(NdlA : alors, comment avez-vous trouvé l’épisode précédent ? Hé, Vulcain ! Est-ce que tu es parvenu à retrouver ton influence dans ce truc ? C’est vrai que j’ai beaucoup modifié ton idée de départ, mais bon… Bon, c’est la dernière fois que j’interviens en début d’épisode. Allez, je vous laisse lire)
« Merci de m’avoir ramené ! dit Aurélien en saluant les occupants de la voiture dont il vient de descendre.
— Pas de quoi Roméo, dit le conducteur avec un sourire moqueur.
— Arrêtez de m’appeler comme ça, s’il vous plaît… se plaint l’intéressé.
— À lundi Aurélien. Apprends bien ton texte pour la prochaine répète.
— À lundi Anne. T’inquiète pas, je l’connais déjà par cœur. »
Aurélien salue encore, et la voiture qui l’a amené devant l’hôtel particulier de ses parents repart. Aurélien s’apprête à rentrer chez lui quand il voit une silhouette familière de l’autre côté de la route.
« Ohé ! Clémence ! Ohé ! » appelle-t-il en faisant de grands mouvements de bras.
La suscitée s’arrête de marcher et tourne pour voir qui l’appelle. Dès qu’elle voit Aurélien, son visage prend l’expression de quelqu’un qui se dit qu’elle aurait mieux fait de ne pas se retourner. Mais il traverse la route et vient à sa rencontre.
« Salut Clémence ! C’est marrant qu’on se rencontre comme ça par hasard.
— Quel hasard ? fait Clémence en haussant les épaules. On est presque voisins.
— C’est vrai ça. Tiens, tu veux passer chez moi un moment ?
— Désolée, répond-elle sèchement, mais j’ai travaillé au tribunal aujourd’hui. Je voudrais juste rentrer, me reposer et faire mes devoirs.
— Ah bon ? OK… Dans ce cas, je t’inviterai chez moi un autre jour, d’accord ?
— Oui, c’est ça, soupire Clémence.
— Super ! Allez, bon week-end Clémence ! »
Il retraverse la route sans faire attention au trafic (heureusement qu’il n’y avait pas beaucoup de voitures à ce moment-là) tandis que Clémence le regarde s’en aller en pensant : « Qu’est-ce que j’ai fait au ciel pour mériter ça ? » Elle se retourne et reprend sa route.
Dans ce lieu d’ombres et de noirceur où se tiennent les Sages Noirs, Lotarh est en train de se faire engueuler (non, pas « disputer », vraiment « engueuler »!) :
« Il est inadmissible que tu te sois encore fait battre par ces misérables petits Combattants de rien du tout ! » s’écrie un Sage Noir au dos de Lotarh, obligeant se dernier à faire une pirouette sur lui-même.
« Il vaut mieux que je ne leur parle pas de la réaction de mon Soldat de la Haine », pense Lotarh. Aussi il dit :
« Veuillez m’excuser, ils m’ont pris par surprise. Mais j’ai tout de même apporté une grande quantité d’énergie humaine. »
Il tend son Miroir de l’Ombre à l’horizontale, et une étoile filante d’énergie en sort et se perd dans les ténèbres environnantes. Ces ténèbres bougent un peu et s’épaississent, en émettant un bruit de bois qui travaille à faire froid dans le dos d’Hannibal Lecter (NdlA : le psychiatre cannibale du Silence des agneaux, pour les ceuses qui connaissent pas). Bien au-dessus du cercle des douze Sages Noirs, deux yeux rouges gigantesques apparaissent, et une voix profonde, grondante comme un tremblement de terre, terrifiante comme la mort, se fait entendre. Même Lotarh est pétrifié par cette voix faite de Haine absolue.
« Lotarh… Je perds patience. Tu m’avais promis une armée pour mon retour, mais rien n’apparaît !
— Je… Je peux… bégaie Lotarh.
— Cela suffit ! »
Ce cri paralyse Lotarh dont le visage se tend de douleur.
« Ces énergies humaines ne me nourrissent pas assez, continue le maître Esmeros. Ma faim ne peut s’apaiser ainsi. Il est temps de changer de tactique. Je veux que tu m’apportes l’énergie des Combattants de l’Arc-en-Ciel ! Ainsi que leurs têtes, par la même occasion !
— Mais…
— J’ai dit ! Oserais-tu discuter mes ordres ? !
— Non, mon maître, balbutie Lotarh en s’inclinant très bas.
