:39:18 AM pne: I think Christophe did an excellent job of knowing his slides - he didn't have to look at the screen to know where he was or what he was going to say next (more than once or twice)
11:39:41 AM pne: as if he had practised the talk a few times so he knew the order well

I'm honoured by this compliment, especially since it's completely off the mark: as I wrote above, I finished the presentation during the night from Thursday to Friday, and never got the chance to rehearse it. Personally, I believe it looked like I knew my slides very well for two reasons:

  • I defined the transitions between the different areas of my Prezi very clearly, and thought in advance about how I would handle those transitions and what I would actually say during them, while I was building the presentation. Thanks to this way of organising myself, I already knew what I would say when going from slide to slide without having to rehearse. It's much easier to improvise between transitions than to improvise the transitions themselves, and getting the transitions right does make the whole presentation feel smoother and slicker, which is probably what prompted Philip to make his wonderful comment.
  • As Fenhl wrote after Philip's comment, I did feel that the way Prezi handles the presentation of information was very natural to me. It somehow "clicked" with me much better than the traditional Powerpoint style of presentation.

Also on IRC, Broca had a general complaint during my presentation that examples were not all accompanied with interlinears. In theory, I agree with Broca: especially when using conlangs, which can be quite exotic, to illustrate some linguistic phenomenon, which can be quite obscure, the only way you can make sure people understand how the examples work is by showing how they are constructed, using interlinears. However, as usual there is quite a difference between theory and practice, and there are legitimate reasons to not use interlinears with every example, at least in a presentation:

  • Interlinears are heavy. Because of the use of dashes, dots and abbreviations added on content words, interlinears can easily become twice as long as the example they represent, if not more. That can be a lot of lost screen estate in a presentation, possibly forcing one to use a smaller (and thus more difficult to read) font. Also, with too many interlinears on a slide, you can get the effect of missing the forest for the trees: they go against the principle that one should use as little text as possible in a slide.
  • When one is illustrating a single linguistic phenomenon using a series of examples in a presentation, interlinears are only useful on the first of them, or the first two at most. There is nothing to gain (in terms of getting a message across) by burdening all the examples with interlinears, unless you want to show phenomena like suppletion or alternative constructions.
  • Interlinears work best when the original contents are aligned with the interlinear. The drawback is that the original example becomes more difficult to read because of the added spaces. Repeating the example with natural spacing before the example above the interlinear only makes things even heavier.

For this reason, I made the very conscious decision to not include interlinears for all examples. I just added them where I felt they would help getting the message across, and I didn't add too many of them in order not to burden the presentation. Now whether I added enough of them to correctly illustrate my points is not something I can judge by myself, so any feedback about this issue would be more than welcome, so that I can do things even better next time!

Finally, during my talk, I mentioned Jacques Brel's song Rosa, a song whose chorus is the full declension of the Latin word "rosa", as taught to French-speaking schoolchildren even to this day. While I was doing this, Thavernes on IRC thought they should correct me by pointing out that the song was from Salvatore Adamo, not from Brel. Well, they were wrong. The song Rosa was written by Brel himself (both music and lyrics, both in French and in Dutch) and first released as part of his album Les Bourgeois in 1962. Adamo has indeed covered this song, as he has done for various songs from Brel, but he has not written it. Indeed, in 1962 Adamo had yet to release his first album! I know it's a tangent but I just wanted to make sure the correction would get out.

Well, that's about all I have to say. This post has been very long in the making (I started working on it in back in May!), so my apologies to those who have been waiting for it. I hope you'll enjoy it, and that it will be useful to those who missed my presentation as well as to those who saw it. As I wrote various times, I'm dying to get some feedback, so don't hesitate to use the comment area below. And as a special request, if you know of any conlang that uses surdéclinaison (actual surdéclinaison, not suffixaufnahme!), or have created one, please give me a big shout! I'm dying to see how others would implement this feature.

