« Aniva ! Aniva ! s’écrie Niko. Où... ? »
Niko se tait en plein milieu de phrase. Le sol tremble de plus en plus. Le grondement se fait aussi de plus en plus bruyant.
« Qu’est-ce que… ? Un… Un tremblement de terre ? ! »
Des objets tombent au sol. Niko est obligé de s’agripper à son clavier d’ordinateur pour éviter de tomber lui aussi. Le grondement devient assourdissant. Les chaises sont renversées, et des étincelles apparaissent au niveau des équipements électroniques. Des court-circuits semblent se produire un peu partout dans le Q.G., puis ce sont de véritables arcs électriques qui apparaissent le long des murs. Des fissures apparaissent au plafond, un peu de plâtre tombe sur Niko. L’une des lampes explose, suivie par une autre. Soudain, les arcs électriques se concentrent sur une console dont l’écran explose, envoyant des débris dans tout le Q.G. ! Sous la violence de l’explosion, le clavier de cet ordinateur est arraché et tombe à terre. Heureusement, Niko a été épargné. De plus, les vibrations semblent s’atténuer, et le grondement, qui était devenu insupportable, paraît diminuer d’intensité. En effet, les vibrations diminuent, jusqu’à disparaître. Niko reste prostré sur son clavier quelques secondes encore, mais il finit par se redresser en poussant un soupir de soulagement. Il jette un œil sur le Q.G.
« Eh bien, le Q.G. est en bien piteux état, finit-il par dire. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Où est passée Aniva ? Et Rain Bow ! »
Il se retourne brusquement vers son écran. Par chance, ce dernier fonctionne toujours. Et ce que Niko y voit le stupéfie tellement qu’il en reste muet pendant quelques secondes.
« Mais… Comment ? ! »
Retournons maintenant dans l’entrepôt désaffecté, quelques minutes en arrière. Les Combattants de l’Arc-en-Ciel étaient plutôt mal en point : Red Bow, Green Bow et Yellow Bow inconscients, et pendus au plafond comme des carcasses à l’abattoir ; Blue Bow blessée par Lotarh et sans force ; et Rain Bow qui avait abandonné tout espoir, et se préparait à se sacrifier pour ses amis, en laissant Lotarh prendre son énergie. Lotarh avait d’ailleurs commencé à lever le Miroir de l’Ombre vers Rain Bow, lentement afin de faire durer le plaisir. Mais Lotarh s’arrête brusquement en plein milieu de son geste. Quelque chose a attiré son attention. Il tourne un peu la tête et tend l’oreille. Quelques secondes plus tard, un grondement commence à se faire entendre. Angel et Clémence l’entendent aussi, et ils se demandent ce qu’il se passe. Lotarh est surpris. Le grondement devient de plus en plus bruyant, et le sol commence à trembler. Les gravats accumulés un peu partout commencent à bouger, et quelques pierres en équilibre tombent à terre. Lotarh essaie de rester debout alors que les mouvements du sol s’amplifient. Rain Bow pose les mains par terre pour ne pas basculer. Lotarh perd l’équilibre mais se rétablit. Lorsque le bruit et les vibrations atteignent leur paroxysme, une lumière apparaît devant Rain Bow, qui la regarde, bouche bée.
« Quoi ? ! Que… ? » s’écrie Lotarh quand il remarque la lumière.
Cette lumière n’est qu’une petite boule blanche, mais elle grandit rapidement, et l’on voit qu’elle est vraiment multicolore, faite de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, qui se mélangent et s’interpénètrent. Un arc-en-ciel apparaît autour de cette lumière qui commence à changer de forme. Elle s’allonge, s’affine, acquiert des courbes, et prend une forme humanoïde. Entre Lotarh et Rain Bow médusés, cette lumière prend forme humaine et féminine, tandis que le tremblement de terre continue à faire vaciller l’entrepôt sur ses fondations. Soudain, la forme explose en un flash multicolore éclatant, qui aveugle tout le monde, et coïncide avec l’arrêt des vibrations du sol. Quand la luminosité redevient normale, c’est l’abasourdissement total : à la place de la lumière, entre Rain Bow et Lotarh, se tient la prêtresse Aniva, regard noir et main levée vers le spécialiste de la Haine. Ce dernier manque de lâcher le Miroir de l’Ombre quand il reconnaît la personne qui est en face de lui !
« T… Toi ? ! balbutie-t-il, complètement déstabilisé.
— Oui, moi ! dit Aniva sur un ton décidé. Aniva, grande prêtresse de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel. Je t’ai déjà repoussé une fois, au prix de grands sacrifices. Mais je n’hésiterai pas à recommencer pour protéger cet enfant ! »
Lotarh a perdu toute sa confiance. Il recule, mais reprend contenance et dit, tandis que ses yeux brillent :
« Tu as de la chance Rain Bow, tu viens de gagner un sursis. Mais il sera très court, et quand je reviendrai, il en sera fini de toi ! »
Il disparaît. Aniva reste immobile pendant un instant, puis se retourne et s’agenouille devant Rain Bow.
« Relève-toi, Angel. »
Les yeux encore brillants de larmes, ce dernier demande :
« ... Aniva ? Prêtresse Aniva ? C’est bien vous ?
— Oui, répond-elle en l’aidant à se relever. Je ne pouvais plus rester ainsi sans rien faire. Je suis venue vous aider.
— Prêtresse Aniva… » murmure Blue Bow.
Aniva et Rain Bow se tournent vers elle. Il court vers Clémence et s’agenouille à ses côtés.
« Parle pas, dit-il. T’es blessée. C’est complètement de ma faute… »
Mais Clémence secoue la tête et regarde Aniva.
« Aniva… Comment… ?
— J’ai utilisé le Q.G. comme intermédiaire, pour obtenir suffisamment d’énergie pour une telle transposition. J’espère que la surcharge n’a pas provoqué trop de dégâts…
— Tout est de ma faute, se culpabilise Angel. J’ai tout fait de travers et j’ai fait courir des risques à tout le monde…
— Ce n’est pas vrai, dit Aniva d’un ton doux. Au contraire, tu es celui qui va pouvoir réparer les choses.
— Comment ? !