— Alors va ! »
Lotarh s’incline une deuxième fois, puis ses yeux s’illuminent et il disparaît.
Il réapparaît dans son antre de pierre. À son apparition, il souffle bruyamment, et son visage est en sueur. Il reprend son souffle et s’installe sur son trône. Il se prend la tête dans les mains.
« Maître Esmeros devient de plus en plus noir, se dit-il. Est-ce vraiment une si bonne idée de le faire revenir ? Il ne ferait qu’une bouchée de la Terre, mais aussi de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir… Quelle Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir d’ailleurs ? Moi et mes pouvoirs, douze Sages Noirs venus d’on ne sait où, et une poignée de monstres oubliés… »
Il se redresse et reprend de l’aplomb.
« Je n’ai pas le choix de toute façon. Mais comment voler leurs énergies aux Combattants de l’Arc-en-Ciel… ? »
Soudain l’inspiration lui vient et un sourire mauvais se dessine sur son visage.
« Oui… Ça devrait marcher… Je vais utiliser le fait qu’ils se trouvent toujours sur ma route pour leur tendre un piège… Mais avant, il faut purifier le Miroir de l’Ombre de nouveau. Dans son état actuel, il n’aurait pas suffisamment de capacité pour absorber leurs énergies. »
Il sort le Miroir et le fait léviter jusqu’à sa Fontaine de Haine, où il le fait plonger. L’antre de Lotarh se met alors à résonner de son rire.
Nous retrouvons les Combattants de l’Arc-en-Ciel en réunion dans le Q.G. Enfin… En fait il n’y a que Martin, Clémence et Alexandra. Même Niko est absent. Clémence grogne en entendant la réponse d’Alex :
« Franchement, je vois pas c’que tu lui reproches, dit-elle. Aurélien est sympa et il a l’air de t’apprécier beaucoup. Pourquoi t’acceptes pas son invitation ?
— Il est trop collant ! On voit que tu l’as jamais eu sur le dos. Dès qu’il me voit, on dirait un papillon à côté d’une lampe ! Il me tourne autour, c’est désagréable !
— Tu devrais peut-être te montrer plus diplomate avec lui, propose Martin. Accepte son invitation au moins une fois, et essaie de le calmer un peu.
— Tu es diplomate maintenant ? cingle Clémence. Première nouvelle. »
Martin voit rouge et ouvre la bouche, mais il est interrompu par l’arrivée d’Angel et Niko.
« Désolé pour le retard, dit Niko. J’ai eu un mal fou à sortir Angel de cette salle de jeux.
— Ben quoi ? geint Angel. J’avais juste envie de voir leurs nouveaux jeux vidéo.
— Oui, et tu as gaspillé 30 francs et tu nous as mis en retard… Mais je vois qu’il manque encore quelqu’un. »
C’est à ce moment qu’Aurélien apparaît, marchant tranquillement avec un grand sourire.
« Salut ! Tiens, vous êtes tous déjà là ?
— Il t’est jamais venu à l’idée de regarder les chiffres indiqués sur ton communicateur ? demande Clémence sur un ton brusque. Ils indiquent l’heure exacte ! T’as 10 minutes de retard !
— Tiens, c’est vrai, dit Aurélien qui n’a l’air de s’en formaliser. Bon, j’ai manqué quelque chose ? »
Clémence devient rouge et bande ses muscles au point d’en trembler.
« Retenez-moi ou j’fais un malheur.
— Tu m’inquiètes Clémence », dit Martin en essayant de sourire et de la calmer.
L’image de la prêtresse Aniva apparaît au-dessus de la table centrale du Q.G.
« Bonjour, Combattants de l’Arc-en-Ciel. Et bonjour à toi, Niko.
— Bonjour, prêtresse Aniva, réplique Niko.
— En avez-vous plus appris sur la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir ?
— Pas grand chose, dit Niko.
— J’ai entendu Lotarh parler de douze Sages Noirs, explique Alexandra.
— Tiens, Je crois que Nitarh et Atarh ont mentionné des Sages Noirs aussi, non ? dit Martin.
— C’est possible, j’me souviens pas bien, dit Angel.
— Douze Sages Noirs… réfléchit Aniva à voix haute. Ça ne m’étonne pas : la Confrérie de l’Arc-en-Ciel était dirigée par six prêtres et six prêtresses.
— Douze prêtres et prêtresses, dit Clémence. Mais vous… ? !
— Oui, j’étais moi-même une de ces prêtresses, répond Aniva qui prend un air soucieux.