Friday 12 August 2011

Kibou Niji Rengou Rainbow Fighters. Épisode 24 : un secret de famille

Nous sommes le lundi 31 mai, dans la cantine du lycée d’Angel. Nous y retrouvons Angel justement, ainsi que Lydia et Martin en train de manger. Clémence n’est pas là ? Eh bien non. Dans une semaine c’est le baccalauréat, et les terminales ont droit à une semaine libre pour réviser chez eux, semaine dont Clémence a décidé de profiter à fond pour se préparer (NdlA : comme si elle avait du souci à se faire avec sa moyenne…). D’ailleurs, nos trois amis sont en train de parler de ça.
« Vous vous rendez compte, plus qu’une semaine avant le bac, dit Lydia.
—  C’est super ! s’exclame Angel. Ça veut dire que les vacances d’été arrivent !
—  Tu penses qu’aux vacances ou quoi ? lui reproche Martin.
—  Ben quoi ? Tu vas pas me dire que t’aimes pas ça ? Et puis en plus on passe tous en première, c’est pas génial ?
—  C’est sûr que pour toi, c’était pas gagné d’avance, dit Martin.
—  Pourquoi t’es méchant avec moi ? ! geint Angel comme un enfant, ce qui fait rire Lydia.
—  Moi j’espère que ça va aller pour Clémence, dit cette dernière. Le bac S c’est pas n’importe quoi.
—  T’inquiète pas, dit Martin, notre génie local va en faire qu’une bouchée ! Ça m’étonnerait pas qu’elle atteigne des sommets !
—  C’est vrai qu’avec son niveau, on n’a pas de souci à se faire, continue Angel.
—  C’est pas comme toi », assène Martin.
Le choc est rude pour Angel qui rentre la tête dans les épaules.
« Ça va aller, dit Lydia. On va bien le faire travailler en première, et il aura pas de problème.
—  Merci de me remonter le moral Lydia, soupire Angel qui se sent fatigué à la moindre mention de travail. Autre chose, vous pensez que Clémence acceptera de faire une pause dans ses révisions samedi prochain ?
—  Pourquoi ? demande Martin.
—  C’est l’anniversaire d’Alexandra samedi. J’pensais qu’on pourrait lui faire une surprise.
—  Alexandra ? La tête de linotte ? demande Lydia.
—  Ça va, dit Angel, elle est gentille non ?
—  On va dire ça, réplique Lydia, peu convaincue.
—  Tu viendras quand même ? demande Angel.
—  Bien sûr, j’ai raté l’anniversaire de Martin alors je vais faire un effort.
—  J’appellerai Clémence ce soir pour savoir si elle peut se libérer, dit Martin. Et si vous voulez, on a qu’à se retrouver mercredi après-midi chez moi pour organiser ça. J’organise un barbecue. Je vous y invite si vous voulez. J’inviterai Aurélien aussi, histoire de le mettre au courant.
—  Un barbecue ? C’est super ça ! s’écrit Angel. C’est vrai que t’habites en maison et que t’as un jardin, c’est vachement pratique !
—  En contrepartie, on doit vivre en banlieue et je passe des heures dans le RER. C’est un peu cher payé je trouve.
—  Te plains pas, c’est toujours mieux que vivre en appartement, dit Lydia. C’est pas demain la veille que je pourrai faire un barbecue chez mes parents.
—  En fait, c’est pas vraiment moi qui l’organise. Tous les mois, l’un des joueurs de mon équipe invite tous les autres et l’entraîneur chez lui, pour un repas. Comme justement on est onze joueurs, avec l’entraîneur ça fait douze et chacun invite une fois par an. Ce mois-ci ça devait être Lucas qui devait recevoir, mais ses parents font des travaux dans leur appart’. Alors je me suis proposé pour que ça ait lieu chez moi, même si c’est toujours Lucas qui organise.
—  Lucas… Je vois pas qui c’est, se dit Lydia.
—  Il est arrivé en cours d’année, en février si je me souviens bien, explique Martin. Un vrai cadeau du ciel : il nous manquait un bon deuxième meneur de jeu, et Lucas est excellent dans ce domaine !
—  Meneur de jeu ? C’est quoi ça ? » demande innocemment Angel, pour qui le sport c’est de l’hébreu.
De surprise, Martin et Lydia manquent de s’étouffer avec leur nourriture. Ils se mettent à tousser à mort et se ruent sur la carafe d’eau. Angel n’y comprend rien :
« Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Qu’est-ce que j’ai dit ? ! »

