Friday 15 July 2011

Kibou Niji Rengou Rainbow Fighters. Épisode 21 : entre la Haine et le Cauchemar

Dans le Q.G., c’est la panique. Aniva, atterrée, regarde Niko qui tente de reprendre contact avec les Combattants. Évidemment, il n’y parvient pas :
«  Rain Bow ! Red Bow ! Green Bow ! Blue Bow ! Yellow Bow ! ... Rien à faire, le signal ne peut pas les atteindre.
— Sais-tu au moins où ils se trouvent ? demande Aniva d’une voix tremblante.
— Oui, dit Niko, je peux détecter leurs énergies. Ils sont dans un entrepôt désaffecté en banlieue parisienne. Ils sont assez loin les uns des autres, ajoute-t-il en regardant son écran, où l’on voit cinq points lumineux clignoter sur une carte de l’entrepôt. Mais je n’arrive pas à les contacter ni à les retransposer. Il doit y avoir une espèce de champ de forces au-dessus de ce bâtiment qui bloque les ondes. Nous ne pouvons qu’être spectateurs… »
Aniva semble encore plus désolée devant ce constat d’échec. Elle joint les mains en un geste de prière et dit :
«  Combattants de l’Arc-en-Ciel, vous êtes seuls dans cette bataille. Je vous en prie, ne perdez pas espoir ! Ce n’est qu’ainsi que vous vaincrez Lotarh ! »

Dans un endroit sombre et délabré, Red Bow est allongé à même le sol, évanoui. Il se réveille, et après un moment de flottement il se rappelle le message de Lotarh et se relève subitement. C’est alors qu’il se rend compte qu’il est tout seul.
«  Rain Bow ? ! Les amis ? ! » crie-t-il.
Il attend un instant, mais seul l’écho lui répond.
«  Mais qu’est-ce qui s’est passé ? se demande-t-il en se massant les tempes. On s’est transposés ensemble, on aurait dû réapparaître ensemble, et certainement pas évanouis… Qu’est-ce que Lotarh a encore fait ? ! Eh oh ! Les amis ! Vous êtes là ? ! »
Peine perdue. Là encore, seul l’écho lui répond. Red Bow regarde autour de lui. Il est dans un grand couloir au murs de béton, haut de plafond et à moitié délabré.
«  Hum… Il se pourrait bien que les autres soient encore évanouis, quelque part dans ce bâtiment… En espérant qu’ils sont dans le même bâtiment que moi. En tout cas, ça sert à rien de rester ici à attendre, autant que j’aille les chercher tout de suite. »
Il commence à marcher en regardant autour de lui quand il voit quelque chose bouger dans la pénombre. Il s’arrête et se rend compte que c’est une silhouette humaine qui s’approche de lui. Son sang ne fait qu’un tour quand il reconnaît Lotarh ! Ce dernier s’avance vers lui en souriant de toutes ses dents.
«  Lotarh ! Qu’est-ce que tu fais là ? ! Et qu’est-ce que t’as fait de mes amis ? ! » s’écrie-t-il.
Pour toute réponse, Lotarh se met à rire, ce qui rend Red Bow rouge de colère.
«  Arrête de rire comme ça ! Et réponds-moi quand j’te parle ! »
Mais Red Bow s’époumone pour rien, cela ne fait qu’empirer les choses et Lotarh rit de plus belle. C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase pour Red Bow, qui devient si rouge qu’on croirait qu’il va éclater.
«  Tu te crois malin hein ? ! Tu te crois si important que tu peux faire tourner les gens en bourrique comme ça ? ! Tu m’ignores peut-être mais je crois pas que tu puisses ignorer ça ! Boule de Feu ! »
Contre toute attente, Lotarh ne réagit pas. Il ne bouge pas, il n’arrête même pas de rire, et quand la boule de feu l’atteint, elle le traverse sans dommage et s’écrase sur le mur du fond !
«  Quoi ? ! » s’écrie Red Bow qui n’en croit pas ses yeux.
Lotarh continue à rire et s’immobilise à deux mètres environ en face de Red Bow. À ce moment, ce dernier entend un deuxième rire, identique au premier mais en légère dissonance, et venant cette fois de derrière lui. Il se retourne et voit Lotarh s’avancer vers lui en riant ! Il se retourne de nouveau mais le premier Lotarh n’a pas bougé ! Deux Lotarh sont maintenant en train de lui rire au nez !