— Qu’est-ce qu’il y a Aniva ? demande Angel, vaguement inquiet.
— Je ne sais pas, Angel. Quand j’ai dit que les douze prêtres et prêtresses dirigeaient la Confrérie de l’Arc-en-Ciel, ça ne m’a paru que partiellement vrai. Mais je n’arrive pas à comprendre ce qui me fait penser ça…
— Et le maître ? Vous vous rappelez quelque chose à propos de lui ? »
À ce moment, Aniva semble hésiter.
« Je… Je ne sais pas vraiment… Juste des impressions… Combattants ! Continuez votre combat ! C’est toute la planète qui est en jeu !
— Bien Aniva ! répondent les Combattants de l’Arc-en-Ciel en chœur, d’une voix ferme et assurée.
— Merci beaucoup », dit Aniva avant de disparaître.
Dans une salle ressemblant au Q.G., mais possédant une fenêtre qui montre un paysage gris tourmenté et un ciel noir étoilé, la prêtresse Aniva réfléchit à voix haute :
« Ai-je vraiment bien fait ? La mention de Lotarh a ramené de trop douloureux souvenirs à la surface de mon esprit… Combattants, je prie pour que vous n’ayez pas à vivre ce que j’ai vécu… »
Dans le Q.G., Martin s’interroge : « Elle a éludé ma question. Qu’est-ce qu’elle cache ? » Mais il n’a pas le temps de faire part de ses soupçons aux autres car Aurélien prend la parole :
« C’est déjà fini ? Bon, Clémence, on rentre ensemble ? Je t’invite à dîner chez moi. »
Tout le monde regarde Clémence et attend sa réponse, ce qui la met mal à l’aise. Finalement, elle décide de se faire un peu plus diplomate :
« Ça va pas déranger tes parents ?
— Bof… soupire Aurélien. À compter qu’ils soient à la maison, ça leur posera pas de problème. »
Un je ne sais quoi de différent dans la voix d’Aurélien fait réfléchir Clémence, et elle décide de faire ce qu’elle croyait impensable :
« OK, on rentre ensemble et j’accepte ton invitation. Mais il va falloir d’abord que je prévienne mes grands-parents.
— Pas de problème, on passera chez toi d’abord. Salut tout le monde !
— Salut ! » dit Clémence.
Ils laissent les autres et traversent l’hologramme solide ensemble. Martin secoue la tête.
« Quand je pense qu’elle lui aurait arraché les yeux y’a pas cinq minutes… »
Une heure plus tard, nous voyons Clémence et Aurélien devant l’entrée de son hôtel particulier. Du point de vue de Clémence, il est devenu encore plus insupportable et collant que d’habitude. Elle commence à se demander si elle a vraiment eu une bonne idée d’accepter cette invitation, et si ça n’allait pas ouvrir la boite de Pandore au lieu de la refermer. Par contre, Aurélien est aux anges et affiche un sourire d’une oreille à l’autre tandis qu’il ouvre la porte d’entrée. Il laisse entrer Clémence et referme la porte. Clémence est impressionnée par le luxe du hall dans lequel elle se retrouve. Le sol est en marbre, et un lustre de cristal gigantesque pend au plafond. Devant elle se déroule un escalier ouvert menant à deux étages. Sous l’escalier une ouverture mène à un couloir. De ce couloir apparaît un homme en costume portant des gants blancs. Il paraît assez âgé.
« Ah ! Bonsoir monsieur Aurélien, dit l’homme d’une voix pleine de distinction. Oh, je vois que monsieur Aurélien a amené une amie avec lui. Cette personne va-t-elle dîner ici ?
— Oui Alphonse, dit Aurélien en défaisant sa veste. Voici Clémence. C’est une voisine. Ça ne pose pas de problèmes ?
— Aucun monsieur Aurélien, répond Alphonse. Ah ! Les parents de monsieur Aurélien m’ont dit de le prévenir qu’ils ne pourront pas ce joindre à lui pour le dîner de ce soir.
— Ah… fait Aurélien d’un air triste. Enfin, ça ne changera pas de d’habitude. »
Clémence est resté silencieuse. Elle s’attendait à tout, mais pas à un majordome. Celui-ci la regarde.
« Euh… Qu’est-ce que vous voulez ?
— Si mademoiselle Clémence n’y voit pas d’inconvénient, je vais lui prendre sa veste ainsi que celle de monsieur Aurélien et les ranger.
