Dans le Q.G., Niko s’affaire devant un des ordinateurs.
« Comment se fait-il que je n’arrive pas à localiser Lotarh et Aniva lors de leurs transpositions ? ! Leur matière doit bien passer quelque part ! À moins que… Mais oui ! C’est évident ! Je me suis trompé depuis le début ! Il faut que je modifie le programme de détection immédiatement, il n’y a pas de temps à perdre ! »
Niko se met à taper sur son clavier d’ordinateur à toute vitesse, et nous le laissons à son travail par un fondu au noir.
Un matin de semaine. Maintenant que le mois de juin est bien entamé, le soleil brille et les oiseaux chantent dès le matin. Aurélien, qui prend son petit déjeuner dans la grande salle à manger, les regarde voler de branche en branche dans le grand arbre du jardin de son hôtel particulier. Alphonse apparaît par l’une des portes. Il tient un journal dans les mains.
« Alphonse ? C’était pas la peine de te déranger, je t’avais dit que je ramènerais le plateau moi-même (NdlA : depuis qu’Alphonse a été attaqué par Lotarh, Aurélien semble avoir pris conscience de son travail et de ses sentiments à son égard, et à sa manière essaie de se comporter moins en enfant gâté).
— Ce n’est pas pour cela que je viens voir monsieur, monsieur Aurélien, réplique Alphonse avec sa voix pleine de distinction, et la troisième personne de rigueur. J’ai trouvé dans le journal quelque chose qui devrait intéresser monsieur. »
Il place le journal ouvert à la page des petites annonces devant Aurélien, qui comprend tout de suite de quoi son majordome parlait. Et pour cause, c’est un encart qui fait la moitié d’une page : une annonce de casting !
Grand Casting National !
Vous avez entre 13 et 16 ans, fille ou garçon, et vous rêvez de faire du cinéma. Vous aimez l’action et le cinéma fantastique. Vous rêvez d’être un super-héros ou une super-héroïne. Tentez donc votre chance au grand casting pour le film Les Combattants de l’Arc-en-Ciel !
Présentez-vous le vendredi 18 juin, entre 13 heures et 17 heures.
Adresse: ...
(NdlA : plutôt qu’inventer une adresse quelconque, j’ai préféré la laisser en blanc. Disons qu’à l’image une ombre nous cache l’adresse…)
« Waouh ! C’est génial ! Merci de me l’avoir montré, Alphonse !
— J’étais sûr que cela intéresserait monsieur. Si je comprends bien l’enthousiasme de monsieur, monsieur désire participer au casting.
— Bien sûr ! Surtout pour un tel rôle, j’suis fait pour ça !
— Très bien, monsieur. Je conduirai donc monsieur au casting vendredi prochain. Monsieur a de la chance de ne pas avoir cours cet après-midi-là. Maintenant, si monsieur veut bien terminer son petit-déjeuner, il est bientôt temps de conduire monsieur au lycée.
— D’accord ! » s’écrie Aurélien, très enthousiaste, qui déchire la page de l’annonce et rend le reste du journal à Alphonse.
Le majordome quitte la salle tandis qu’Aurélien met les bouchées doubles dans son petit-déjeuner à l’anglaise.
Nous voici maintenant au lycée d’Angel. Il est midi, et nous retrouvons ce dernier sortant de la cantine avec Martin.
« Au fait, pourquoi est-ce que Lydia est pas avec toi ? lui demande ce dernier.
— Elle m’a dit qu’elle rentrait directement chez elle. Ses parents ont besoin d’elle au magasin. Elle profite qu’on n’a pas cours cet après-midi.
— Au magasin ?
— Les parents de Lydia tiennent un magasin de vêtements. Tu savais pas ?
— Pas du tout ! Remarque, j’ai jamais demandé non plus. Tiens ? Clémence ? »
Angel se retourne. En effet, Clémence s’approche d’eux.
« Bonjour, ça va ? demande-t-elle.
— Bien, dit Angel. Mais pourquoi t’es là ? T’as plus cours pourtant ?