Nous nous retrouvons comme d’habitude dans ce lieu fait d’ombres filamenteuses, formant une silhouette gigantesque vaguement humanoïde. Au milieu de cette ombre, la seule source de lumière est formée par le cercle des douze Sages Noirs, et ce n’est pas le genre de lumière qui vous réchauffe le cœur. Au centre du cercle, une tornade de fumée noire se forme, et se disperse en laissant apparaître Aniva, portant sa robe noire et les yeux uniformément gris. Un des Sages Noirs prend la parole, l’obligeant à se tourner vers lui.
« Alors Aniva, vas-tu enfin nous exposer ton plan ?
—  Oui, Sages Noirs. Je voulais d’abord m’assurer de son bon fonctionnement. Le but de mon plan est de trouver derrière qui se cache Rain Bow, le démasquer, et lui voler son énergie.
—  Et comment comptes-tu faire ? demande un autre Sage Noir.
—  Nous savons déjà plusieurs choses à propos de Rain Bow, explique Aniva en se tournant vers ce Sage Noir. Nous savons qu’il s’agit d’un jeune garçon, probablement de l’âge d’aller au lycée, en seconde comme disent les humains. Cela diminue déjà énormément le champ des recherches. Nous savons aussi qu’il a un grand cœur, prêt à aider les autres, ce que le Miroir de l’Ombre reconnaît facilement. Enfin, nous savons qu’il cache sa double identité, probablement pour protéger ses amis et sa famille. Cela l’oblige à mentir souvent, au moins à chaque fois que Rain Bow apparaît quelque part. En tant que spécialiste du Mensonge, je suis capable de ressentir lorsque quelqu’un cache un lourd secret dans son cœur. Il me suffit maintenant de trouver des garçons qui correspondent à ces trois critères. Ceux-ci sont suffisamment sélectifs pour que peu de personnes y correspondent. Il me suffit donc de trouver ces personnes, de les surprendre et de les confronter au Miroir de l’Ombre. S’il s’agit bien de Rain Bow, j’obtiendrai l’énergie tant désirée par le maître Esmeros. Dans le cas contraire, j’obtiendrai tout de même une dose d’énergie, ainsi qu’un nouveau soldat pour notre armée. De plus, il est presque certain que les Combattants de l’Arc-en-Ciel interviendront, ce qui me donnera une deuxième chance de voler l’énergie de Rain Bow. Dans tous les cas, nous sommes gagnants.
—  Sauf si ton monstre est vaincu ! »
Aniva se tourne vers l’apparition aux yeux rouges, Lotarh évidemment.
« J’ai vu comment tu t’es débrouillée pour ta première attaque, dit ce dernier. Et ce n’était pas brillant. Les Combattants de l’Arc-en-Ciel n’ont eu aucune difficulté à vaincre ton monstre.
—  De quel droit me critiques-tu ainsi ? ! s’insurge Aniva. Crois-tu avoir été plus efficace que moi ? Tu as largement eu ta chance et tu l’as laissée filer, alors ne t’en prends qu’à toi-même et cesse de me critiquer à tort et à travers !
—  Tu n’es qu’une débutante ! Comment crois-tu réussir là où nous avons échoué !
—  Cela suffit ! tonne la voix explosive d’Esmeros, tandis que ses yeux gigantesques apparaissent loin au-dessus des deux spécialistes. Lotarh, tes critiques sont une nouvelle preuve de ton insubordination à l’égard d’Aniva. C’est une insubordination envers moi ! J’exige que cela s’arrête ! Je t’ai ordonné d’obéir à Aniva, et j’entends que tu répondes favorablement à cet ordre ! Je te somme aussi de taire tes critiques envers Aniva. Elles sont plutôt malvenues de ta part ! N’oublie pas quelle punition je réserve à ceux qui me désobéissent !
—  Oui, maître, dit Lotarh en s’inclinant, tremblant comme une feuille. Je vous obéirai sans discuter.
—  Bien ! Aniva, pars chercher une nouvelle victime. Et essaie de réussir cette fois. J’exige que me soit apportée l’énergie de Rain Bow, et je commence à perdre patience !
—  Ne vous inquiétez pas, dit Aniva en s’inclinant, cette fois sera la bonne. »
Une tornade noire se forme autour d’elle et elle disparaît. Lotarh tente de prendre la parole :
« Maître, êtes-vous sûr que…
—  Lotarh ! l’interrompt Esmeros, je t’ai ordonné de taire tes critiques ! Oserais-tu déjà me désobéir ? !
—  Non, maître Esmeros.
—  Alors disparais de ma vue, et tiens-toi à la disposition d’Aniva !
—  Bien, maître Esmeros. »
Il s’incline très bas, ses yeux brillent et il disparaît.
« Lotarh devient incontrôlable, pense pour elle-même l’entité qu’est le maître Esmeros. Le retour de ses souvenirs ne l’a rendu que plus méfiant, et l’obliger à collaborer avec le seul être devant qui il a jamais perdu la face, à part moi, ne fait qu’accentuer sa défiance. Il vaudrait mieux le surveiller… »
C’est à ce moment que nous quittons le maître Esmeros et les douze Sages Noirs.