«  Alors c’était ça ! dit Red Bow en s’adressant au deuxième Lotarh. Tu as voulu me berner avec une illusion ! Mais ça marchera pas avec moi ! Boule de Feu ! »
Mais la boule de feu traverse le deuxième Lotarh comme elle a traversé le premier. Ce deuxième Lotarh s’immobilise aussi à deux mètres de Red Bow. Ce dernier entend maintenant un troisième rire, identique et pourtant dissonant, puis un quatrième, un cinquième, tandis que des Lotarh surgissent de partout. Finalement, Martin se retrouve entouré d’une dizaine de Lotarh riant à gorge déployée, dans une cacophonie qui est en train de le rendre fou. Il se met les mains aux oreilles pour ne plus entendre cette torture sonore, mais celle-ci est trop forte.
«  Arrêtez ! hurle-t-il. Arrête Lotarh ! »
Mais les rires continuent, et Red Bow les supporte de moins en moins. Il a maintenant un genou à terre et commence à perdre son sens de l’équilibre.
«  Tu… Tu vas me le payer Lotarh… Je vais te montrer de quoi je suis capable quand je suis hors de moi… Boule de Feu ! »
Il envoie une boule de feu qui tournoie autour de lui et frappe les doubles de Lotarh les uns après les autres. Cette fois-ci, les illusions disparaissent quand elles sont frappées par la boule de feu, mais la puissance de sa colère est telle que la boule s’enfle démesurément. Avant qu’il ait pu faire quoi que ce soit, elle frappe Red Bow lui-même qui hurle de douleur et de surprise. Quand le feu disparaît, Red Bow est à terre, légèrement brûlé et incapable de se relever. Au-dessus de lui apparaissent deux yeux rouges, puis Lotarh (le vrai cette fois) qui regarde Martin avec un air de dédain.
«  Pauvre idiot ! dit-il à Red Bow qui le regarde avec des yeux remplis de douleur. Ne sais-tu pas que la haine et la colère sont sœurs ? Comment espérais-tu donc vaincre l’une avec l’autre ? ! Il a été si facile de retourner ton pouvoir contre toi-même… Je n’ai quasiment eu aucun effort à faire. C’est une récolte facile cette fois ! »
Lotarh tend son Miroir de l’Ombre vers Red Bow, qui n’a ni le temps ni la force de détourner les yeux de son reflet. Il perd son énergie, absorbée par le Miroir sous la forme d’une fumée rouge. Il finit par perdre conscience, et quelques secondes plus tard le flux d’énergie disparaît.
«  Et voilà ! triomphe Lotarh. Aux autres à présent ! »
Et la scène disparaît en fondu au noir.

Dans le Q.G., l’atmosphère est tendue, au point que Niko sursaute quand l’un des points clignotants sur son écran, le point rouge, disparaît brusquement.
«  Qu’est-ce qui se passe ? demande Aniva, inquiète.
— J’ai… J’ai perdu le contact avec Martin ! s’écrie Niko. Sa signature énergétique a disparu !
— Non ! Ce n’est pas possible !
— Martin… dit Niko en tapant fébrilement sur le clavier d’ordinateur. Ça y est ! Son énergie n’a pas disparu, mais elle a énormément baissé. Elle est à son niveau minimal. S’il ne reçoit pas d’aide rapidement, Martin va… »
Mais Niko n’est pas capable de terminer sa phrase. Il n’en a d’ailleurs pas besoin : Aniva a bien compris le message.

Dans un autre couloir de l’entrepôt, lui aussi encombré de gravats, Green Bow est étendue à terre, sans connaissance. Mais son corps frémit : elle se réveille. Lentement, elle s’accroupit et met une main à la tête.
«  Ouh la la ! J’ai mal à la tête… »
Elle passe la main dans les cheveux mais s’arrête soudain, comme troublée par quelque chose. Elle regarde sa main pendant un moment.