— C’est vrai, mais je voulais vous voir car quelque chose m’inquiète.
— Qu’est-ce qui se passe ? demande Martin.
— Pas ici, dit Clémence. Allons parler ailleurs. »
Ils suivent cette dernière et s’arrêtent dans le parc en face du lycée.
« Voilà ce qui m’inquiète, dit-elle en sortant un journal.
Elle l’ouvre devant les deux garçons, et ils voient tout de suite l’annonce de casting qu’a lue Aurélien le matin même.
« Un casting pour un film sur nous ? ! s’écrie Angel. C’est génial ! Ça veut dire qu’on est célèbre !
— Chut ! fait Martin tandis que Clémence baisse la tête de dépit. Tu veux nous faire repérer ?
— Désolé, réplique Angel en souriant. Mais c’est génial, non ?
— Pas sûr, dit Clémence. Ça pourrait être un autre piège pour te voler ton énergie.
— Tu crois ?
— C’est bizarre, ils devraient bien se douter qu’on va comprendre. C’est un peu trop facile, fait Martin en croisant les bras.
— Bien sûr, acquiesce Clémence. Mais je pense qu’ils en font exprès, pour être sûrs de nous attirer dans leur piège.
— Alors qu’est-ce qu’on fait, on n’y va pas ? demande Angel.
— Malheureusement si, continue-t-elle. On n’a pas le choix. Il y a des innocents qui vont passer ce casting et on doit les protéger. Il faudra simplement rester sur nos gardes.
— Moi je peux pas venir, dit Martin. J’ai un entraînement que je veux pas manquer.
— C’est pas grave, dit Clémence. Je vais y aller avec Angel. Et connaissant Alexandra et Aurélien, ils doivent déjà se préparer à y participer. Je les préviendrai.
— D’accord, répond Martin. Mais s’il y a vraiment un gros problème, n’hésitez pas à m’appeler : je garderai mon communicateur sur moi. »
Clémence et Angel hochent la tête, puis Angel se met à danser sur place.
« On va faire un casting ! On va faire un casting ! »
Martin et son amie soupirent de désappointement.
Dans une pièce sombre, éclairée par une seule lampe au plafond, un homme s’affaire à compter, trier et pendre des vêtements méconnaissables, car protégés par des housses de plastique, sur des portiques à roulettes. Derrière lui, deux yeux rouges apparaissent en luisant, suivis du corps de Lotarh.
« Alors, comment avance notre projet ? demande-t-il.
— Bien, maître, dit l’homme d’une trentaine d’années en se tournant vers lui. Les costumes sont finis. Je ne fais que les vérifier et les trier. Tout sera prêt à temps pour le casting.
— Parfait. Cette fois-ci, je ne veux plus voir d’erreur. Esmeros devient de plus en plus impatient et ne nous pardonnera pas facilement un nouvel échec. »
« Encore que, continue-t-il en pensée, un nouvel échec serait attribué à Aniva, l’instigatrice de ce piège, et me permettrait sûrement de remonter dans l’estime du maître. » Cette pensée le fait sourire d’un sourire mauvais que l’homme, visiblement converti par le Miroir de l’Ombre, prend pour de la satisfaction de voir que le projet avance bien.
« Ne vous inquiétez pas, dit l’homme. Avec ce casting, nous sommes sûrs d’attirer les Combattants de l’Arc-en-Ciel. L’invitation ne sera que trop tentante pour eux. Et étant les véritables Combattants, il est certain qu’ils seront les meilleurs pour jouer leur propre rôle. Je les démasquerai sans problème !
— Ne présume pas de tes forces ! s’écrie Lotarh. Tu n’es qu’un subalterne !
— Pardonnez-moi, maître, réplique l’homme en baissant la tête. Ce n’était pas mon intention de vous manquer de respect.
— Il vaut mieux. Tu sais ce qui arrive à ceux qui osent m’insulter ! Maintenant retourne à ton travail, je veux que ce casting soit parfait.