— Euh… OK », dit-elle en tendant sa veste au majordome.
Il s’incline légèrement devant les deux jeunes et repart dans le couloir.
« Viens, dit Aurélien, je vais te montrer ma chambre. »
Clémence le suit dans l’escalier. Elle n’en revient pas : le majordome lui a parlé à la troisième personne. Ils arrivent finalement dans la chambre d’Aurélien. Deuxième choc : elle avait souvent traité Aurélien d’enfant gâté (et son comportement le justifiait souvent), mais elle ne pensait pas que c’était à ce point : télé à écran géant, magnétoscope, ordinateur dernière génération, la toute nouvelle console de jeu vidéo la plus puissante du moment, une chaîne Hi-fi à faire pâlir d’envie tous les D.J. de la planète, ainsi qu’une collection de cassettes vidéo, CD, et CD-ROM impressionnante. Mais Aurélien ne se dirige vers aucun de ces objets. Il prend une chaise et l’apporte à Clémence.
« Tiens, assieds-toi », lui dit-il avec un grand sourire.
Lui même s’assied au bord du lit.
« Qu’est-ce qu’y a ? demande-t-il avec un grand sourire innocent.
— Je suis impressionnée, répond-elle. Je savais que tes parents étaient riches, mais à ce point…
— Mouais, fait Aurélien sans enthousiasme. Ils sont si occupés par leur travail que j’les vois jamais. Ils ont même raté mon dernier anniversaire. Résultat : une télé grand écran. »
Clémence ne trouve rien à répondre. Elle ne s’attendait pas à ça et commence à comprendre le comportement d’Aurélien.
« Bon, qu’est-ce qu’on fait ? demande-t-il avec un grand sourire. Tu veux jouer avec moi à ma console ? »
BLOINK !
« Ça y est, il se comporte de nouveau comme le gamin attardé qui m’irrite tellement ! » pense Clémence. Mais elle se contente de répondre calmement :
« Euh… C’est pas trop mon truc, t’aurais plutôt dû inviter Angel pour ça, il aurait adoré.
— Tiens, c’est vrai ça. Et puis, de toute façon c’est pas trop mon truc les jeux vidéo. Moi ce que je préfère c’est ça. »
Il attrape la première cassette vidéo venue et l’introduit dans le magnétoscope. Il allume la télé qui fait apparaître un cartoon américain. Immédiatement, il se met à rire aux éclats en voyant les pitreries des personnages. Clémence en reste bouche bée.
Au bout d’une demi-heure, on frappe à la porte de la chambre.
« Entrez.
— Je prie mademoiselle Clémence et monsieur Aurélien de bien vouloir m’excuser de venir les déranger, dit le majordome en entrant, mais je viens prévenir mademoiselle et monsieur que le dîner est prêt.
— D’accord. Nous descendons, Alphonse », dit Aurélien en se levant et en éteignant la télévision.
Le majordome fait un signe de tête et repart en fermant la porte.
« Dis, Aurélien, ça te dérange pas que quelqu’un te parle à la troisième personne comme ça ? demande Clémence en se levant.
— Tu sais, comme je t’ai déjà dit mes parents ont jamais été là pour s’occuper de moi. En fait, on peut dire que c’est Alphonse qui m’a élevé. Il a toujours été là. Il est au service de mes parents depuis qu’ils ont acheté l’hôtel. Tu sais, j’suis pas dupe : Alphonse a dit que mes parents l’avaient prévenu qu’ils ne pourraient pas rentrer pour le dîner, mais je sais très bien que c’est pas vrai. Ils ont pas appelé du tout. Alphonse veut juste m’épargner, et j’ai pas le cœur de lui dire que j’ai compris. Bon, allez viens, je suis impatient de savoir ce qu’il y a à dîner ! »
Il ouvre la porte et part à grandes enjambées, suivi de Clémence qui ne sait plus quoi penser. Ils arrivent finalement dans une grande salle à manger où une table suffisamment grande pour vingt couverts est dressée pour deux.
« Que mademoiselle et monsieur s’installent », dit Alphonse.
Aurélien et Clémence s’asseyent.
« Alors ? Qu’est-ce qu’il y a de prévu ? demande Aurélien qui trépigne d’impatience.
— Comme je ne connaissais pas les goûts de mademoiselle, j’ai fait simple : salade en entrée, truite saumonée avec jardinière de légumes en plat de résistance, et salade de fruits en dessert.
— Ça a l’air appétissant, dit Clémence. Et léger, j’aime ça.