Mercredi après-midi, Angel et Lydia arrivent devant la maison de Martin. Ils voient qu’il y a déjà beaucoup de monde dans le jardin.
« Tu vois, je t’avais dit qu’on serait les derniers si tu te dépêchais pas, reproche gentiment Lydia.
—  Ça va, dit Angel, le barbecue a même pas l’air commencé. »
Ils entrent directement dans le jardin et se fraient un chemin, saluant au passage les amis basketteurs de Martin. Ils retrouvent ce dernier devant le barbecue, suant à grosses gouttes pour essayer de mettre le feu au charbon de bois sans provoquer d’incendie. Il est aidé par un autre garçon pas très grand (le plus petit de l’équipe il semble, il fait à peine quelques centimètres de plus qu’Angel).
« Salut Martin, ça va ?
—  Tiens, salut Angel, salut Lydia », dit Martin en relevant la tête.
Son visage est noir de charbon, ce qui fait éclater de rire Angel.
« Qu’est-ce qu’il y a ? Ah, ça… Au lieu de rigoler, t’as qu’à essayer un peu de m’aider, on verra si tu es plus doué que moi.
—  Surtout pas, dit Lydia. Angel avec des allumettes, c’est un danger public !
—  C’est pas vrai, dit Angel, c’était un accident ! »
Martin les regarde d’un air surpris. Il se tourne vers l’autre garçon et lui dit :
« Je fais une pause, Lucas. Ça t’ennuie pas de me remplacer ?
—  Pas du tout, répond ce dernier, vas-y. »
Il prend l’alcool à brûler et les alumettes et se met au travail.
« Venez avec moi, dit Martin en se dirigeant vers la maison, je vais me passer un coup sur le visage.
—  C’est lui Lucas ? demande Lydia.
—  En effet.
—  Il a pas vraiment la taille d’un joueur de basket, non ?
—  C’est pas faux, répond Martin. Mais c’est un super meneur de jeu, et dans ce poste la taille compte moins. En fait, c’est presque un avantage de pas être trop grand.
—  Aurélien est pas là ? demande Angel en rentrant dans la maison.
—  Pas encore, dit Martin. Il m’a dit qu’il pourra pas être là avant quatre heures. D’ici là, on aura peut-être enfin réussi à faire marcher ce barbecue.
—  Tu veux que je t’aide ? propose Lydia.
—  Non merci, dit Martin qui arrive à la salle de bain. Lucas et moi on se débrouille bien. Par contre, après, j’aurai besoin de monde pour transporter la bouffe. La table est mise mais la viande est toujours dans le frigo.
—  On t’aidera, t’inquiète pas.
—  On ? se demande Angel.
—  Merci, dit Martin en s’essuyant le visage. Allez, retournons voir tout le monde, ils vont se demander ce qu’on complote.
—  Ton frère et ta sœur sont pas là ? demande Angel.
—  Non, ils sont au centre aéré, comme tous les mercredis après-midi. Ça m’arrange, j’avais vraiment pas envie de m’occuper de ces deux petits monstres aujourd’hui. »
Ils resortent et reviennent au barbecue. De grandes flammes s’en dégagent.
« Ah Martin, te voilà, dit Lucas. Ça y est, le feu a pris et j’ai rajouté du charbon. Maintenant y’a plus qu’à attendre et à surveiller.
—  Je m’en occupe, dit Martin. Va te reposer un peu. Tiens, Angel, Lydia, allez à la table vous servir un verre.
—  Bonne idée ! » s’écrie Angel qui se rue sur la table, laissant les trois autres personnes complètement bouche bée.