«  Mais… J’ai de la poussière dans les cheveux ! »
Elle commence à ébouriffer ses cheveux comme elle peut, levant un véritable nuage de poussière qui la fait tousser. Finalement, elle se calme et le nuage retombe. Elle se lève et ses cheveux se remettent en place, pas du tout décoiffés par le traitement qu’Alexandra leur a fait subir. Ce n’est que maintenant qu’elle regarde autour d’elle, et qu’elle remarque qu’elle est toute seule dans un couloir de béton à moitié délabré. Elle époussette son costume en marmonnant :
«  Qu’est-ce qui se passe ici ? Où est-ce qu’ils sont tous passés ? »
Elle met les mains en porte-voix et crie :
«  Hé ! Vous êtes où les amis ? ! »
Bien entendu, la seule chose qu’elle entend est sa propre voix, qui s’atténue rapidement.
«  Qu’est-ce qui s’est passé ? se demande-t-elle en se grattant la tête avec l’index. Comment ça se fait que je sois pas avec les autres ? »
Elle finit par hausser les épaules et soupirer.
«  Pfff… J’y comprends rien. Mais bon, c’est pas en restant sur place que ça va aider. Autant aller voir si je peux les retrouver. »
Elle commence à marcher, mais s’arrête, se retourne, commence à marcher dans l’autre sens, s’arrête de nouveau et reporte la main à la tête.
«  Dans quel sens je vais aller moi ? Comment je peux savoir où ils sont tous ? Oh la la ! Je sais plus quoi faire moi ! C’est à Clémence qu’il faut laisser les trucs compliqués, pas à moi… Bon, tant pis, on y va au hasard. »
Cette fois, elle part résolument dans la direction en face d’elle. Enfin, résolument, c’est beaucoup dire, car elle s’arrête de nouveau après une dizaine de pas.
«  Et s’ils étaient dans l’autre sens ? se demande-t-elle. Ça serait vraiment bête de m’éloigner d’eux sans le savoir. Mais ils peuvent très bien être dans la bonne direction aussi, et si je vais dans l’autre sens, je m’éloignerai d’eux quand même. Qu’est-ce que je fais alors ? »
Plongée dans ses pensées, Green Bow ne remarque pas l’ombre qui la recouvre petit à petit. Elle lève subitement les yeux et sursaute en voyant Lotarh à quelques centimètres. Elle recule rapidement, mais Lotarh ne fait même pas signe de l’en empêcher.
«  Et alors ? ! fait-il d’un ton impatient. Qu’est-ce que tu attendais pour bouger ? ! J’avais préparé un superbe piège pour te voler ton énergie, mais au lieu de courir partout pour chercher tes amis et accessoirement tomber dans mon piège, tu restes là à faire les cents pas ! C’est pas agréable quand on sait le mal que je me suis donné ! »
Green Bow ne comprend pas vraiment de quoi Lotarh lui parle, mais elle se ressaisit et dit :
«  Bon, je sais pas trop de quoi tu parles, mais est-ce que tu croyais vraiment que j’allais courir partout sans me demander d’abord si j’allais dans la bonne direction ou non ? Je savais pas par où commencer !
— Pfff… Tellement frivole qu’elle est incapable de prendre une décision…
— Non mais… ! s’écrie Green Bow qui voit rouge. C’est pas une manière de parler à une fille !
— Quelle idiote ! Tu ne vaux pas la peine que je me décarcasse pour toi ! Je vais te prendre ton énergie vite fait bien fait et on n’en parlera plus !
— Ah ça, c’est ce qu’on va voir ! Barrière de Vent ! »
Le vent qu’elle crée lève toute la poussière répandue sur le sol de ce couloir. Cette poussière cache la vue de Green Bow et la fait tousser. Quand elle s’arrête, elle s’aperçoit avec horreur que Lotarh est juste devant elle. Avant d’avoir pu réagir, elle plonge son regard dans le Miroir de l’Ombre, qui absorbe son énergie sous la forme d’une fumée verte. Quand l’absorption est finie, Lotarh regarde le corps inanimé de Green Bow avec un air de mépris.
«  Quand je pense que c’est ça qui est censé protéger la race humaine de la puissante Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir… Quelle rigolade ! Allez, au suivant ! »
Et Lotarh disparaît, laissant une Green Bow bien mal en point.

Sur son écran, Niko voit le point vert s’éteindre.
«  Oh non ! Alex !
— Niko ! Est-ce que… ? ! peine à demander Aniva.