— Viens, continue-t-elle en le prenant par les mains. Concentre-toi. »
Loin d’être sûr de lui, Rain Bow s’exécute. Il se relève, ferme les yeux et se concentre. Aniva fait de même. Au niveau de leurs mains, un petit arc-en-ciel apparaît. Il grossit, et soudain s’enfle démesurément, en une vague d’énergie qui engloutit tout. Quand la vague disparaît, les Combattants ne sont plus pendus au plafond, mais allongés au sol, et ils commencent à se réveiller. Blue Bow elle-même se relève, surprise de sentir que ses blessures ont complètement disparu. Angel ouvre les yeux, et voit, incrédule, ses amis sains et saufs. Mais ce sont Martin, Alex et Aurélien qui ont le plus grand choc, quand ils voient Aniva présente en chair et en os !
Après un fondu au noir, nous nous retrouvons dans ce lieu sombre où flottent les douze Sages Noirs. Les ombres si noires qui les entourent ont commencé à s’assembler en une forme pseudo-humanoïde déformée. Au milieu du cercle des Sages Noirs, deux yeux rouges apparaissent, suivis du corps de Lotarh.
« Alors Lotarh, dit un Sage Noir, as-tu accompli la mission que t’a confié le maître Esmeros ?
— En partie, dit Lotarh. Mais je suis venu apporter ceci. »
Il lève le Miroir de l’Ombre qui libère une boule de lumière rouge, puis une autre de lumière verte, et enfin une troisième boule de lumière jaune. Elles sont toutes trois éclatantes, vibrantes d’une énergie incomparable. Elles s’élèvent doucement, et se transforment en de véritables comètes qui disparaissent dans les ténèbres. Ces dernières changent de forme et se réorganisent. Des nuages noirs bougent très loin tout autour des Sages noirs, les ombres s’épaississent, et la forme humanoïde se précise tout en restant floue et bizarrement distordue. Des filaments de fumée noire apparaissent un peu partout et s’organisent en paquets, légèrement vibrants et pulsants. Enfin, très haut, au niveau de ce qui ressemble à une tête déformée, deux yeux rouges gigantesques flamboient comme ils ne l’ont jamais fait, brûlants de tous les feux de l’enfer. La voix se fait alors entendre, si l’on peut appeler « voix » quelque chose qui ressemble plus à un millier de coups de tonnerre réunis.
« Cette énergie ! Si pure, si dense ! Ces Combattants de l’Arc-en-Ciel recèlent en eux plus d’énergie que des foules entières ! Mais il y a quelque chose qui manque ! Où est l’énergie de Rain Bow ? !
— Il y a eu un petit contretemps, s’excuse Lotarh en s’inclinant très bas. Je m’apprêtais à lui prendre son énergie quand quelqu’un est intervenu…
— Qui ! Hurle le maître Esmeros, visiblement peu content. Tu ne dois rien me cacher !
— C’était… la prêtresse Aniva ! L’une des grandes prêtresses de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel, celle que j’ai combattue il y a si longtemps, et qui est parvenue à repousser mon armée ! Elle est apparue devant Rain Bow pour le protéger !
— La prêtresse Aniva ? ! »
Ce cri a explosé comme un volcan en éruption. Le silence se fait, et est suivi par un nouveau bruit, qui fait vibrer les ténèbres elles-mêmes. Esmeros rit ! Il rit, d’un rire gigantesque, plein et douloureux. Il finit par arrêter de rire et reprend la parole :
« Habiles petits vers de terre… Ils sont ainsi parvenus à sauver l’une des leurs, comme je l’avais toujours soupçonné. L’existence de ces Combattants de l’Arc-en-Ciel apparaît soudain sous un nouveau jour… Je n’aime pas laisser des choses en suspens ! Lotarh !
— Oui, maître Esmeros ?
— Tant que cette Aniva se mettra sur notre chemin, ma victoire sur la Confrérie de l’Arc-en-Ciel ne sera pas totale. Je ne peux pas le supporter ! Je te charge d’une nouvelle mission : capture Aniva et ramène-la-moi ! Mais je la veux vivante !
— Bien maître, il en sera fait comme vous l’avez ordonné », répond Lotarh en s’inclinant.
Ses yeux se mettent à briller, et il disparaît. Il réapparaît dans son antre de pierre, essoufflé, comme après chaque entretien avec le maître Esmeros, et s’assied sur son trône.
« Capturer Aniva vivante… Comment peut-il oser me demander cela, alors qu’elle m’a déjà humilié deux fois ? ... Oui, je vais la capturer. Mais je ne promets rien quant à son état… »
Nous retournons dans l’entrepôt en ruines. Chacun a raconté aux autres ce qui lui est arrivé. Rain Bow a dû tout avouer, y compris ses cauchemars partiellement prémonitoires. Les autres Combattants sont à la fois ébahis et mal à l’aise. Finalement, la voix de Niko se fait entendre :
« Prêtresse Aniva, Combattants de l’Arc-en-Ciel, vous m’entendez ?
— Parfaitement, dit Aniva. Comment vas-tu ?
— Je suis entier, répond Niko. J’ai eu de la chance qu’aucun débris ne me tombe dessus. Votre transposition a fait quelques dégâts ici.
— C’est bien ce que je craignais. Quelle en est l’étendue ?
— À vue de bec, pas grand chose. Les murs sont fissurés, une console est détruite, mais ce n’est rien qui ne peut se réparer. Par contre, après le check-up interne, c’est moins réjouissant. Tous les systèmes fonctionnent, sauf le circuit de transposition qui a complètement grillé.
— Tu veux dire que tu ne peux plus nous transposer du tout ? demande Blue Bow.
— Exactement, réplique l’oiseau. De plus, Je peux toujours vous voir sur mon écran, mais j’ai dû faire une dérivation de fortune pour pouvoir vous contacter. Ça tiendra pour l’instant, mais pour réparer vraiment, ça risque d’être aussi dur que le circuit de transposition. Vous êtes bloquée sur Terre pour un bon moment, prêtresse.
— Cela n’a pas d’importance. J’en avais assez de rester seule là-haut et de vous laisser prendre tous les risques, explique Aniva. C’est à mon tour de vous aider. »
Tous restent sans voix devant la détermination d’Aniva. Après un moment, Red Bow prend la parole :
« Il nous reste encore à trouver les otages. Niko, est-ce que t’arrives à les détecter ?