— Bien maître. »
L’homme s’incline, se retourne vers les vêtements et reprend son travail de tri. Lotarh le regarde un instant, puis ses yeux brillent et il disparaît.
Après quelques jours sans histoire, nous voilà arrivés au jour du casting. Nous retrouvons Angel et Clémence dans la rue, devant une grande double porte précédée de quelques marches d’escalier.
« C’est la bonne adresse, dit Angel.
— D’après la pancarte, c’est une école d’art dramatique, remarque Clémence. Ils ont bien camouflé leur piège.
— Brrr… tu me fais peur quand t’es comme ça, frissonne Angel. Et si c’était un vrai casting ?
— J’y crois pas, mais c’est toujours une possibilité. Tâchons de paraître aussi naturels que possible.
— Pas de problème ! Allons-y, j’ai hâte de passer le casting ! »
Clémence appuie sur le bouton sous la pancarte. Un déclic la prévient que la porte est ouverte. Angel pousse la porte et ils entrent dans l’école. Ils se présentent au gardien qui leur indique l’endroit où le casting est organisé. Ils traversent l’école, montent et descendent plusieurs escaliers à la suite, et parviennent enfin à une porte où est affiché « Casting ». Angel est essoufflé par le trajet.
« Attends… un peu… avant d’entrer… Il faut… que je… retrouve mon souffle.
— Alors Angel, il faudrait que tu fasses un peu de sport, se moque gentiment Clémence. Pourquoi tu demandes pas à Martin de te faire un programme de remise en forme ?
— Pour finir à l’hôpital ? ! Pas question ! Bon, on peut y aller Clémence.
— O.K. »
Ils passent la porte, pour se retrouver dans un bureau. Une femme habillé en tailleur est assise au bureau, et il y a une autre porte derrière elle.
« Bonjour, dit la femme d’un air jovial. Vous venez pour participer au casting je suppose.
— Oui, dit Clémence.
— Approchez-vous, je vais prendre vos nom et prénom et vos rôles désirés.
— Nos rôles désirés ? demande Angel.
— Oui, explique la femme. Il y a cinq rôles à pourvoir dans cette session de casting : trois rôles masculins et deux rôles féminins. Pour les garçons, il y a le rôle de Rain Bow, le chef des Combattants de l’Arc-en-Ciel, celui de Red Bow et celui de Yellow Bow. Pour les filles, vous avez le rôle de Green Bow et celui de Blue Bow. Vous pouvez postuler pour plusieurs rôles mais vous devez donner un ordre de préférence. Allez, honneur aux dames, votre nom mademoiselle ?
— Delamer, Clémence Delamer. Je souhaite postuler pour les deux rôles féminins, avec Blue Bow en premier choix.
— Delamer… Clémence… répète la femme en inscrivant les informations sur un petit carton. Blue Bow… et Green Bow ! Voilà ! Prenez cette carte et gardez-la soigneusement. Elle indique le numéro de passage pour l’audition.
— Merci mademoiselle, dit Clémence en prenant sa carte.
— À moi ! s’écrie Angel, enthousiaste. Mon nom c’est Angel Descouleurs, et je postule pour Rain Bow !
— Descouleurs… Angel, fait la femme. Rain Bow… Vous êtes sûr de ne pas vouloir postuler pour un autre rôle, cela augmentera vos chances d’apparaître dans le film.
— Pas besoin ! J’vais avoir le rôle sans problème ! Après tout… »
Il est interrompu par un coup de coude de Clémence.
« Euh… après tout… euh… j’suis un bon acteur, sûr ! »
La femme le regarde d’un air interrogateur, mais finalement lui tend la carte.
« Voici votre carte. La salle d’attente est derrière cette porte. Vous y serez appelés par votre numéro.
— Merci mademoiselle, dit Angel avec un grand sourire.
— Merci pour tout », dit Clémence beaucoup plus calmement.
Ils prennent la porte et se retrouvent dans un autre couloir, terminé par une autre porte.
« Pourquoi tu m’as frappé ? geint Angel.