La fête bat son plein. Martin, Angel et Lydia discutent de la surprise qu’ils préparent à Alexandra.
« Clémence va venir aussi samedi, dit Martin. Il faut que je la rappelle ce soir pour lui expliquer ce qu’on a décidé.
—  Je pense que le mieux ce serait de l’attendre chez elle samedi après-midi pour lui faire la surprise quand elle rentrera. Il suffit de s’organiser avec sa mère, dit Angel.
—  C’est classique mais c’est pas mal, dit Lydia. Vous avez pensé aux cadeaux ?
—  J’ai pensé qu’on pourrait tous se mettre ensemble pour lui offrir quelque chose qui lui ferait vraiment plaisir, dit Martin. J’sais pas trop quoi par contre.
—  Faudra demander à Clémence, c’est elle la forte en idée du groupe, estime Angel. Au fait, on pourrait aussi inviter le frère d’Alex, non ?
—  Bien sûr ! dit Martin, je pense qu’il raterait ça pour rien au monde. Sauf qu’on le connaît pas.
—  T’as qu’à appeler la mère d’Alexandra, dit Lydia. Elle s’en occupera.
—  Qu’est-ce que vous complotez tous les trois ? demande Lucas, qui arrive comme un cheveu sur la soupe.
—  On prépare une surprise pour une copine, explique Angel. C’est son anniversaire samedi.
—  C’est super ça ! Elle a de la chance d’avoir des copains comme vous. »
Il ajoute, en murmurant si doucement que seul Martin l’entend :
« C’est pas à moi que ça arriverait ça…
—  Martin nous a dit que ton appart’ est en travaux, et que c’est pour ça que t’organises la fête ici, dit Lydia.
—  ... C’est ça oui, réplique Lucas après un moment d’hésitation.
—  Tu pouvais pas simplement organiser le repas un autre jour ? demande innocemment Angel.
—  Euh… Non… balbutie-t-il. Mes parents font vraiment de gros travaux, ça va durer un moment. »
Il ajoute, avec une véhémence que Martin trouve louche :
« Et puis, c’est bien plus agréable dehors au soleil ! Bon, je reviens tout de suite. »
Lucas les laisse là, tandis que Martin et Lydia font une moue suspicieuse.
« Il est bizarre, dit Martin. Chaque fois qu’on parle de son appartement ou de ses parents, il hésite et cherche ses mots. Ils sont même jamais venus le voir aux matches.
—  J’ai remarqué ça aussi, dit Lydia. On dirait qu’il cache quelque chose.
—  Vous trouvez ? demande Angel qui n’est pas psychologue pour deux sous. Moi j’ai rien remarqué. »
Affaissement d’épaules des deux côtés.
« Évidemment, toi, pour te faire remarquer quelque chose, il faut vraiment s’y prendre à l’avance ! » critique Martin.
Angel hausse les épaules en faisant la moue.