— Pas précisément, répond ce dernier. Je détecte bien leurs énergies, donc ils sont tous vivants, quelque part dans l’entrepôt. Mais même si la transposition de la prêtresse Aniva a brisé le champ de forces qui existait autour de l’entrepôt, il semble qu’ils soient sous un autre champ de forces. Il m’empêche d’obtenir leur position exacte. Clémence ?
— Oui Niko ?
— Ton ordinateur est toujours connecté au Q.G. Utilise-le pour essayer de détecter leur position. Vous êtes beaucoup plus proches d’eux que moi et ça devrait t’aider. Par contre, je vais être obligé de couper le contact. L’ordinateur me signale que mes réparations de fortune vont bientôt lâcher. Si je ne coupe pas, je risque de créer encore plus de dégâts et de rendre le Q.G. irréparable. Je suis désolé.
— Ce n’est pas grave, dit la prêtresse. Nous comprenons parfaitement. Au revoir Niko.
— Bonne chance », dit ce dernier.
Ils sentent que la connexion est coupée, et la soudaine impression de solitude les fait frissonner. Blue Bow fait apparaître son ordinateur et commence à l’utiliser.
« Ça marche, dit-elle sans lever les yeux de l’écran. J’ai un plan de l’entrepôt, et j’arrive à détecter leurs énergies. Mais c’est encore très imprécis. Je vais essayer une forme de triangulation, mais ça va prendre un moment.
— Dépêche-toi, dit Rain Bow d’une toute petite voix. Lotarh pourrait revenir…
— T’inquiète pas, dit Green Bow avec un grand sourire, tandis qu’elle passe son bras autour des épaules d’Angel. Cette fois il nous aura pas !
— C’est vrai que maintenant on est tous insensibles au Miroir de l’Ombre, dit Red Bow.
— Tous, sauf Rain Bow », corrige la prêtresse Aniva.
Angel baisse un peu la tête.
« Mais on le protégera ! s’écrie Green Bow qui décidément ne veut pas perdre sa bonne humeur.
— À ce propos, dit Blue Bow sans lever la tête de son ordinateur, Lotarh a fait plusieurs fois allusion à son “maître”, celui pour qui il vole l’énergie. Or, juste avant que vous apparaissiez, il a donné un nom à ce “maître”. Il l’a appelé “maître Esmeros”. Ça vous dit quelque chose, prêtresse Aniva ? »
Aux mots de « maître Esmeros », Aniva est devenue blanche comme un linge. Les Combattants de l’Arc-en-Ciel la regardent, stupéfaits. Seule Blue Bow continue à taper sur son ordi, jusqu’au moment où elle se rend compte du silence qui règne tout d’un coup. Elle relève la tête, et est aussi surprise par le visage décomposé de la prêtresse.
« Prêtresse… Aniva… Ça va ? finit par demander Aurélien.
— Je… Je suis désolée d’avoir été... si brusque », continue Clémence.
Aniva a un faible sourire.
« C’est moi qui suis désolée, dit-elle doucement. J’aurais dû tout vous dire depuis le début. Mais je craignais que vous vous sentiez écrasés devant cette tâche démesurée.
— De quoi est-ce que vous parlez ? demande Martin.
— Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez mentionné le nom de Lotarh ?
— Oui, dit Blue Bow. Vous avez eu une réaction à peu près similaire.
— Exactement. Je vous ai raconté que j’avais combattu Lotarh dans un lointain passé, et que j’étais l’une des douze grands prêtres et grandes prêtresses qui dirigeaient la Confrérie de l’Arc-en-Ciel à cette époque.
— Vous avez eu une drôle de réaction à ce moment-là, dit Martin.
— C’est parce que j’avais omis un détail. Je ne voulais pas le divulguer, peut-être par superstition, peut-être par peur de précipiter les événements avant que vous soyez prêts. Malheureusement, les événements se sont précipités par eux-mêmes.
— De quel détail est-ce que vous voulez parlez ?
— Je veux parler de la mythique fondatrice de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel, la vraie dirigeante de l’organisation. Je veux parler de la demi-déesse qui protégeait et chérissait la Voie Lactée. Je veux parler de celle qui portait le titre de Reine Galactique, et qui pourtant demandait à se faire appeler simplement par son nom : Esmera.
— Esm… ? ! s’écrie Red Bow.
— Oui, Esmera, continue la prêtresse. Il y a de cela très longtemps, bien avant que la vie intelligente apparaisse sur Terre, la Galaxie était un chaos où régnait la loi du plus fort. Les peuples se livraient à des guerres sans merci et des planètes entières étaient détruites, pour le plus grand plaisir d’entités maléfiques qui se nourrissaient du malheur des autres. Mais un jour apparut Esmera, femme mais en même temps déesse, qui de son pouvoir et de sa bonté infinie parvint à pacifier la Voie Lactée et à repousser les entités démoniaques. Elle fonda ensuite la Confrérie de l’Arc-en-Ciel, dirigée par six grands prêtres et six grandes prêtresses, dans le but de maintenir cette paix. Les entités maléfiques n’avaient pas disparu, et continuaient à être active sur la périphérie de la Galaxie. Elles commencèrent à recruter des personnes égarées, afin de monter leurs propres armées, tout ceci dans le but de faire retomber la Galaxie dans son état violent primitif. Mais la puissance de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel et l’influence d’Esmera parvenaient toujours à repousser ces attaques. Un équilibre se créa, dans lequel les habitants de la Voie Lactée pouvaient se développer harmonieusement. Les attaques étaient rares, et la Confrérie de L’Arc-en-Ciel veillait à minimiser les pertes civiles. L’une des entités était particulièrement active et vicieuse dans ses attaques. Il se faisait appeler Esmeros, et prétendait être le jumeau noir d’Esmera. C’était une créature de cauchemar, pas réellement formée de matière, mais pas vraiment spirituelle non plus. C’était une sorte d’amalgame monstrueux de matières exotiques et d’une volonté malfaisante, qui survivait en vampirisant les énergies de vie des êtres vivants. Survivre était son seul but, et détruire la vie dans la Galaxie était son seul moyen et son seul plaisir. Il possédait le plus grand nombre de suivants de toutes les entités maléfiques, et les avait regroupés en une armée qu’il avait nommé la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir. Elle était dirigée par trois généraux aussi cruels les uns que les autres : Atarh, le spécialiste du Vide, Nitarh, le spécialiste de l’Ombre, et le plus puissant et le plus pervers d’entre tous, Lotarh, le spécialiste de la Haine. Leurs soldats étaient des monstres, des êtres qui avaient vendu leur âme à ce diable pour un peu de pouvoir. Ils obéissaient aveuglément à Esmeros et à ses douze Sages Noirs, ses intermédiaires, car il était dangereux, même pour ses suivants, de converser avec Esmeros lui-même. Néanmoins, malgré toute cette puissance, la Confrérie de l’Arc-en-Ciel et Esmera parvenaient à contenir les attaques de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir. Jusqu’au jour où...