— Sois plus prudent ! le gronde Clémence. Il ne faut pas leur donner le moindre indice de ton identité secrète.
— Tu crois que la fille était un monstre ? Elle était trop gentille pour ça.
— On sait jamais ! Aniva est devenu le spécialiste du Mensonge. Cette fille est peut-être une illusion !
— Ah bon ? J’y avais pas pensé.
— Alors penses-y maintenant. Et reste sur tes gardes, n’oublie pas que ce piège t’est explicitement destiné. »
Ils ouvrent la deuxième porte, et entrent dans une grande salle d’attente dans laquelle une vingtaine de jeunes gens attendent leur tour. Dans un coin, un garçon fait des grands signes et crie :
« Angel, Clémence, on est là ! »
En effet, Ce sont Alexandra et Aurélien. Clémence baisse la tête en marmonnant :
« Bravo, question discrétion, c’est réussi ! »
Angel rejoint ses amis en courant, suivi par Clémence.
« Salut ! Comment ça va ?
— Très bien, dit Alex. J’adore cette idée de casting. Je postule pour le rôle de Green Bow, évidemment.
— Et moi pour Yellow Bow, mais j’ai aussi mis Rain Bow comme second choix, dit Aurélien.
— Quoi ! s’écrie Angel. Mais t’as pas le droit ! C’est mon rôle !
— Chhhh… vous voulez vraiment vous faire remarquer ou quoi ? ! s’insurge Clémence.
— Désolé, dit Aurélien, penaud. Vous vous rendez compte quand même, continue-t-il un peu moins bruyamment. Un film ! On va être célèbre !
— Le César de la révélation féminine de l’année, ça me déplairait pas, dit Alex.
— Arrêtez de construire des châteaux en Espagne, proteste Clémence. Vous savez bien qu’il y a de grandes chances que ce soit un piège.
— Rabat-joie ! On peut toujours rêver, non ? »
Ils continuent à parler. Pendant ce temps, une voix, provenant d’un haut-parleur, appelle les numéros les uns à la suite des autres. Quand une personne passe la porte, une autre en sort, faisant une tête parfois déconfite, souvent interrogatrice. Certains s’en vont, d’autres restent dans la salle d’attente. Au bout d’un moment, le haut-parleur appelle un certain numéro et Aurélien se lève.
« C’est à mon tour, dit ce dernier. Attendez-moi !
— Évidemment ! grogne Clémence en levant les yeux au ciel, nous aussi on passe le casting. »
Aurélien quitte la salle d’attente, et entre dans une salle encore plus grande, où un homme est assis derrière une petite table. Une chaise est installée devant cette table. Bien sûr, l’homme est celui qui parlait à Lotarh l’autre fois. Mais ça, Aurélien ne peut pas le savoir.
« Entrez, jeune homme, dit l’homme d’un ton jovial. Donnez-moi votre carte et asseyez-vous devant moi. »
Aurélien s’exécute tandis que l’homme étudie la carte.
« Aurélien Lebrillant… Bon, Aurélien, je m’appelle Christian Sermat et je suis le responsable du casting. Avec le producteur et le metteur en scène qui nous regardent par le circuit vidéo, dit-il en montrant une caméra du doigt, je vais décider qui participera à ce film. Racontez-moi donc pourquoi vous participez à ce casting.
— J’ai vraiment envie de devenir acteur professionnel ! répond Aurélien. J’ai déjà joué dans beaucoup de pièces de théâtre, et on dit que je suis très doué !
— Racontez-moi ça en détail. »
Aurélien lui résume son parcours théâtral.
« Impressionnant, remarque l’homme. Maintenant, nous allons voir un peu la pratique.
— La pratique ?
— Derrière vous, il y a un vestiaire rempli de costumes. Ce sont des essais qui préfigurent les costumes que porteront les acteurs dans le film. Comme vous postulez d’abord pour le rôle de Yellow Bow, je vais vous demander d’y aller et d’y mettre un costume à votre taille. Laissez-y vos vêtements, vous vous y rechangerez après.