— C’est très léger en effet, acquiesce le majordome. Maintenant, si mademoiselle et monsieur veulent bien m’excuser, je vais chercher l’entrée. »
Tandis qu’Alphonse se dirige vers la cuisine, Clémence sourit :
« Eh bien ! Je pourrais presque m’y habituer à être servie comme ça ! Aurélien, ça va pas ?
— Non, c’est juste que j’aurais préféré un hamburger…
— Quoi ? ! Il te prépare des plats superbes et toi tu voudrais un vulgaire Mac Do ? !
— J’adore les hamburgers ! s’écrie Aurélien avec un grand sourire. C’est mon plat préféré !
— Il est vraiment impossible… » se dit Clémence en secouant la tête.
Le majordome apporte deux assiettes contenant une salade composée à l’air appétissant. Après l’avoir remercié, nos deux compères commencent à manger.
Nous retrouvons le majordome quelques minutes plus tard dans la cuisine. C’est une grande cuisine équipée, où il surveille la cuisson des truites et de la jardinière de légumes. Il sort un grand plat contenant une salade de fruits du réfrigérateur de style américain (aussi grand qu’un placard).
« Voilà, se dit-il, comme ça elle ne sera pas trop froide au moment où je la servirai. »
Il sort ensuite deux assiettes du réchauffeur, arrête le feu et sert la jardinière de légumes, en y ajoutant une touche de persil. Il retire ensuite les truites du feu et les dispose dans les assiettes. Il regarde l’horloge.
« Parfait. Cela fait un quart d’heure que j’ai servi mademoiselle et monsieur, ils devraient avoir fini l’entrée. Allons leur apporter le plat principal. Quoi ? ! »
Un homme est apparu sous l’horloge, à la grande surprise du majordome qui en reste muet. Cet homme vêtu d’un uniforme étrange et aux yeux complètement rouges s’avance vers lui.
« Pff… cela fait cinq minutes que je te regarde. Tu es vraiment idiot de te comporter ainsi. Tu hais tes patrons. Tu les trouves égoïstes et égocentriques. Ils en négligent leur enfant que tu as dû élever toi-même. Ils t’ont rendu la vie misérable, alors pourquoi rester à leur service ? »
Alphonse veut répondre mais la peur le paralyse.
« Pas la peine de me répondre, dit Lotarh, ta haine refoulée est une porte ouverte sur ton esprit. Tu restes pour t’occuper de ce gamin, de cet enfant gâté ! Tu as un grand cœur, n’est-ce pas ? Quel sentiment pitoyable ! Cette énergie issue de ton grand cœur, je vais l’utiliser à meilleur escient. Tiens ! »
Il tend son Miroir de l’Ombre. Il commence à absorber l’énergie du majordome qui se cabre et perd connaissance, tandis qu’un cercle lumineux se forme à ses pieds.
Dans la salle à manger, Clémence et Aurélien discutent de choses variées, que Clémence trouve futiles (la plupart ont trait au rôle que joue Aurélien dans la pièce de théâtre montée par son club), quand Aurélien regarde sa montre puis se tourne vers la cuisine.
« Qu’est-ce qu’il y a ? demande Clémence.
— Ça fait presque dix minutes qu’on a fini l’entrée. Normalement Alphonse aurait déjà dû apporter le plat principal.
— T’es même pas capable d’être à l’heure à un seul rendez-vous, lui reproche-t-elle. Je crois que tu es mal placé pour reprocher quoi que ce soit à ton majordome.
— Mais j’ai faim moi, réplique-t-il sur un ton enfantin.
— Tu exagères ! C’est ton majordome, pas ton esclave ! »
Aurélien regarde Clémence sans comprendre, puis son visage change d’expression et il dit :
« J’crois qu’t’as raison. J’me comporte comme mes parents avec lui, alors que c’est lui qui m’a élevé. J’vais aller le voir. Donne-moi ton assiette, j’vais les lui apporter. Pour les couverts, j’vais lui dire que c’est pas la peine d’en changer. »
Clémence lui donne son assiette en se demandant s’il a bien compris ce qu’elle voulait lui dire. Aurélien se dirige vers la cuisine en suivant le couloir. Quand il arrive à la porte d’entrée (laissée entrouverte), il remarque une lueur blanchâtre suspecte. Intrigué, il s’approche prudemment et regarde ce qui se passe à l’intérieur. Il voit Lotarh voler l’énergie d’Alphonse et la surprise manque de lui faire faire tomber les assiettes. Mais il se reprend et court vers la salle. Il arrive en larmes devant Clémence, les assiettes toujours à la main.