— Jusqu’au jour où quoi ? ! demande un Aurélien impatient, plongé dans l’histoire.
— Nul ne sait exactement ce qui s’est passé. Je parle d’un temps où je n’étais même pas née. Ce que je raconte, c’est ce que j’ai appris moi-même quand j’ai décidé de faire partie de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel. Un jour, l’impensable se produisit : Esmera disparut.
— Comment ? demande Martin.
— Je ne le sais pas. Personne ne le sait. A-t-elle été vaincue par une des entités maléfiques, ou par Esmeros lui-même ? A-t-elle eu un accident ? Est-elle morte de mort naturelle ? Nul ne le sait. Toujours est-il que son influence disparut de la Galaxie. Cet événement brisa l’équilibre qui s’était crée. Les entités maléfiques eurent rapidement vent de la disparition d’Esmera, et décidèrent de redoubler d’efforts pour reprendre le contrôle de la Voie Lactée. Ils finirent par tous s’associer à la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir, et envoyèrent de nouvelles attaques. Au début, la Confrérie de l’Arc-en-Ciel put les repousser comme elle l’avait toujours fait. Mais sans l’influence bénéfique d’Esmera, elle avait perdu beaucoup de sa puissance, et il n’existait nulle part une personne capable de reprendre le flambeau. Les attaques répétées affaiblissaient la Confrérie qui avait de plus en plus de mal à accomplir sa mission. C’est dans ce contexte que je suis née, que j’ai grandi, et que je suis finalement devenue grande prêtresse de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel. À mon époque, j’étais la plus jeune des douze, et même la plus jeune personne à être jamais devenue grand prêtre. Malheureusement, je devais aussi être la dernière à jamais le devenir…
— Ça va ? demande Alexandra.
— Oui, ne t’inquiète pas Green Bow, répond Aniva. Après tant de temps d’amnésie, mes souvenirs sont tellement frais, presque douloureux, dans ma mémoire… Peu après mon accession à la position de grande prêtresse, les entités maléfiques, Esmeros en tête, décidèrent de frapper un grand coup, en envoyant toutes leurs forces dans la bataille. Ce fut un horrible massacre. Le front de bataille avançait lentement de la périphérie de la Galaxie vers son centre. Des planètes entières étaient détruites, des systèmes solaires se sacrifiaient pour détruire les armées ennemies. La Confrérie de l’Arc-en-Ciel mit aussi toutes ses forces dans cette guerre galactique. Je fus moi-même envoyée au front pour diriger nos armées. De toutes les batailles, c’étaient celles impliquant la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir qui étaient les plus meurtrières. Les trois spécialistes ne reculaient devant rien pour tout détruire, et Esmeros lui-même était présent, flottant au dessus du champ de bataille et absorbant les énergies des mourants, qu’ils fassent partie de son camp ou du camp adverse. Durant l’une des dernières batailles, j’ai été confrontée à Lotarh lui-même. Je l’ai combattu pendant que nos armées s’entre-déchiraient. J’ai finalement réussi à le repousser, et à détruire une partie de son armée, mais cela a coûté une planète entière… »
Les larmes d’Aniva alertent Angel, qui essaie de réconforter la prêtresse.
« Prêtresse, si vous voulez, on peut continuer plus tard, dit-il.
— Ça va, réplique Aniva en séchant ses larmes. Je me sens coupable d’avoir été épargnée lors de ce sacrifice. J’ai été sauvée par la mort de millions de personnes… Après cette bataille, je fus rappelée sur Planète-Mère, la planète d’origine d’Esmera et siège de la Confrérie de l’Arc-en-Ciel, qui se situait en plein cœur de la Galaxie. Quand j’arrivai dans la salle de réunions solennelle, les onze autres grands prêtres et prêtresses étaient déjà là. Ils me dévisageaient en silence, ce qui me mit plutôt mal à l’aise. Ce fut notre doyen qui prit la parole. Il m’expliqua que lors de mon initiation de grande prêtresse, une chose m’avait été cachée, un secret qui ne devait m’être révélé qu’au moment opportun. Malheureusement, me dit-il, le moment était venu. Il me rappela la puissance et la bonté d’Esmera, et me révéla son plus grand secret : ses dons de prescience. Esmera était capable de lire l’avenir ! C’est grâce à ses prophéties que la Confrérie de l’Arc-en-Ciel était parvenue à maintenir un semblant de paix jusqu’ici. Même disparue, Esmera continuait à nous protéger ! Quant à sa dernière prophétie, elle me concernait directement, et il était temps que j’en prenne connaissance. Le doyen fit apparaître une image au-dessus de notre table de réunion. Je la reconnus tout de suite pour avoir vu cette image des milliers de fois : c’était Esmera, reconnaissable entre mille par ses yeux emplis d’amour, par ce visage reflétant une sérénité sans bornes. Mais cette fois, il ne s’agissait ni d’un portrait ni d’une image statique, c’était un film holographique ! Pour la première fois, je voyais Esmera bouger, vivre, et je la vis s’adresser à moi ! Je n’oublierai jamais ses mots : “Toi, jeune fille née dans une période de troubles et de violence, jeune prêtresse aux cheveux de feu et au cœur de la même couleur, toi qui porte le poids du sacrifice d’un monde, toi que je ne rencontrerai jamais, je te parle à travers les âges et je sais que tu m’entends. Je sais que la Galaxie est à feu et à sang, je sais que je ne suis plus là pour la protéger, et que ma disparition est en partie responsable de cet état. Malheureusement, il est parfois impossible de contrer les voies du destin… Je sais aussi que votre combat est sans espoir, et qu’il faudra sacrifier la Confrérie de l’Arc-en-Ciel et ma planète natale pour ramener la paix. Mais je sais que cela ne durera qu’un temps, et qu’il faut absolument qu’une braise du feu sacré de l’Arc-en-Ciel survive. Cette braise, c’est toi ! Tu dois quitter Planète-Mère, rejoindre mon ami et confident dans le sanctuaire où il dort depuis longtemps. Ce sanctuaire se situe sur le satellite d’une petite planète bleue, dans un bras situé à la périphérie de la Voie Lactée, dans un système solaire pour l’instant insignifiant, mais qui deviendra un jour le nouveau centre de la Galaxie. Tu dois t’y rendre et t’y endormir, car dans des éons d’ici, le mal réapparaîtra, et la paix dans la Galaxie sera de nouveau mise en péril. À ce moment-là, tu te réveilleras, et quand tu découvriras le danger qui guette, tu sauras quoi faire. Tu es le seul espoir de la Galaxie. Crois en toi, et tu réussiras tout ce que tu entreprendras.” »
(NdlA : Hé hé, maintenant, vous avez appris quelque chose. Eh oui, Aniva est rousse !)