— D’accord ! s’écrie Aurélien en sautant de sa chaise.
— Et n’oubliez pas la perruque qui va avec le costume ! »
Une minute plus tard, Aurélien revient avec un costume un peu ridicule. Il ressemble au vrai costume de Yellow Bow, mais il est trop grand pour lui, les rubans ne tombent pas correctement, les bottes et les gants sont loin d’être satisfaisants et la perruque jaune le fait ressembler à un rasta décoloré.
« Bien, dit Christian. Prenez cette feuille. Vous allez m’improviser des mouvements sur ce texte. »
Aurélien lit le texte, et découvre avec stupeur que c’est sa phrase de présentation ! Il pose la feuille, prend une bonne inspiration, et tente de faire les mêmes gestes que ceux qu’il accomplit habituellement lorsqu’il est transformé.
« Je suis Yellow Bow, la lumière de l’espoir, et je ne supporte pas que tu apportes ici tes effroyables ténèbres. Alors va-t’en, ou prépare-toi à affronter mon courroux ! »
Le costume le gêne dans ses mouvements, mais sa prestation ne lui déplaît pas trop. L’homme se contente de hocher la tête et de prendre des notes sur un papier.
« Bien, dit-il. Vous pouvez aller vous changer. Je vais vous demander de rester dans la salle d’attente jusqu’à la fin du casting. À ce moment-là seront appelés ceux qui sont sélectionnés.
— O.K. ! »
Aurélien court dans le vestiaire, se change en quatrième vitesse et récupère sa carte en remerciant joyeusement l’homme. Il finit par retrouver ses amis.
« Alors, comment ça s’est passé ? demande Angel.
— Très bien ! Il m’a demandé de rester jusqu’à la fin du casting, vous vous rendez compte ? !
— Félicitations, dit Alex.
— Raconte-nous ça plus en détail, demande Clémence, soupçonneuse.
— J’ai pas le temps d’écouter, ajoute Alex, c’est à mon tour. »
Et elle quitte la salle d’attente.
Ce que nous voyons maintenant est une condensé des auditions de nos amis. Nous voyons d’abord Alex en Green Bow, avec une perruque verte horrible (elle est trois fois trop épaisse) de laquelle dépassent ses vrais cheveux. Elle essaie de faire les mouvements de son attaque, mais la jupe qu’elle porte est tellement courte qu’en se soulevant, elle dévoile quelques centimètres carrés de sa petite culotte. Alex rougit comme une tomate et rabaisse sa jupe en prenant une pause ridicule. Vient ensuite Clémence dans une pâle imitation de Blue Bow, avec une perruque bleue faisant trois fois la taille de sa tête, et de vulgaires sandalettes en plastique bleu comme chaussures. D’ailleurs, en levant un pied, sa sandalette se détache et tombe. Enfin, nous voyons Angel dans une pâle imitation du costume de Rain Bow, et portant une perruque de clown. Il tente de prendre sa pose, mais la fausse amulette se détache et tombe par terre, emportant les rubans avec elle. Et quand il essaie de la récupérer, sa perruque glisse et lui tombe sur les yeux. L’homme secoue la tête et barre d’un grand trait son nom dans ses notes. Finalement, nos quatre amis se retrouvent dans la salle d’attente, où une quinzaine d’autres personnes attendent aussi le résultat des délibérations. Finalement une voix se fait entendre par le haut-parleur.
« Les candidats retenus pour le rôle de Red Bow sont : le numéro 15 et le numéro 22. »
À ces mots, deux garçons bien bâtis se mettent à sauter de joie.
« Les candidates retenues pour le rôle de Green Bow sont : le numéro 26 et le numéro 45.
— J’suis retenue ! s’écrie Alex. C’est génial ! »
Aurélien et Angel la félicitent, mais Clémence reste silencieuse, comme préoccupée.
« Les candidates retenues pour le rôle de Blue Bow sont : le numéro 31 et le numéro 39. »
Nouveaux cris de joie de deux filles aux cheveux courts qui ne ressemblent pas du tout à Clémence.