« Clémence ! ... Alphonse ! ... Lotarh ! »
Malgré les sanglots, Clémence comprend tout de suite ce qui se passe (NdlA : c’est pas une surdouée pour rien !). Elle ouvre son communicateur :
« Niko ! Avertis les autres : Lotarh est ici ! Il s’attaque au majordome d’Aurélien !
— D’accord ! Je vais au Q.G., je préviens les autres et je les transpose vers vous le plus vite possible. Allez-y !
— Ça va aller ? demande Clémence à Aurélien qui a posé les assiettes et se mouche.
— Oui ! Il aurait pas dû s’attaquer à Alphonse, dit-il en décrochant son amulette. Amulette Jaune, métamorphose !
— Amulette Bleue, métamorphose ! »
Les deux Combattants arrivent bientôt dans la cuisine. Lotarh a fini de voler l’énergie du majordome et se tourne vers eux au moment de leur arrivée.
« Déjà ? ! s’interroge-t-il, surpris.
— Oui, déjà ! Quand il s’agit de faire régner la justice, rien ne peut nous arrêter ! Je suis Blue Bow, l’arbitre de l’espoir, alors prépare-toi à subir ton châtiment !
— Quant à moi je suis Yellow Bow, la lumière de l’espoir, et je ne peux supporter que tu apportes ici tes effroyables ténèbres. Alors va-t’en, ou prépare-toi à affronter mon courroux !
— Quel bla bla ! Mais quel bla bla ! Vous êtes énervant à la fin ! Puisque c’est ainsi, vous allez devoir goûter à mon nouveau Soldat de la Haine ! »
Le cercle de lumière se transforme en une colonne de lumière où le majordome disparaît. Une ombre maléfique y apparaît comme d’habitude, et la colonne disparaît, laissant voir le monstre qui a remplacé Alphonse. Ce monstre est habillé d’un costume queue-de-pie orné d’épines aux coudes et aux genoux. Ses gants sont noirs au lieu d’être blanc et il a le petit doigt levé. Sa tête est celle d’une homme chauve et âgé, avec une expression de distinction sévère et une peau bleu métallique.
« Allez Majordomak ! Montre-leur les bonnes manières ! ordonne Lotarh.
— Bien maître », dit Majordomak d’une voix distinguée.
Il met sa main en l’air à plat, et un plateau supportant deux verres et une bouteille de champagne apparaît sur sa main, ainsi qu’une serviette blanche sur son bras. Il prend son élan et lance le plateau qui vole vers les Combattants comme un frisbee. Ces derniers ont le temps de sauter hors de portée du plateau qui se plante dans le mur (les verres et la bouteille sont restés dessus !). D’un geste, Majordomak rappelle le plateau qui revient en volant sur sa main. Il le relance sur Blue Bow qui l’évite, mais le plateau dévie sur Yellow Bow qui n’a pas le temps de se mettre à l’abri.
« Non ! s’écrie-t-il.
— Barrière de Vent ! »
Le plateau rebondit sur le mur de vent crée par Green Bow et tombe par terre. Cette fois, la bouteille tombe et se brise, répandant son liquide sur le sol.
« Ça n’est pas très poli de faire des choses pareilles, dit le monstre. Ça va encore être au majordome de tout nettoyer.
— Ça t’apprendra à lancer des objets coupants sur des innocents ! Je suis Red Bow, le guerrier de l’espoir, et mon feu intérieur te le fera payer !
— Et moi je suis Green Bow, le défenseur de l’espoir !
— Et le messager de l’espoir, Rain Bow, à la rescousse !
— Ça va Yellow Bow ? demande Green Bow en l’aidant à se relever.
— Ça va, merci, répond ce dernier.
— Dites, vous n’oubliez pas quelqu’un là ? C’est très impoli ! s’écrit Majordomak.
— T’inquiète pas, on t’oublie pas ! Boule de Feu ! »
Majordomak n’a pas le temps de réagir et est gravement brûlé par le feu de Red Bow.
« Et le coup final ! Toile Arc-en-Ciel, action !
— Je suis liiiiiiiiiibre ! »
Alphonse est libéré et tombe à terre, inconscient.
« Et voilà le travail ! dit Rain Bow en levant le pouce.
— Oh non ! Ce n’est pas fini ! » crie Lotarh dont les yeux s’illuminent.