Lucas s’est isolé dans un coin du jardin. Il s’appuie sur un arbre, le front contre l’avant-bras. Il respire bruyamment.
« ... Ça peut pas continuer comme ça, se dit-il. Je peux pas continuer à leur mentir…
—  À ce que j’entends, je ne me suis pas trompée de cible ! »
Lucas se retourne et se retrouve face à face avec une femme portant des lunettes noires et un ensemble noir moulant.
« Que… quoi ? ! balbutie-t-il.
—  Je sens en toi un grand mensonge qui empoisonne ton existence. Et pourtant tu as un grand cœur. Et tu as le bon âge. Tu es Rain Bow !
—  Hein ? !
—  De toute façon, c’est très facile à vérifier. Il suffit que tu te regardes dans le Miroir de l’Ombre ! »
À ces mots, Aniva sort le Miroir et Lucas y plonge le regard. Un cercle se forme à ses pieds, tandis que son énergie est absorbée sous la forme d’une vapeur blanche.
« Finalement tu n’es pas Rain Bow, dit Aniva en faisant la moue. Ce n’est pas grave, tu m’as quand même donné pas mal d’énergie.
—  Qu’est-ce qui se passe ici ? ! »
Aniva tourne la tête. C’est l’un des joueurs de basket qui a crié ainsi. Le cri a ameuté tout le monde, et Aniva se retrouve face à plus d’une dizaine de personnes. Angel et Martin se regardent d’un air entendu et commencent à reculer, lentement pour ne pas alerter les autres.
« Pfff… je suppose que vous êtes ses amis, dit Aniva d’un air dégoûté. Voulez-vous savoir ce que ce garçon cachait dans son cœur ? Maintenant que j’ai pris son énergie, j’y lis comme dans un livre ouvert. Il vous a menti en vous disant qu’il ne pouvait pas organiser cette petite fête chez lui parce que ses parents faisaient des travaux. Il ne voulait pas que vous veniez chez lui car vous auriez alors découvert qu’il vivait avec son père… et le petit ami de ce dernier ! »
C’est le choc et la consternation parmi les joueurs. Martin en reste bouche bée, et c’est Angel qui doit le tirer dans un coin du jardin. Une fois hors de vue, Martin se met à grogner :
« C’était ça alors ! Il nous a menti !
—  Attends un peu avant de le juger comme ça, dit Angel. Essaie d’abord de comprendre sa situation. Ça doit pas être facile pour lui, et vous avez pas forcément aidé les choses. »
Martin est surpris par la maturité de ce discours. Décidément, Angel l’étonnera toujours.
« En attendant, il faut intervenir », continue Angel.
Comme pour appuyer ses dires, des cris se font entendre de l’autre côté de la maison.
« Tu as raison, dit Martin qui se reprend. Amulette Rouge, métamorphose !
—  Amulette Arc-en-Ciel, métamorphose ! »
Une fois transformés, ils retournent vers leurs amis. Ils sont surpris de les voir tous à terre, Lydia y compris. Aniva a enlevé ses lunettes et remis sa robe noire, et à la place de Lucas se tient un monstre qui mesure au moins 2 mètres 50. Il est longiligne, presque squelettique, chauve, a la peau bleue et des oreilles pointues, et est vêtu d’un short et d’un maillot de basket.
« Ça suffit !
—  Qui est-ce que c’est maintenant ? ! crie Aniva.
—  Aniva, tu es notre amie, et nous ferons tout pour te sauver. Mais tant que ce démon te contrôlera, nous serons sur ton chemin pour t’empêcher de faire du mal. Prends garde ! Car je suis le messager de l’espoir, Rain Bow !
—  Et moi Red Bow, le guerrier de l’espoir !