« Les candidats retenus pour le rôle de Yellow Bow sont : le numéro 44 et le numéro 61.
— J’vais être célèbre ! crie Aurélien.
— C’est super, on va être ensemble pour le tournage ! ajoute Alexandra.
— Enfin, les candidats retenus pour le rôle de Rain Bow sont : ...
— C’est à mon tour, dit Angel.
— ... le numéro 13 et le numéro 36.
— Hein ? ! J’y suis pas ? ! Mais c’est d’la triche ! »
Angel rougit de colère. Ses amis essaient de le calmer tandis que deux garçons dans la salle hurlent de bonheur.
« Vous allez maintenant passer une deuxième audition, qui désignera les cinq personnes qui obtiendront les différents rôles. Ceux qui seront éliminés lors de cette audition n’auront pas tout perdu : ils seront appelés à jouer le rôle qu’ils avaient choisis en cas de défection. Que ceux qui ont été appelés se rendent de nouveau dans la salle d’audition. »
C’est rapidement la bousculade. Les nominés se culbutent pour entrer dans la salle, mais la porte est un peu trop étroite.
« On y va ? demande Aurélien.
— D’accord, répond Alex.
— Soyez prudent, dit Clémence. C’est maintenant que le piège va se refermer, et il semble que ça va être encore sur une victime innocente. Nous on reste dans la salle d’attente.
— T’inquiète pas, assure Alex, on a nos émetteurs.
— Je suis furax ! fait Angel. Ils sont même pas capables de reconnaître le vrai talent !
— Sois content qu’ils t’aient pas démasqué », remarque Clémence.
Aurélien soupire.
« Qu’est-ce qu’y a ? demande Alex.
— C’est dommage que t’as pas été retenue, Clémence. Ça aurait été super de jouer ensemble.
— Euh… sans commentaires », soupire Clémence, effrayée par l’idée de se coltiner « pot de colle » huit heures par jour ou plus.
À force de bavarder ainsi, Aurélien et Alex sont les derniers à entrer dans la salle de casting et se retrouvent derrière le groupe de candidats. Christian s’adresse à eux :
« Que ceux qui ont été appelés pour jouer le rôle de Rain Bow avancent vers moi. »
Les deux garçons s’avancent devant le groupe.
« La productrice et le metteur en scène vont venir vous faire passer l’audition finale.
— En effet, “finale” est le mot juste ! » crie soudain une voix que les Combattants présents reconnaissent immédiatement.
Devant les jeunes gens médusés, une tornade noire apparaît d’un côté de l’homme. Elle se dissipe, révélant Aniva portant sa robe noire. De l’autre côté de l’homme apparaissent deux yeux rouges, rapidement suivis par le corps de Lotarh. C’est la panique ! Alex et Aurélien en profitent pour se cacher dans le vestiaire. Bien leur en fait, car Lotarh vient de lancer une vague d’énergie noire qui envoie tout les candidats au tapis. Seuls les deux garçons choisis pour jouer Rain Bow n’ont pas été touchés, mais ils sont paralysés de peur. Aniva s’avance vers eux :
« Vous avez chacun le cœur pur, empoisonné par un gros mensonge. Vous vouliez jouer le rôle de Rain Bow et vous nous avez convaincus ! L’un d’entre vous est le vrai Rain Bow ! »
Aniva tend le Miroir de l’Ombre dans lequel les deux jeunes gens plongent leur regard. Leur énergie est aspirée, et ils sont paralysés au milieu d’un cercle blanc.
« Merde ! Encore raté ! Tu es vraiment incapable Aniva ! se plaint Lotarh. Et tes créatures sont aussi incapables que toi ! ajoute-t-il à l’attention de l’homme.
— Silence ! rétorque Aniva. Je sais pourquoi nous avons raté : c’est à cause de la nature de leurs mensonges… »
Dans la pièce aux vêtements, Alex ouvre son communicateur :
« Clémence, t’avais raison ! Lotarh et Aniva sont là !