Un silence de plomb s’est installé dans l’entrepôt. Même Blue Bow a cessé de taper sur son ordinateur de poche. La prêtresse reprend la parole.
« Peu après la fin du message, l’alarme se déclencha. Planète-Mère était attaquée ! Une porte s’ouvrit et un soldat apparut. Le doyen m’ordonna de le suivre. Il allait me conduire à un vaisseau dont le pilotage automatique était programmé pour m’amener à la base de repli, le sanctuaire dont parlait Esmera. Je voulus protester, mais les autres prêtres et prêtresses m’en empêchèrent. Le soldat me prit par le bras et me força à partir avec lui. Je n’oublierai jamais la sérénité des grands prêtres quand je les ai quittés. Je suivis le soldat dans les couloirs du siège de la Confrérie. Plusieurs fois, nous fûmes bousculés par les ondes de choc d’explosions qui se produisaient un peu partout sur Planète-Mère. Je sentais que c’était la fin, le sacrifice qu’Esmera avait prévu. Malgré tout, mon esprit se révoltait à cette idée. Nous arrivâmes finalement à un hangar où un vaisseau unique attendait. Le soldat m’y fit monter. Je lui demandai de me suivre, mais il me sourit en me disant qu’on avait besoin de lui ailleurs. Ses yeux montraient qu’il savait qu’il allait mourir, et qu’il acceptait son sort. Il y avait plus de sagesse dans les yeux de ce simple soldat que dans mon cœur à ce moment-là ! Je me sentais comme une petite fille capricieuse et gâtée. Je refermai la porte du vaisseau et me mis aux commandes. Rapidement, le vaisseau quitta le hangar et s’éleva dans le ciel de Planète-Mère, rougi par les combats qui s’y déchaînaient. J’y vis aussi une ombre noire menaçante : Esmeros lui-même ! Je parvins à m’échapper de l’atmosphère de Planète-Mère sans me faire repérer. J’enclenchai le pilote automatique et me postai à l’arrière pour regarder la planète que je quittais. Soudain, une lueur gigantesque m’aveugla, puis une forte secousse ébranla le vaisseau : Planète-Mère venait d’exploser ! Elle s’était désintégrée, emportant tout avec elle, la Confrérie de l’Arc-en-Ciel avec celle de l’Arc-en-Ciel Noir, Esmeros y compris. Du moins, c’est ce que j’espérais. Brusquement, le vaisseau se transposa dans le monde supra-luminique et je ne vis plus rien. Dans ce monde, on peut voyager à des vitesses gigantesques dépassant de loin celle de la lumière, ce qui me permettrait de rejoindre la base de repli en quelques jours. Mais à ce moment je ne pensais pas à ça. Je pleurais. Je pleurais la mort de milliards de gens et la destruction de l’idéal pour lequel je m’étais battu. Je pleurais la destruction de la civilisation la plus réussie de la Voie Lactée. Mais surtout, je pleurais la perte de mes amis les plus chers. J’ai pleuré longtemps, puis il semble que je me sois endormie. J’ai très peu de souvenirs des jours suivants, jusqu’à ce que j’arrive à la base de repli, sur la face cachée du satellite naturel d’une petite planète bleue, qui un jour prendrait le nom de Terre. Une fois arrivée, je découvris que tout avait déjà été préparé. Il y avait deux capsules d’hibernation, l’une vide pour moi, l’autre déjà occupée. Je découvris enfin qui était le confident d’Esmera : Niko, l’oiseau Arc-en-Ciel. L’ordinateur était prêt à me mettre en hibernation, aussi je suis allongée dans ma capsule sans tarder. Je m’endormis rapidement. Vous connaissez la suite… »
Le silence règne. Les Combattants de l’Arc-en-Ciel ne savent pas quoi dire et restent muets, quand on entend un applaudissement lent et mesuré. Tout le monde sursaute, et se tourne vers l’origine de ce bruit. Deux yeux rouges apparaissent, et sont suivis par le corps de Lotarh, qui arbore un grand sourire.
« Merci, chère prêtresse. Très charmante histoire… Je sais enfin ce qui s’est passé sur Planète-Mère. Pour compléter ton petit conte, sache que nous les spécialistes n’étions pas sur Planète-Mère au moment de sa destruction. Maître Esmeros nous avait envoyés en hibernation, avec une partie de notre armée, sur une petite planète bleue que vous connaissez bien. N’est-ce pas une merveilleuse coïncidence ? !
— Grrr… Tu as tué des milliards de gens, s’insurge Red Bow. Tu vas me le payer !
— Parce que tu crois que tu m’impressionnes avec tes petits feux de paille ? Cette histoire aurait dû vous montrer que la Confrérie de l’Arc-en-Ciel Noir est indestructible.
— Ce n’est pas vrai ! s’écrie Aniva. Vous avez été vaincus une fois, et vous le serez de nouveau !