—  Combattants de l’Arc-en-Ciel, ricane Aniva. Je suis contente de vous voir. J’avais peur d’avoir fait tout ce travail pour rien. Baskettrex, voici tes adversaires. À toi de gagner la partie ! »
Le monstre se tourne vers les Combattants et les regarde d’un air mauvais. Rain Bow recule un peu, mais Red Bow reste stoïque. Baskettrex met les mains devant lui, fait apparaître une boule d’énergie de la taille d’un ballon de basket, puis la lance sur ses adversaires. Ils l’évitent sans problème, Red Bow avec plus d’élégance que Rain Bow, comme d’habitude.
« Le coup du monstre basketteur, on nous l’a déjà fait ! reproche Martin. J’aime pas qu’on me serve du réchauffé ! Boule de Feu ! »
Il lance sa boule de feu sur la créature qui réplique avec un de ses ballons d’énergie. Les deux boules se rencontrent et explosent, créant une onde de choc qui les fait tomber tous les deux. Profitant de ce répit, Rain Bow s’adresse à Aniva :
« Aniva, pourquoi tu fais ça ? Rappelle-toi, t’es notre amie ! Tu m’as donné mes pouvoirs, t’as même risqué ta vie pour me sauver ! Me dis pas que t’as oublié ? ! »
Aniva se tourne vers lui, le regard lointain. Mais après un moment de flottement, elle explose :
« Qui es-tu pour me parler ainsi ? ! Je ne te connais pas ! Tu es mon ennemi, celui à qui je dois prendre l’énergie pour la donner au maître Esmeros ! Tes mensonges ne m’atteindront pas ! Baskettrex ! donne-lui une bonne leçon ! »
Baskettrex se relève et lance une rafale de ballons d’énergie sur Rain Bow, qui les évite tant bien que mal. Red Bow essaie de se relever pour l’aider. Soudain, un ballon plus rapide que les autres frappe Angel qui tombe à la renverse.
« Parfait, jubile Aniva en se rapprochant. Je vais maintenant pouvoir prendre ton énergie. Je savais bien que ce ne serait pas difficile.
—  Action Lumineuse ! »
Une boule de lumière explose, aveuglant Baskettrex et Aniva. Cette dernière recouvre rapidement la vue et découvre Yellow Bow qui la toise depuis la barrière du jardin.
« Je suis Yellow Bow, la lumière de l’espoir, et je n’aime pas qu’on s’attaque ainsi à mes amis. Alors va-t’en, ou prépare-toi à affronter mon courroux !
—  Yellow Bow, enfin ! soupire Red Bow.
—  Il est 4 heures, se justifie ce dernier, j’suis pas en retard pour une fois. Rain Bow, à toi de jouer, il est encore sonné.
—  Okay ! réplique Rain Bow en se relevant. Toile Arc-en-Ciel, action ! »
La toile paralyse le monstre, et les boules d’énergie libèrent Lucas de l’emprise du Miroir de l’Ombre.
« Je suis liiiiiiiibre ! »
Aniva ne peut que constater sa défaite.
« Vous êtes forts, dit-elle, je l’admets. Mais je suis loin d’avoir dit mon dernier mot. La prochaine fois, je vous aurai ! »
Une tornade de fumée noire apparaît autour d’Aniva et elle disparaît. Yellow Bow rejoint ses amis.
« C’est difficile de se battre contre elle, dit-il.
—  Elle a eu un instant d’hésitation quand je lui ai parlé, dit Rain Bow, j’en suis sûr !
—  T’es sûr que tu l’as pas imaginé ? demande Red Bow. C’est normal qu’on souhaite la sauver, mais ça sera pas si facile… »
Les gens à terre commencent à remuer.
« Oh ! Pas le temps de discuter maintenant, dit Martin. Allons nous changer chez moi. »
Et ils courent se réfugier dans la maison de Martin.