— Oui, comme pour Martin, son niveau énergétique est minimum. Deux de nos Combattants sont hors service, cela devient inquiétant. Et ce champ de forces qui ne veut pas céder…
— Combattants, je vous en prie ! Restez sur vos gardes, ne vous laissez pas avoir par les perfides tours de Lotarh ! »

Nous nous retrouvons de nouveau dans l’entrepôt désaffecté où, ignorant du sort de ses deux camarades, Yellow Bow se réveille lentement. Il regarde autour de lui d’un air distrait quand il écarquille les yeux.
«  Mais… où est-ce que je suis ? ! »
Il se relève précipitamment, puis se tourne de tous côtés et porte ses mains à la bouche en porte-voix :
«  Hé ! Où est-ce que vous êtes ? ! Clémence ! Où est-ce que vous êtes tous passés ? ! »
Ne recevant aucune réponse, il choisit une direction au hasard et court dans les couloirs de l’entrepôt en appelant ses amis.
«  Rain Bow ! Green Bow ! Où est-ce que vous êtes ? Red Bow ! Blue Bow ! Pourquoi je suis tout seul comme ça ? »
Il voit quelque chose en face de lui. Il accélère et son sourire s’agrandit au fur et à mesure qu’il se rapproche : les quatre Combattants de l’Arc-en-Ciel sont là, le regardant arriver. Mais Aurélien est si heureux de les avoir retrouvés qu’il ne remarque pas une chose : ce sont les visages fermés et durs de ses amis, au regard plein de mépris. Il finit par arriver à leur hauteur et s’arrête de courir en essayant de reprendre son souffle.
«  Ouf… Ouf… Les amis… je me suis… retrouvé tout seul… Je savais pas… ce qui se passait… Mais j’vous ai retrouvé... c’est le principal. »
Il se tait, remarquant le silence des autres. Il les regarde tous d’un air interrogateur, et remarque soudain l’expression de leur visage.
«  Qu’est-ce qui se passe les amis ? Il y a un problème ? Qu’est-ce qui s’est passé pendant que j’étais pas là ?
— ...bécile…
— Hein ? fait Yellow Bow en se tournant vers Blue Bow, de qui semble venir cette parole.
— Imbécile ! Tu es vraiment nul ! lâche cette dernière.
— Pourquoi tu me dis ça ? Qu’est-ce que j’ai fait de mal ?
— Tout ce que tu fais, tu le fais mal ! s’écrie à son tour Red Bow.
— Tu es un vrai boulet dans notre équipe ! ajoute Green Bow.
— Mais… Qu’est-ce qui vous prend ? demande Aurélien à qui les larmes montent aux yeux.
— Ils ont raison ! lance Rain Bow d’un ton décapant. Tu n’as rien à faire avec nous ! Tu es incapable de te battre correctement ! Tu ne fais que suivre Blue Bow comme un petit chien ! C’est pathétique !
— Rain Bow… sanglote Yellow Bow. C’est pas vrai, vous me faites une mauvaise blague…
— Non, nous avons simplement décidé que nous travaillerons mieux sans toi ! conclut Red Bow. À partir de maintenant, considère-toi comme exclu des Combattants de l’Arc-en-Ciel !
— Allez, venez ! On n’a pas de temps à perdre avec lui ! » dit Blue Bow aux autres Combattants.
Yellow Bow tombe à genoux par terre, et regarde impuissant les autres Combattants se détourner de lui et partir. Ils disparaissent rapidement dans la pénombre de l’entrepôt. Le dernier regard que lui a lancé Blue Bow était si froid qu’il s’est effondré en larmes.
«  Me laissez pas… tout seul… articule-t-il entre deux sanglots. Sans vous je suis rien… Me laissez pas tomber… Faites pas comme mes parents… »
De la pénombre où ont disparu les Combattants, une silhouette apparaît et s’approche lentement, tandis que Yellow Bow pleure toutes les larmes de son corps. Cette silhouette, on le voit au fur et à mesure qu’il s’approche, c’est bien entendu Lotarh, dont le sourire exprime une joie non dissimulée.
«  Pauvre Yellow Bow. Tes soi-disant amis t’ont abandonné. À quoi bon continuer cette vie, si personne ne fait attention à toi… ? »
Aurélien lève la tête vers Lotarh. Il est incapable de dire quoi que ce soit.