— Vaincus ? Non… Juste retardés. Et comment espères-tu nous vaincre sans tes précieux petits Combattants de l’Arc-en-Ciel ? ! »
Les yeux de Lotarh brillent. Il fait apparaître un cristal long et pointu, noir aux reflets rouges, et le jette… sur Rain Bow !
« Non ! » crie Green Bow.
Angel n’a pas le temps de se mettre à l’abri. Il voit le cristal long comme un avant-bras voler vers lui, et ferme les yeux au moment juste avant qu’il ne le transperce… mais rien ne se passe. C’est le silence absolu. Rain Bow rouvre les yeux, et découvre qu’il regarde le dos d’Aniva ! Elle chancelle et tombe dans ses bras.
« Aniva ! » s’écrie-t-il.
Elle ne tient pas debout. Il s’agenouille pour lui permettre de s’allonger, et comprend tout de suite pourquoi : le cristal lui est enfoncé en plein cœur !
« Aniva… Pourquoi ? ! » demande Angel avec les larmes aux yeux.
La prêtresse ouvre les yeux, et regarde Rain Bow d’un air tendre.
« Tu… Tu es Rain Bow, le seul qui puisse sauver la Terre de ces monstres. J’ai accompli mon rôle en te révélant tes pouvoirs… Ma tâche étant terminée, plus rien… ne me retient ici. Par contre, ta tâche… ne fait que commencer… C’est pour ça que tu dois vivre… Ah ! ... Tu dois le faire pour moi… et pour tous ceux qui… se sont sacrifiés… pour que la paix… règne… Je suis heureuse… de t’avoir… connu… Adieu… »
Elle referme les yeux, et son corps se détend complètement.
« Aniva, répondez ! crie Rain Bow entre deux sanglots. Aniva, NON ! »
Ses cheveux se mettent à briller, d’une lumière multicolore presque insoutenable. Son aura apparaît et s’élargit, grandissant jusqu’à atteindre Lotarh qui est repoussé par cette puissance. Il tente de résister, mais la pression est trop forte.
« Qu’est-ce qui se passe ? ! »
Il est soulevé, projeté contre le mur et tombe à terre. L’air continue à briller pendant quelques instants, illuminé par l’énergie de Rain Bow, puis la lumière disparaît subitement. Les cheveux de Rain Bow cessent aussi de briller, et ce dernier tombe sur le sol, inanimé. Les autres Combattants se ruent vers lui.
« Rain Bow ! » s’écrie Yellow Bow.
Lotarh a eu le temps de se relever. Les Combattants se retournent vers lui.
« Vous ne perdez rien pour attendre, fait-il en essuyant le sang vert qui coule d’une égratignure à la joue. En attendant, je vais accomplir la mission que m’a confié le maître Esmeros. »
Ses yeux brillent, et il jette une boule d’énergie noire sur le corps d’Aniva, qui est soulevé et emporté vers Lotarh. Avant que le Combattants ne puissent réagir, ils disparaissent tous les deux.
« Lotarh ! Aniva ! s’écrie Red Bow. Merde ! On l’a laissé s’échapper !
— Laisse, Martin, dit Blue Bow. Il y a plus important pour l’instant.
— Et Angel, il va bien ? demande Alexandra, inquiète.
— Ça va, il est juste évanoui, répond Clémence en lui prenant le pouls. Dis-moi, Martin, est-ce que tu penses pouvoir porter Angel ?
— Angel ? Bien sûr ! Il est aussi léger qu’une plume ce gars-là ! ... Mais pourquoi tu me demandes ça ? T’as trouvé où sont les otages ?
— Oui, ils sont pas loin d’ici. En plus, ils sont près de la sortie.
— Alors allons-y ! »
Les Combattants se relèvent, tandis que Red Bow prend Rain Bow sur son dos.
« Et Aniva ? demande Yellow Bow.
— Si elle est encore vivante, on la sauvera ! promet Martin. Et si elle est morte, je la vengerai de mes propres mains !
— Allons-y, dit Clémence, c’est par ici. »
Elle ouvre la marche tout en regardant son ordinateur, et les autres la suivent.
« Vous avez vu ce qu’a fait Angel ? demande Alex.
— Il a projeté Lotarh comme un fétu de paille, dit Clémence.
— Oui, dit Martin, il a encore augmenté ses pouvoirs. Pourtant il a aucune confiance en lui.
— Souvenez-vous de ce qu’Aniva a dit, continue Clémence. Elle a dit que nous sommes là pour protéger Rain Bow, et que protéger la Terre est sa mission exclusive. Quand je vois l’étendue de ses pouvoirs, je la crois sans peine. Je me rends aussi mieux compte de ce que notre mission implique… »
Personne ne relève après ces derniers mots. Ils ont tous le visage grave, et repensent au geste d’Aniva.
Au milieu du cercle des Sages Noirs, deux yeux rouges apparaissent, suivis de leur propriétaire.
« Alors, Lotarh, commence un des Sages Noirs, as-tu accompli la mission que t’avait confiée le maître ?
— Oui, répond le spécialiste de la Haine. Voici celle qu’il voulait. »
Ses yeux brillent, et Aniva apparaît, allongée en lévitation et sans vie. Le cristal noir a disparu, mais sa robe est tachée de sang au niveau du cœur. Soudain, les yeux rouges de feu d’Esmeros apparaissent loin au-dessus des Sages Noirs, et sa voix tonne d’une colère véritablement divine !
« Quoi ? ! Je t’avais ordonné de me la ramener vivante ! »
Sous les pieds de Lotarh, un cercle lumineux se forme. Il émet une colonne de vent noir autour du spécialiste, qui se crispe et crie de douleur.
« Je… Je voulais la ramener vivante, dit Lotarh avec effort. Mais cette idiote… s’est interposée… quand j’ai voulu me débarrasser une bonne… ah ! ... fois pour toutes… de Rain Bow. »
Le vent noir souffle de plus en plus fort. Lotarh, paralysé, est lentement soulevé.
« Te débarrasser de Rain Bow, alors que tu ne m’as pas encore apporté son énergie ? ! Tu savais pourtant que je voulais l’énergie de l’Arc-en-Ciel ! Tu vas voir ce qu’il en coûte de me désobéir !