La fête a repris son cours, mais l’atmosphère est lourde. Il n’y a ni conversation bruyante ni éclat de rire, et même Angel et Aurélien ont un air sérieux. De plus, Lucas et Martin sont absents. Nous les retrouvont dans la chambre de ce dernier. Lucas est assis, la tête entre les mains, tandis que Martin fait les cent pas.
« J’te comprends pas, reproche Martin. Pourquoi tu nous as menti ?
—  J’aimerais bien t’y voir, répond Lucas au bord des larmes. Qu’est-ce que t’aurais fait à ma place ? J’arrive dans un nouveau lycée et dans une nouvelle équipe en cours d’année, j’connais personne, et il aurait fallu que j’explique tout, que je justifie tout…
—  Que t’expliques quoi ? demande Martin.
—  Tu sais bien, tu connais la situation maintenant…
—  Et alors ? ! Ton père est homo et il vit avec son ami, c’est ça ?
—  Oui…
—  Et il est heureux ? !
—  Oui…
—  Et toi t’as honte de lui ?
—  Mais non !
—  Alors pourquoi tu te comportes comme si t’avais honte ? !
—  J’avais peur de votre réaction ! Et si vous m’aviez rejeté...
—  C’est qu’on aurait pas été dignes de ton amitié ! On t’a peut-être pas aidé, je sais bien que dans les douches les blagues volent bas, et je comprends qu’on a pu te blesser. Mais c’est pas une raison pour mentir, au contraire ! Tu devrais être fier de ton père et de son courage, et lui montrer que t’en as aussi ! On est pas les derniers à qui tu vas avoir affaire, et c’est pas la dernière fois que tu vas devoir assumer le fait que ton père est gay. Mais il faudra bien le faire, ou tu vas couper ta famille du reste de ta vie. C’est ça qu’tu veux ? !
—  Non !
—  Alors assume ! Montre que tu es fier de ton père et que tu t’en fous de ce que les autres pensent ! Il y en aura toujours des cons qui utiliseront ça pour te rendre la vie difficile, mais si c’était pas ça ils auraient trouvé quelque chose d’autre !
—  Qu’est-ce que je dois faire alors ?
—  Invite ton père et son copain à assister aux matches. Et en attendant, retourne avec moi à la fête que tu as organisée », dit Martin, souriant et lui tendant la main.
En voyant ce sourire, Lucas est étonné.
« Tu m’en veux pas ?
—  Bien sûr que non. Personne t’en veut. L’erreur est humaine. Tu fais partie de notre équipe quoi qu’il arrive, et on va pas te jeter comme ça. Tu es notre ami… »
À ces mots, les larmes de Lucas deviennent des larmes de joie. Il se lève et serre la main de Martin. Il se dirigent vers la porte d’entrée et, après une lègère hésitation de Lucas, sortent dans le jardin. Là, tout le monde les regarde. Il y a d’abord un instant de silence, puis l’un des joueurs de l’équipe s’approche de Lucas en souriant et lui dit :
« Enfin là. On a besoin de ton aide, on a un problème de tactique… »
Les conversations reprennent comme avant l’intervention d’Aniva. Enfin, presque comme avant, car maintenant, Lucas se sent véritablement inclus dans le groupe. Le mensonge qui empoisonnait ses relations avec les autres disparu, il peut enfin leur montrer qui il est vraiment, et être accepté par ses amis pour ce qu’il est réellement.