— On arrive tout de suite, répond la voix de Clémence. Transformez-vous !
— D’accord ! Amulette Verte, métamorphose !
— Amulette Jaune, métamorphose ! »
Les deux Combattants sortent de leur cachette, et rejoignent Rain Bow et Blue Bow qui viennent d’arriver. Le sang de Rain Bow ne fait qu’un tour.
« Oser s’attaquer à des innocents dont le seul souhait était de ressembler à leurs héros préférés, vous êtes décidément odieux ! En plus vous savez même pas reconnaître le vrai talent ! »
BLOINK ! (vacarme de trois Combattants de l’Arc-en-Ciel tombant à terre de surprise)
« Pour ces deux raisons prenez garde ! Car je suis le messager de l’espoir, Rain Bow !
— Et moi le défenseur de l’espoir, Green Bow !
— Je suis l’arbitre de l’espoir, Blue Bow !
— Et moi la lumière de l’espoir, Yellow Bow ! Et vous allez payer pour avoir organisé un casting bidon !
— Ils sont tous les deux pareils, soupire Blue Bow en secouant la tête de dépit.
— C’est bien ce que je pensais, dit Aniva, vous étiez bien là. Seul le caractère spécial des mensonges de ces deux-là m’a fait rater ma cible. Ils vont quand même me servir. Révélez-vous, Créatures du Mensonge ! »
Trois tornades noires enveloppent les deux victimes d’Aniva ainsi que Christian Sermat. Quand elles se dissipent, elles révèlent un spectacle qui laisse les Combattants muets de stupeur. Christian s’est transformé en un monstre à la peau verte, vêtu d’une chemise et d’un pantalon sales, et portant une casquette bleue laissant dépasser des cheveux hirsutes rouges. Il n’a pas de bouche, et à la place des mains, il a un haut-parleur et un clap identique à ceux utilisés sur les plateaux de tournage. Mais la transformation des deux garçons est la plus stupéfiante. Ils sont devenus deux monstres identiques, à part leurs couleurs dominantes, le rouge pour l’un et le bleu pour l’autre. Et ils ressemblent à une version démoniaque de Rain Bow ! Malgré leur amulette hérissée de pointes, leurs épaulettes, leurs protège-coude et leurs protège-genou, la ressemblance est frappante.
« Ah ah ah ! Leur mensonge à tous les deux, c’est de s’être fait mousser auprès de leurs copains en prétendant être Rain Bow ! Voici donc Metteurentrex, ainsi que ses deux acteurs principaux, les Twinrainbowtrex ! »
Metteurentrex lève les bras, et sa voix sort du haut-parleur !
« Ready ? aaaaaaaaaaand… action ! »
Son clap se referme avec un bruit de tonnerre, les Twinrainbowtrex se tournent immédiatement et se ruent sur les Combattants. Ces derniers sautent hors de portée.
« Aïe ! »
Évidemment, avec son habileté coutumière, Rain Bow est tombé sur les fesses. Metteurentrex referme son clap de nouveau, et l’un des Twinrainbowtrex se retourne vers le véritable Rain Bow, et lui envoie ce qui ressemble à des Rubans Arc-en-Ciel noirs.
« Non ! hurle Rain Bow qui n’a pas le temps de les éviter.
— Barrière de Vent ! »
Les rubans noirs rebondissent sur la protection qu’a crée Green Bow, laissant Rain Bow indemne.
« Merci, souffle-t-il.
— Y’a pas de quoi », réplique cette dernière avec un grand sourire.
Metteurentrex ferme son clap encore une fois, et l’autre Twinrainbowtrex court vers les autres Combattants. Il s’arrête devant eux, et leur lance une sorte de toile d’araignée noire ! Blue Bow et Green Bow y sont piégés, tandis que Yellow Bow a pu l’éviter à temps. Un nouveau clap, et les ongles des copies de Rain Bow s’allongent. Encore un autre, et ils se précipitent vers les Combattantes immobilisées.