— Je… Je n’allais pas… vous désobéir… J’aurais… pris… son énergie… avant qu’il rende son… dernier soupir… comme vous… autrefois… le faisiez… »
À ces mots, la colonne disparaît, et Lotarh retombe à genoux entre les Sages Noirs, à côté du corps inanimé d’Aniva. Esmeros semble réfléchir :
« Je vais te laisser une dernière chance de m’apporter l’énergie de Rain Bow. Mais je la veux maintenant, j’en ai besoin pour que mon réveil soit total ! Alors n’échoue pas cette fois ! C’est la dernière fois que je ferai preuve de pitié !
— Bien maître, je vous remercie », dit Lotarh en se relevant difficilement.
Il parvient à s’incliner et disparaît. Les yeux rouges gigantesques semblent contempler le corps de la prêtresse.
« J’ai enfin la braise du feu sacré de l’Arc-en-Ciel en ma possession, se dit Esmeros. Il est dommage que Lotarh l’ait abîmée… Mais peut-être pourrais-je tourner cette situation à mon avantage… »
Dans les couloirs poussiéreux de l’entrepôt désaffecté, les Combattants de l’Arc-en-Ciel marchent pour retrouver les otages de Lotarh.
« C’est encore loin ? demande Aurélien. J’commence à avoir mal aux pieds.
— Pff… C’est moi qui suis chargé comme un mulet et c’est lui qui se plaint, réplique Martin.
— Je croyais qu’Angel était léger comme une plume ? demande Alexandra, d’humeur taquine.
— Nous arrivons, dit Clémence qui ne relève pas les yeux de son ordi.
— Tiens, y en a un qui se réveille d’ailleurs », dit Red Bow.
En effet, Angel frémit. Il finit par ouvrir les yeux.
« ... A… Aniva ?
— Calme-toi, dit Green Bow. Tu crois que tu vas pouvoir tenir debout ?
— On va le savoir tout de suite, dit Martin qui semble en avoir assez de son fardeau. Allez hop ! »
Angel se retrouve debout. Il regarde les Combattants un par un et demande :
« Aniva ? Où est Aniva ? Est-ce qu’elle est… ?
— On sait pas, dit Clémence. Tu es parvenu à repousser Lotarh, mais il a disparu en emmenant Aniva avec lui.
— T’inquiète pas ! dit Alex avec un grand sourire. On va la retrouver !
— V’nez voir ! J’les ai tous retrouvés ! » s’écrie Yellow Bow qui était passé devant.
Tout le monde se dépêche, et en effet, ils se retrouvent dans une grande salle, au fond de laquelle sont attachées toutes les victimes du Miroir de l’Ombre. Lydia, grand-père, mademoiselle Galian, le majordome d’Aurélien et les autres, tous sont présents, et sans connaissance. Voyant Lydia, Angel court vers elle. Mais quelques mètres avant de l’atteindre, il y a un flash de lumière et il est projeté en arrière. Il retombe lourdement à côté des Combattants.
« Ça va Angel ? demande Green Bow en l’aidant à se relever.
— Ça va… Aïe ! répond ce dernier en se tenant la tête.
— Qu’est-ce que c’est ? demande Martin à Clémence.
— Un champ de forces, répond-elle en consultant son ordinateur de poche. Il les entoure tous. Si on veut pouvoir les secourir, il va falloir le briser.
— Je m’en charge ! s’écrie Red Bow. J’ai besoin d’un peu d’action ! Boule de Feu ! »
Blue Bow fait un geste pour l’en empêcher, mais c’est trop tard. La boule de feu fonce vers les otages, mais il y a un flash lumineux, la suggestion d’un dôme autour d’eux, et elle est renvoyée à l’expéditeur.
« Barrière de Vent ! »
Grâce à la présence d’esprit de Green Bow, le pire a été évité. Blue Bow gronde Red Bow :
« Tu sais pourtant qu’à chaque fois que tu te précipites, tu crées une catastrophe ! Il faut réfléchir et analyser le champ de forces d’abord !
— Ça sert à rien…
— Hein ? ! »
Les Combattants de l’Arc-en-Ciel se tournent vers Rain Bow.
« Ça sert à rien, c’est inutile, continue ce dernier. Tout est inutile. On arrivera jamais à les vaincre… »
Il lâche un long soupir.
« J’abandonne…
— Quoi ?
— J’ai dit : “j’abandonne” ! répète Angel en levant les yeux vers les Combattants. Depuis que je suis devenu Rain Bow, il y a eu que des souffrances. Lydia a souffert, vous avez souffert, des innocents ont souffert ! J’en ai assez des souffrances ! Je veux plus voir de souffrances ! Je veux plus me battre ! »
Angel a lancé ces derniers mots avec les larmes aux yeux. Martin s’approche de lui. Ils se regardent un instant. Vlan ! Martin gifle Angel tellement fort que ce dernier tombe par terre.
« ... Martin ! Pourquoi t’es toujours méchant comme ça ? ! ... Oh ? »
En relevant les yeux, il voit que des larmes coulent sur les joues de Red Bow.
« T’as vraiment rien compris, dit ce dernier d’un ton méprisant. Quand je pense qu’Aniva s’est peut-être sacrifiée pour te sauver ! Et toi tu l’insultes en te comportant comme un lâche ! T’as pas compris que tu es le seul espoir de la Terre, le seul à pouvoir faire cesser toutes ces souffrances ? ! Nous avons tous promis à Aniva que nous te protégerions jusqu’au bout, mais je refuse de protéger un lâche et un pleurnichard ! Alors soit tu nous montres qu’Aniva s’est pas sacrifiée en vain, soit tu disparais, et je veux plus jamais te revoir !
— Martin… murmure Angel.
— Tiens tiens, y aurait-il de l’eau dans le gaz chez les Combattants de l’Arc-en-Ciel ? »
Lotarh apparaît entre eux et le champ de forces. Il a un grand sourire.
« Lotarh ! s’écrie Rain Bow. Où est Aniva ? !
— Elle est actuellement aux mains du maître Esmeros, répond-il. Mais si tu consens enfin à me donner ton énergie, peut-être que je te la ramènerai… Elle ou son cadavre ! Ha ha ha ha ha !
— Lotarh, tu es ignoble ! dit Green Bow avec dégoût. Pourquoi est-ce que tu fais tout ça ? !