Il fait un ample geste du bras et une vague d’énergie noire se rue sur les Combattants. Seul Yellow Bow, poussé par Green Bow, et Blue Bow, qui n’était pas sur la trajectoire de la vague, en réchappent. Red Bow, Green Bow et Rain Bow se retrouvent contre le mur, un peu sonnés et ligotés par des sortes de cordes noires. Blue Bow voit ses amis ligotés, Yellow Bow qui essaie de se relever, et décide d’intervenir. Elle s’avance délibérément devant Lotarh.
« Alors, jeune fille, on veut se mesurer à moi ? ricane-t-il.
— Arrête de ricaner ! Viens plutôt te battre ! Ruisseau… Aaaah ! »
Blue Bow est arrêtée au milieu de son geste par Lotarh qui a tendu le Miroir de l’Ombre vers elle. Elle se cabre et hurle, pendant que son énergie est absorbée par le miroir sous la forme d’une fumée bleue scintillante.
« Hein ? Noooooon ! s’écrie Rain Bow, toujours bloqué par ses liens.
— Tiens ? Il ne se forme pas de cercle autour d’elle, remarque Lotarh. Tant pis, je ne pourrai pas en faire un soldat. C’est dommage. »
Le flux d’énergie cesse et Blue Bow tombe à terre. Elle bouge encore un peu.
« Elle n’a même pas perdu connaissance… Tant pis pour elle, elle n’en souffrira que plus quand je la décapiterai. »
Ses yeux s’illuminent, et une épée de cristal noir au reflets rouges apparaît dans sa main. Il s’approche de Blue Bow, quand il sent quelqu’un toucher son épaule.
« Hein ? » fait-il en se tournant.
C’est Yellow Bow, qui semble très en colère.
« Tu vas payer pour c’que t’as fait ! » hurle ce dernier.
Malgré sa petite taille, il parvient à lui décocher un direct dans la mâchoire.
« Tu as osé me toucher ! crie Lotarh en portant la main à la bouche, pour essuyer un léger filet de sang vert. Tu vas souffrir toi aussi ! »
Il s’apprête à frapper Yellow Bow de son épée quand soudain :
« Ruisseau Scintillant ! »
Un jet d’eau frappe Lotarh, le pousse dans le fond de la cuisine en lui fait lâcher l’épée. Yellow Bow se retourne et voit Blue Bow, à quatre pattes et essoufflée. Il court vers elle et s’agenouille en la prenant dans les bras.
« Pourquoi ? Pourquoi t’as fait ça ? ! lui demande-t-il en pleurant. Il t’a volé presque toute ton énergie et t’as utilisé le reste pour me sauver.
— C’est… normal, dit Blue Bow qui respire difficilement, tu es… quand même… mon meilleur… ami… »
Elle ferme les yeux et son corps se détend. Yellow Bow pleure de plus belle en la serrant dans ses bras.
« Non ! Noooon ! »
Ses cheveux se mettent à briller d’une lumière jaune quasiment insoutenable. Son aura jaune apparaît aussi. Il se relève et se tourne vers Lotarh, qui vient de se remettre debout.
« Toi… Tu vas payer pour ce que tu as fait… à ma meilleure amie… Action Lumineuse !
— Protégez-vous ! crie Red Bow.
— Ton pouvoir ne peut rien contre moi ! »
Les yeux de Lotarh s’illuminent, et un masque de cristal noir recouvre son visage. La boule d’énergie fonce vers Lotarh et se multiplie, formant une dizaine de boules d’énergie reliées entre elles par une sorte de cordon lumineux. Rain Bow et Green Bow sont ébahis, et comprennent soudain la raison de l’avertissement de Red Bow. Ils ferment les yeux et se détournent comme ils peuvent. Quand les boules arrivent devant Lotarh, elles éclatent en même temps en un flash d’énergie si puissant qu’il en brise son masque protecteur. Lotarh met les mains devant les yeux en hurlant comme un damné. Bien qu’ils aient fermé les yeux, quand les autres Combattants les rouvrent, ils ne voient d’abord quasiment rien. Seul Yellow Bow est resté debout, les yeux grand ouverts et une expression de colère sur le visage. Lotarh est tombé à genoux.
« Aveugle ! Tu m’as rendu aveugle ! Je reviendrai, Yellow Bow, et tu me paieras cet affront ! »
Ses yeux s’illuminent derrière ses mains, et il disparaît rapidement. Avec lui, l’épée de cristal noir et les liens disparaissent. Yellow Bow change immédiatement d’expression pour prendre celle d’un gamin apeuré et il court vers Blue Bow, s’agenouille et la secoue.