«  Je vois ta peine, continue Lotarh, je vois ta solitude. Je vais adoucir tes souffrances. Regarde-toi simplement dans ce miroir, vois la seule personne qui s’est jamais intéressé à toi : toi-même. Échappe donc à cette solitude qui te pèse. »
Complètement désespéré, Yellow Bow obéit à Lotarh et plonge son regard dans le Miroir de l’Ombre, qui absorbe son énergie sous la forme d’une fumée jaune. Il s’effondre aux pieds de Lotarh dont le sourire se mue en ricanement, puis en rire diabolique.
«  Ha ha ha ha ha ha ha ha ha ha ! Pauvre Yellow Bow au cœur si transparent ! Tu accordes tellement d’attention à ce que les gens pensent de toi que ton esprit est un livre ouvert pour qui a un peu de psychologie ! Il était facile de trouver le défaut de ton esprit enfantin, tu es tombé à pieds joints dans le piège de mon illusion ! Ha ha ha ha ha ha ha ha ha ! »
Et nous laissons Lotarh rire à sa victoire par un fondu en noir.

Nous repassons par le Q.G., où le cœur de Niko fait un bond quand il voit le point clignotant jaune disparaître de son écran.
«  Aurélien ! Oh non ! Il a eu Aurélien ! »
Cette fois-ci, ce sont des larmes qui coulent sur les joues d’Aniva. Elle secoue la tête, comme pour nier ce qu’elle voit se passer, et son visage prend une autre expression. Elle a maintenant un air décidé. Elle commence à se tourner quand un cri de Niko l’arrête dans son mouvement.
«  Ça y est ! J’ai trouvé un défaut dans le champs de forces de Lotarh. En recalibrant les capteurs pour une nouvelle modulation des ondes, je devrais pouvoir traverser cette barrière ! Dans quelques minutes, on pourra voir ce qui se passe là-bas comme si on y était, et peut-être que je pourrai faire fonctionner le transposeur.
— Alors fais vite ! dit Aniva. Ils ont besoin de notre aide, de toute urgence ! »

«  Où est-ce que je suis ? se demande Rain Bow. Qu’est-ce que j’fais là ? »
Angel vient de se réveiller. Il fait sombre. Les murs sont en béton sale, et fissurés de partout. Des blocs de béton jonchent le sol, comme si ce bâtiment venait de subir un tremblement de terre. Angel se fraie un chemin parmi les débris, essayant de voir quelque chose. Mais il fait trop sombre, et il n’y a pas de fenêtres. Il se souvient subitement du message de Lotarh, de la transposition, et se rend compte que quelque chose a dû arriver pour qu’il se retrouve seul.
«  Y’a quelqu’un ? ! Les amis, vous êtes là ? ! »
Seul l’écho lui répond. Rain Bow sent une sorte d’angoisse l’envahir. Cette situation lui rappelle quelque chose, mais c’est trop imprécis pour qu’il sache quoi. Il commence à marcher un peu plus vite. Il ne sait pas où il va, mais il sent qu’il y a quelque chose là-bas. Il sent aussi qu’il ne devrait pas y aller, son angoisse ne fait qu’augmenter, mais il ne peut s’empêcher d’avancer. Soudain, il sent son pied toucher quelque chose de liquide. Il marche dans une flaque d’eau. D’eau ? Le liquide paraît bien sombre. C’est alors que son cauchemar récurrent lui revient en mémoire.
«  Qu’est-ce qui se passe ? C’est pas vrai ? » murmure-t-il, comme s’il avait peur des mots qu’il prononce.
Angel se baisse et touche la flaque du bout des doigts. Il les rapproche de son visage. Cette couleur, cette odeur… C’est du sang ! Il se met à courir dans cette mare, cette mare de sang qui s’étend dans tout le bâtiment, cette mare de sang identique à celle de son rêve. Et il ne veut pas continuer, car il sait ce qu’il va voir. Mais il ne peut s’empêcher de courir, jusqu’à ce qu’un unique rayon de lumière lui dévoile un spectacle qui le glace d’horreur, un spectacle qu’il s’attendait à voir mais auquel il n’ose pas croire.
«  Non… non… c’est pas possible… »
Devant lui sont étendus les corps sans vie des Combattants de l’Arc-en-Ciel, baignant dans cette mare de sang, cette mare de cauchemar, cette mare dont ils sont l’origine ! Étendus sur le dos, chacun a un gros trou dans le ventre. Ils ont tous les yeux ouverts mais vitreux, et le visage immobilisé sur une expression de frayeur.