« Pas question de ça ! Action Lumineuse ! »
La boule de lumière explose devant les Twinrainbowtrex. Ils sont aveuglés et le choc les fait tomber à terre.
« Rain Bow ! Attaque Metteurentrex ! crie Blue Bow. Sans lui, les deux autres ne bougeront plus !
— D’accord ! dit-il en se relevant. Rubans Arc-en-Ciel ! »
Metteurentrex ne réagit pas. Les Rubans le frappent et il se retrouve par terre.
« Et le final, que seul le vrai Rain Bow peut faire ! Toile Arc-en-Ciel, action !
— Je suis liiiiiiiiibre ! crie le monstre en redevenant Christian Sermat.
— Et les deux autres maintenant ! Toile Arc-en-Ciel, action ! »
Les deux garçons sont aussi libérés rapidement :
— Nous sommes liiiiiibres ! »
Aniva est mauvaise perdante :
« Non… C’est pas vrai ? ! Vous avez encore gagné ? ! Cette fois, vous m’avez réellement mise en colère, et vous allez le regretter ! Vous m’obligez à utiliser l’atout que je gardais dans mon jeu, et vous allez en mourir !
— Attends Aniva ! intervient Yellow Bow. Pourquoi est-ce que tu te mets en colère contre nous ? On est tes amis, souviens-toi ! On te veut pas de mal, alors pourquoi est-ce que t’essaies de nous tuer ? »
Les paroles d’Aurélien ne semblent qu’irriter Aniva encore plus. Elle tend son bras et lui envoie une tornade noire. Il est projeté au sol.
« Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! »
Blue Bow a accouru auprès de Yellow Bow, qui heureusement n’est que sonné. Elle regarde Aniva, les yeux noirs de colère.
« Nous te sauverons, dit-elle. Quel qu’en soit le prix, nous te libérerons du démon qui a pris contrôle de ton corps !
— Ah ah ah ! Vous allez mourir dans peu de temps, rit Aniva. Vous devriez plutôt vous préoccuper de ça ! »
Une tornade noire l’entoure, et elle disparaît en riant. Lotarh la regarde partir, puis se tourne vers les Combattants en souriant.
« Votre obstination est vraiment stupide ! Vous n’avez donc pas compris que c’est le maître Esmeros lui-même qui l’a envoûtée ? ! Il lui a insufflé une part de son esprit démoniaque. Il n’existe qu’un moyen de lui rendre la mémoire, mais vous n’oserez jamais en arriver là. »
Il croise le regard de Blue Bow et son ton change soudain :
« Mais je vois que tu as déjà compris de quoi je parle, Blue Bow. »
Murmure de stupéfaction parmi les Combattants, qui regardent Blue Bow d’un air étonné.
« En auras-tu le courage ? » lui demande Lotarh de manière énigmatique.
Ses yeux brillent, et il finit par disparaître. Les Combattants continuent de regarder Blue Bow sans comprendre.
« De quoi est-ce qu’il parle Clémence ? demande doucement Aurélien.
— Ne parle pas, répond-elle après quelques moments d’hésitation. T’as été rudement touché. Les amis, venez m’aider à relever Aurélien ! Il faut partir d’ici avant que tout le monde se réveille.
— Euh… d’accord ! » répliquent Angel et Alex ensemble, en sortant de leur immobilité.
Ils aident Clémence à relever Yellow Bow, et quittent rapidement la salle d’audition.
Le soir venu, nous retrouvons Aurélien dans sa chambre remplie de matériel électronique et informatique dernier cri. Mais l’esprit d’Aurélien est ailleurs. Il regarde par la fenêtre le coucher de soleil, le visage sombre.
« Clémence, qu’est-ce que Lotarh a voulu dire ? T’as refusé de répondre à nos questions et t’es partie pratiquement sans nous dire au revoir. Je suis inquiet, j’ai un mauvais pressentiment… Clémence, j’espère que tu nous expliqueras bientôt de quoi il s’agit. »