« Ça y est Blue Bow ! Je l’ai fait partir ! Allez, réveille-toi Clémence ! Réveille-toi ! »
Red Bow est à côté de lui et l’arrête. On voit la poitrine de Clémence se lever et se baisser lentement.
« Elle est vivante, dit Red Bow. Elle est juste épuisée. Elle a utilisé ses dernières ressources pour te sauver.
— Alors il faut lui donner de l’énergie ! réplique Yellow Bow. Angel ! Donne-lui de l’énergie ! T’es le seul ici qui puisse faire ça !
— Mais… Elle est pas transformée en monstre, je risque de la tuer !
— Avec tes mains, comme t’as fait une fois ! Vite, avant qu’elle s’épuise complètement !
— Bon, je vais essayer », dit Rain Bow, pas très sûr de lui.
Il s’agenouille et prend les mains de Blue Bow. Il se concentre, mais rien ne se passe. Il fronce les sourcils et se concentre encore plus, mais le seul résultat est la sueur qui perle de son front.
« Je… J’y arrive pas, soupire-t-il. Ça bloque, j’sais pas pourquoi. Clémence, accepte cette énergie, il faut que je te sauve ! Tu dois pas nous laisser tomber ! »
Rain Bow se met à pleurer, suivi par Yellow Bow. Red Bow veut les réconforter en leur mettant une main sur l’épaule, quand il voit une lumière rouge apparaître à l’endroit où il touche Rain Bow. De même, une légère lumière blanche commence à émaner des mains de ce dernier.
« Regardez ! s’exclame-t-il. Venez m’aider, touchez Angel ! »
Green Bow et Yellow Bow s’exécutent immédiatement. Ils mettent la main sur l’épaule de Rain Bow, et le contact crée une lumière respectivement verte et jaune. La lumière issue des mains de Rain Bow s’intensifie et devient bleue. L’Amulette de Blue Bow brille pendant quelques instants, puis toutes les lumières disparaissent. Les Combattants regardent leur amie avec appréhension. C’est un soupir de soulagement général quand elle ouvre les yeux.
« Que… Vous allez bien ? » demande-t-elle péniblement.
Yellow Bow ne peut se retenir et la prend dans les bras en pleurant.
« Tu vas bien ! sanglote-t-il. J’avais tellement peur que tu te réveilles pas ! C’est ma faute ! T’as dû me protéger parce que j’suis qu’un gamin irresponsable !
— Arrête de dire ça, dit Blue Bow calmement. C’est pas vrai. Même si je t’engueule souvent, en fait tu es mon meilleur ami. On est pareil : mes parents ne s’occupent pas vraiment de moi non plus, ils sont même pas en France. Même s’ils le regrettent, ils ne font rien pour changer la situation. C’est pour ça que je te comprends et que nous sommes amis. Et même si parfois tu es insupportable, en fait tu es comme le petit frère que je n’ai jamais eu. »
Ils s’étreignent.
« Bon, c’est pas tout ça, mais nous il faut qu’on s’en aille, avant que le vieux bonhomme se réveille, non ? dit Green Bow.
— Heu… Oui, dit Red Bow. Tu viens Angel. Angel ?
— Hein ? Oui, j’arrive. »
Yellow Bow aide Blue Bow à se lever, et ils redeviennent Aurélien et Clémence.
« On s’occupe d’Alphonse, dit Aurélien. Il faut qu’il se réveille, j’ai faim.
— Non mais ! Tu penses qu’à ton ventre ma parole ? ! » explose Clémence.
Les autres Combattants lèvent les yeux au ciel quand Niko les transpose.
Quelques heures plus tard, nous retrouvons Angel dans son lit. Il n’arrive pas à dormir et repense au moment où il a failli ne pas pouvoir sauver Clémence. Si Martin n’avait pas fait son geste, ils l’auraient certainement perdue…
Dans son antre de pierre, Lotarh rumine sa défaite.
« Petit connard ! J’ai failli perdre la vue à cause de lui ! »
Mais il se calme soudain.
« J’ai quand même récupéré l’énergie de vie d’une Combattante de l’Arc-en-Ciel, dit-il en sortant le Miroir de l’Ombre qui luit d’une lueur bleue. À défaut de sa tête, cela devrait tout de même convenir au maître. »
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