«  Ma… Martin ! s’écrie Angel qui ne peut s’empêcher de répéter son propre cauchemar. Alex ! Clémence ! Aurélien ! C’est pas possible ? ! C’est pas vrai ? ! C’est encore un cauchemar ! »
Malheureusement, il ne se réveille pas. Il reste devant les corps sans vie de ses amis, tombe à genoux dans la mare de sang, les larmes coulant sur les joues.
«  C’est ma faute… sanglote-t-il. Je l’avais déjà rêvé... J’aurais pas dû les entraîner dans cette histoire… Ils sont morts à cause de moi… »
On entend des pas dans la mare de sang. Bientôt, Lotarh arrive devant Rain Bow.
«  Oui, Rain Bow, c’est bien ça, dit ce dernier. C’est toi le coupable, c’est toi le responsable. Tu n’as fait que leur causer des problèmes, et maintenant tu as causé leur mort. Crois-tu encore avoir le droit de vivre après une telle faute ? »
Rain Bow relève la tête vers Lotarh.
«  T’as gagné, Lotarh… Tue-moi maintenant, laisse-moi au moins les rejoindre… De toute façon, je suis impuissant sans eux…
— Tu vas mourir, ne t’inquiète pas, acquiesce Lotarh. Mais avant, tu vas me donner ton énergie.
— Tout ce que tu voudras, dit Angel entre deux sanglots. Mais fais vite, s’il te plaît.
— Ce sera très rapide, je te l’assure, dit Lotarh en sortant son Miroir de l’Ombre.
— Ruisseau Scintillant ! »
Un puissant jet d’eau frappe la main de Lotarh qui lâche le Miroir de l’Ombre.
«  Quoi ? ! Qui a fait ça ? ! »
Au fond du couloir apparaît une silhouette féminine, une silhouette à la chevelure courte et bleue.
«  Tu as multiplié les actes répréhensibles : enlèvements, torture psychologique, torture physique. Ta monstruosité mérite une punition exemplaire. Je suis Blue Bow, l’arbitre de l’espoir, alors prépare-toi à subir ton châtiment !
— Blue Bow… murmure Rain Bow sans comprendre. Blue Bow ? ! »
Il voit le corps sans vie de Blue Bow, mais aussi sa version debout, bien vivante et en colère.
«  Blue Bow ? ! répète-t-il. Mais… Tu es vivante ? ! Mais alors… »
Ceci rompt le charme : l’illusion de Lotarh disparaît. Les corps sans vie, la mare de sang, tout s’évanouit. Il ne reste plus que le sol normal et couvert de poussière de l’entrepôt.
«  Blue Bow, petite peste ! s’écrie Lotarh. Comment as-tu fait pour arriver jusqu’ici ? ! Je m’étais pourtant assuré que tu ne pourrais pas rejoindre les autres Combattants !
— Tu as compté sans l’intelligence humaine, aidée de petits gadgets technologiques, réplique Blue Bow en souriant et en montrant son petit ordinateur. Grâce à ça, j’ai pu te suivre à la trace et éviter que tu accomplisses ton plan. Car ton plan était bien de nous séparer, pour nous attaquer l’un après l’autre et nous voler notre énergie, c’est bien ça ?
— Tu es futée, concède Lotarh. Mais pas très efficace : j’ai déjà pris l’énergie de trois Combattants. Regarde ! »
Les yeux de Lotarh brillent un court instant, et Red Bow, Green Bow et Yellow Bow apparaissent dans le couloir, inconscients, ficelés par des cordes noires par lesquelles ils pendent au plafond.
«  Les amis ! » crie Rain Bow.
Il tente de se relever pour courir vers eux, mais il est frappé par Lotarh et retombe par terre.
«  Aïe ! fait-il en tombant. Lotarh, est-ce qu’ils sont vivants au moins ?
— Vivants ? Bien sûr, répond ce dernier. Enfin, pour l’instant… »
Les larmes remontent aux yeux de Rain Bow.
«  Tu leur as volé leur énergie ! crie Blue Bow.