— Parce que vous croyez peut-être que j’ai le choix ? ! réplique Lotarh en riant. N’oubliez pas que si votre Esmera était la reine de la Vérité, Esmeros est le roi du Mensonge ! Il nous avait promis monts et merveilles pour nous séduire, mais nous n’avons reçu que des miettes !
— Alors pourquoi rester ? ! s’insurge Yellow Bow.
— Je ne suis qu’une marionnette, et il n’est pas bon pour une marionnette de désobéir à son maître. Rappelez-vous le sort d’Atarh et Nitarh. Et puis, des miettes de pouvoir, c’est du pouvoir quand même ! Mais trêve de parlotes inutiles, je suis venu pour prendre l’énergie de Rain Bow, et je compte bien y arriver cette fois. »
Il sort le Miroir de l’Ombre, mais se rend compte que les Combattants de l’Arc-en-Ciel se sont interposés entre lui et sa cible.
« Je pense que tu n’as pas très bien compris, commence Red Bow. Nous sommes les Combattants de l’Arc-en-Ciel, et notre mission est de protéger Rain Bow contre toute attaque.
— Nous avons promis à la prêtresse Aniva d’accomplir cette mission au péril de nos vies, et nous comptons bien tenir cette promesse, continue Blue Bow.
— Nous avons confiance en Rain Bow. Nous mettons nos vies en jeu pour qu’il puisse protéger la Terre, ajoute Green Bow.
— Tant qu’il nous restera un souffle de vie, tu nous trouveras sur ton chemin. Jamais tu ne toucheras à un cheveu de notre ami ! conclue Yellow Bow.
— Vous êtes d’un ennuyeux, soupire Lotarh. Enfin… »
Ses yeux se mettent à briller, et d’un ample geste il envoie une vague d’énergie noire sur les Combattants. Ceux-ci résistent du mieux qu’ils peuvent et tentent de repousser cette attaque, mais en vain. Ils tombent l’un après l’autre, terrassés par l’attaque de Lotarh.
« Et voilà ! se complimente Lotarh, devant les Combattants qui essaient de se relever sans réussir. Plus rien ne peut m’empêcher de gagner maintenant.
— N’en sois pas si sûr !
— Hein ? ! »
Rain Bow se relève. Ses yeux sont noirs de colère. Il avance lentement, passant à côté de chaque Combattant, pour se retrouver en face de Lotarh. En avançant, il s’adresse à ce dernier :
« Tu as blessé mes amis. Tu as fait souffrir des innocents. Pire, tu as détruit des mondes entiers ! Tu prétends n’être qu’une marionnette, mais tu as montré de nombreuses fois que tu y prends du plaisir ! Tu es impardonnable ! Je suis le messager de l’espoir, et jusqu’à présent je n’avais pas compris ce que ça voulait dire. Mais maintenant j’ai compris : l’espoir n’est pas quelque chose qui vient de l’extérieur, c’est quelque chose qui se crée. Je crée mon propre espoir, et je ne douterai plus ! Ma mission est de protéger cette planète, et je la mènerai à bien ! J’ai la confiance de mes amis, et je ne veux pas la décevoir ! Jamais, tu m’entends ? Jamais toi et ta clique ne parviendrez à vos fins, jamais ! »
Rain Bow met la main devant son amulette.
« Et comment comptes-tu t’y prendre ? rétorque Lotarh. Avec ta Toile Arc-en-Ciel ? Mais je ne suis pas un de mes soldats, et tu ne risques pas de me faire quoi que ce soit avec cette attaque ridi… Hein, qu’est-ce qui se passe ? ! »
Lotarh a raison d’être surpris : derrière sa main, l’Amulette Arc-en-Ciel de Rain Bow brille de mille feux, envoyant des pinceaux de lumière un peu partout. Cette lumière entoure sa main tandis qu’il la lève au-dessus de la tête. Il la baisse légèrement, formant ainsi un bout d’arc-en-ciel. Les pinceaux de lumière se retournent et viennent frapper sa main, augmentant encore la concentration d’énergie. Brusquement, Rain Bow tend son bras, montrant Lotarh du doigt, et hurle : « Toile Arc-en-Ciel, action ! ». La toile se déploie, emprisonnant Lotarh qui devient blême.
« Je… Je n’arrive pas à me libérer ! »
Au bout du doigt de Rain Bow, une concentration d’énergie pure se forme, qui envoie des boules d’énergie blanche vers Lotarh !
« Non, je ne veux pas finir comme ça ! Pas maintenant ! »
Ses yeux rouges brillent, et il parvient à disparaître peu avant que les boules d’énergie le touchent. Celles-ci continuent leur chemin et frappent le champ de forces, qui devient visible sous l’impact. Mais il ne résiste pas longtemps à la puissance de Rain Bow et se brise ! L’énergie de Rain Bow continue à se répandre. Nous voyons maintenant l’entrepôt de l’extérieur. De chacune de ses ouvertures une lumière blanche s’échappe. Les faisceaux de lumière gagnent en puissance. Des fissures se forment, laissant échapper encore plus d’énergie. Soudain, tous les faisceaux se rejoignent et tout devient blanc. Quand la luminosité redevient normale, il ne reste plus de l’entrepôt désaffecté que quelques portions de mur encore debout, quelques poutres métalliques tordues, et des gravats. Au milieu de ces ruines, Rain Bow, ses amis et les otages (dont les liens ont disparu) sont indemnes. Les Combattants se relèvent doucement, et les ex-otages commencent à bouger. Rain Bow se tourne vers ses amis.
« Merci, merci d’avoir cru en moi. Vous m’avez aidé à reprendre confiance en moi-même. Maintenant, je me battrai à fond. Je veux être digne de votre confiance.
— On sera toujours à tes côtés, dit Red Bow avec un grand sourire. Nous sommes fiers de toi. »
Tous acquiescent.
« Nous sortirons Aniva de leurs griffes, puis nous les vaincrons définitivement », dit Green Bow d’un air décidé.
Angel hoche la tête. Ils se tournent vers le soleil couchant. Chacun regarde ce soleil, qui baigne tout d’une lumière dorée, avec un air serein. Le combat sera de plus en plus difficile, mais ils sont maintenant prêts à se battre jusqu’au bout. Ils créent leur propre espoir, et savent que ce dernier peut faire des miracles !
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