— En effet, c’était le but de ce piège après tout. Et il me reste encore un Combattant à dépouiller, ce que je compte faire tout de suite. »
Il se baisse pour ramasser son Miroir de l’Ombre, mais Blue Bow est plus rapide : elle court se placer entre Rain Bow et Lotarh, et le repousse pour l’empêcher d’accéder au Miroir. La résistance de Blue Bow met Lotarh en colère. Ses yeux brillent, et une vague d’énergie noire frappe Blue Bow qui tombe par terre, juste devant Rain Bow accroupi. Elle est durement touchée et ne peut se relever. Elle a tout juste la force de lever la tête vers Angel.
«  Rain… Bow… fait-elle avec effort. Rain Bow… il faut… te battre. Tu dois… retrouver… l’espoir… : ce n’est qu’avec… lui que tu… vaincras… Lotarh.
— Quelle stupidité ! s’écrie Lotarh qui a ramassé le Miroir. Rien ne peut me vaincre ! Et surtout pas votre minable espoir ! »
Lotarh rit comme un dément, tandis que Rain Bow regarde Blue Bow avec les larmes dans les yeux. Il secoue la tête.
«  Il a raison, dit Angel. Je peux rien faire contre lui. Sans vous, j’ai aucun pouvoir, je suis impuissant. Je suis rien sans les Combattants de l’Arc-en-Ciel.
— Alors tu vas les rejoindre, assène Lotarh en s’approchant lentement.
— Pas tant que je serai vivante ! » dit Blue Bow.
Devant un Rain Bow effaré et un Lotarh surpris, Clémence se relève lentement. Elle tremble et tient à peine sur ses jambes, mais elle finit par faire face à Lotarh.
«  C’est impossible ! Tu ne devrais pas pouvoir tenir debout !
— Tant qu’il me restera un souffle de vie, je protégerai Rain Bow contre tout danger. J’en ai fait la promesse et je compte bien la tenir !
— Arrête Blue Bow ! crie Rain Bow. Je veux pas qu’il t’arrive malheur !
— C’est à toi qu’il ne doit pas arriver malheur, dit Blue Bow en se tournant vers Angel. Tu es le seul capable de nous redonner notre énergie, et tu es notre chef. C’est normal qu’on te protège.
— Vous avez dépassé les limites de ma patience ! s’écrie Lotarh. Cette fois c’en est trop ! »
Ses yeux brillent à nouveau, et une vague d’énergie encore plus puissante balaie Blue Bow. Elle fait un vole plané et retombe lourdement derrière Rain Bow.
«  Blue Bow ! »
Elle est encore consciente, mais ne peut plus se relever. Elle n’a même plus la force de parler. Rain Bow se retourne vers Lotarh, les yeux pleins de larmes.
«  Arrête Lotarh ! T’as gagné. Prends mon énergie, mais laisse mes amis saufs. Je t’en supplie, arrête de les faire souffrir.
— Tu veux échanger ta vie contre celle de tes amis ?
— Oui, sans hésitation. »
Lotarh paraît étudier cette proposition.
«  ... C’est stupide, mais j’accepte. Je n’achèverai pas les Combattants de l’Arc-en-Ciel. Quand j’en aurai fini avec toi, je les libérerai.
— Merci… dit Angel.
— Tu remercies ton pire ennemi… Tu es encore plus stupide que je ne pensais. Ton énergie sera plus utile au maître Esmeros ! »
Et devant une Blue Bow impuissante, Lotarh commence à lever le Miroir de l’Ombre vers Rain Bow.

Dans le Q.G., Niko saute de joie.
«  Ça y est ! Ça y est ! J’ai percé le champ de forces de Lotarh ! Nous devrions avoir une image des lieux dans quelques secondes.
— Vite, le presse Aniva, j’ai un mauvais pressentiment. »
Quelques secondes s’écoulent, et une image apparaît enfin sur un grand écran. Aniva et Niko écarquillent les yeux en voyant la scène : Martin, Alex et Aurélien ficelés et pendus comme des saucissons, Clémence allongée par terre et bien mal en point, et Rain Bow à genou et en pleurs, en face de Lotarh qui lève lentement son Miroir vers lui. Niko est pétrifié devant cette scène, et ne remarque pas que l’image d’Aniva disparaît derrière lui. On entend alors comme un grondement lointain. Niko le remarque et lève la tête. Le grondement gagne en force, et Niko sent soudain le sol trembler sous ses pattes. Il se retourne vers la table centrale.
«  Aniva ? Aniva ? ! Prêtresse ? ! » s’écrie-t-il en voyant qu’elle a disparu.

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